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Bilinguisme franco-anglais de la carte d’identité: une forfaiture

Soumission


Bilinguisme franco-anglais de la carte d’identité: une forfaiture
D.R.

Much ado about nothing?


L’affaire de la « NIC » (National identity card) a fait grand bruit, l’an dernier. L’Académie française, on s’en souvient, avait menacé d’agir en justice. En janvier 2022, elle mandatait un avocat pour écrire au Premier ministre. Et elle s’apprêtait même à saisir le Conseil d’État. C’est dire combien l’affaire était sérieuse ! Mais finalement, le Conseil d’État a validé le bilinguisme franco-anglais de l’Identity card le 22 juillet.

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Si la France ne défend plus le français…

En détournement de la loi Toubon; en violation — quoi qu’on dise— de l’article 2 de la Constitution; contrairement aux ambitions de la France et du Conseil de l’U.E. de faire du plurilinguisme l’esprit de leur politique et, alors que l’Allemagne (par opportunisme ?) a mis le français sur sa carte d’identité, la France, elle, se soumet bravement à l’empire du globish. Les associations francophones le clament : l’État ne défend plus sa langue.

Dans cette affaire, hélas, l’Académie française a subi un camouflet. Mais la dame du quai Conti avait-elle mesuré l’ampleur de la guerre, de loin venue, partie de peu, faite à notre langue, touchant le lexique, la grammaire, bientôt la syntaxe, en un mot, étendue à tous les fronts ? Tout avait commencé avec les meilleures intentions du monde — vraiment ?— par la mainmise du lexique par l’appendice genré du e, prélude à l’inclusive. Certains, sous la Coupole, avaient salué une visibilité accrue du féminin tout en précisant que ce e — contradiction cocasse— devait rester muet. Visible mais muette, la femme ? Sois belle et tais-toi, chère professeure ! À présent l’inclusive et le globish sévissent. Et l’Académie de dénoncer le danger. Et s’il était trop tard ? Car, si la fonction de l’Académie est « d’accompagner la langue », elle l’est aussi de la défendre, en mousquetaire, épée au côté, quand elle est attaquée, avec l’arme qui assure l’unité de la République : l’édit, toujours en vigueur, de Villers-Cotterêts, détourné, avec la NIC, par ce que beaucoup dénoncent comme une forfaiture.

L’inclusif à tout va, arme de destruction massive

Macron fustige partout la colonisation française mais prête les mains à la colonisation de l’empire. Dans le cas présent, cette colonisation linguistique prospère au sein d’un pays qui ne connaît plus sa langue, soumis qu’il est à « la culture » anglo-saxonne, et dévasté, à l’Université comme dans les services publics, par les idéologies — féminisme, inclusive, créolisation — tout ce qu’on met sous le mot, fort bien venu, de wokisme. Car c’est bien de révolution à tous les étages de la maison France qu’il s’agit.

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Alors, cette identity card, une bagatelle ? Une crispation identitaire ? Un purisme hors de saison ? Much ado about nothing ! Identity ou pas, cela ne changera rien à mon pouvoir d’achat ! On aurait tort de voir là une chose sans importance. Tort de laisser aller à vau-l’eau notre langue, et brader notre souveraineté. Cette anglicisation est le symbole fort d’une soumission ridicule et nocive. Comme l’écrivaient l’Académicienne Barbara Cassin et Xavier North, dans une tribune du Monde du 5 avril 2021, cette Identity card, destinée à arpenter l’Europe est « une bêtise symbolique ! » Sauf que, bientôt, nous manquerons de professeurs pour nous enseigner que le globish n’est pas la langue de Shakespeare pas plus que l’inclusive n’est celle de Molière.

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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