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DSK, ou le syndrome du scorpion


DSK, ou le syndrome du scorpion

Une histoire africaine bien connue met en scène une grenouille et un scorpion tentant d’échapper à la noyade lors d’une crue dévastatrice : « Monte sur mon dos, propose la grenouille, et tu seras sauvé. » Le scorpion accepte, et au milieu du fleuve, pique la grenouille de son dard mortel. « Pourquoi as-tu fait cela ? », demande la grenouille avant de passer de vie à trépas. Tu vas mourir aussi. » « C’est ma nature… », répond le scorpion.

Comment Dominique Strauss-Kahn, qui est loin d’être un imbécile et encore moins un naïf, a-t-il pu se laisser aller à une aventure extraconjugale avec une dame du FMI sur laquelle il avait autorité ? Il était libre de mépriser la mise en garde de Jean Quatremer, correspondant de Libé à Bruxelles qui saluait ainsi sa nomination : « Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). Or, le FMI est une institution internationale où les mœurs sont anglo-saxonnes. Un geste déplacé, une allusion trop précise, et c’est la curée médiatique. »

Il y a bien des raisons de mépriser ces journaleux aigris, peut-être jaloux de votre charme dévastateur. L’avertissement n’en était pas moins prémonitoire. Comment DSK a-t-il pu ne pas méditer la mésaventure de Paul Wolfowitz, viré récemment de la direction de la Banque mondiale pour népotisme en faveur de sa compagne qui travaillait dans cette institution ?

Il était à peine installé depuis deux mois dans le bureau directorial de Washington qu’il a donc fallu qu’il drague par mail Piroska Nagy, directrice du département Afrique du FMI, et qu’il mène l’assaut jusqu’à la reddition de la forteresse magyare. La dame, dont le mari n’avait que modérément apprécié l’épisode, profita de la réduction d’effectifs de son institution pour filer à l’anglaise, et plus précisément à Londres, où elle exerce maintenant ses talents à la BERD. L’enquête diligentée par le directoire du FMI doit établir si Dominique Strauss-Kahn a fait bénéficier Mme Nagy d’avantages indus lors de son départ, ou si, au contraire, il ne l’a pas poussée à la démission pour tirer un trait sur cette affaire…

Les coulisses du FMI ne sont pas celles d’un théâtre de boulevard. Même si, au bout du compte, il s’avère que Mme Nagy n’a pas fait l’objet d’un traitement discriminatoire, favorable ou défavorable, notre brillant économiste social-démocrate est d’ores et déjà déstabilisé. Dans un pays où les profs d’université se croient obligés de proclamer sur la porte que leur bureau est une sexual harassment free zone, le seul fait de confondre business et affairs (ah ! ces faux amis !) vous vous rapproche plus de la sortie que de l’augmentation.

On peut le regretter, tempêter, s’indigner – et on aura raison. Mais c’est en toute connaissance de cause que DSK a choisi de traverser l’Atlantique plutôt que le désert de cinq ans, voire plus, d’opposition à la droite en France.

Et bon sang de bonsoir, s’il avait envie de courir le guilledoux, ce qui est parfaitement son droit, il n’avait qu’à sortir de son building à l’heure du lunch, pour faire la connaissance de l’une de ces milliers de fonctionnaires fédérales jeunes, jolies et intelligentes qui grignotent solitairement leur salade composée sur les bancs publics de Washington !

D’accord, on n’est pas sérieux quand on a soixante ans, et il faut bien que le corps exulte – je serais le dernier à lui jeter la pierre. Mais cette tentative de suicide politique n’a vraiment rien de drôle: combien sont-ils, ces électeurs de Sarkozy en 2007 qui seraient heureux de revenir à gauche si DSK rentrait au pays auréolé d’un parcours sans faute à l’international ?

Ceux-là se sentent aujourd’hui cocus, au même titre que les conjoints respectifs des protagonistes de ces galipettes monétaires internationales.

A titre de consolation on pourra toujours se réjouir de la naissance, sous la plume de DSK d’un nouvel euphémisme désignant le coup de canif au contrat de mariage : « Un incident survenu dans ma vie privée… » Pour l’accident, voir Félix Faure.



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