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Bernard Arnault, bouc émissaire des Insoumis

Une polémique inutile


Bernard Arnault, bouc émissaire des Insoumis
Manifestation contre la réforme des retraites, Paris, décembre 2019. Auteurs : ROMUALD MEIGNEUX/SIPA. Numéro de reportage : 00936386_000022

Manon Aubry, Bernard Arnault, LVMH et la BCE : quand les Insoumis décochent les mauvaises flèches.


En tant que députée européenne de la France Insoumise depuis juin 2019, Manon Aubry reste une militante très active. Porte-parole de l’ONG Oxfam, elle n’a eu de cesse de s’attaquer à tous ceux qu’elle considère comme les «ennemis des pauvres», les «profiteurs des paradis fiscaux», tous ceux qui sont, selon elle, à l’origine des inégalités sociales : banques, patrons, politiques, riches… Son dernier combat, ou plutôt sa dernière trouvaille, c’est la «connivence» entre la BCE (Banque centrale européenne) et Bernard Arnault. Dans plusieurs messages sur Twitter et quelques vidéos sur Youtube (Manon Aubry sait-elle que les fondateurs de Twitter et Youtube sont des milliardaires et parmi les plus riches au monde ?), la députée européenne accuse la BCE d’avoir «subventionné» Bernard Arnault lorsque son groupe, LVMH, a racheté le groupe américain Tiffany. Son «message» indigné a été d’ailleurs repris par de nombreux médias.

La BCE injustement accusée

De quoi s’agit-il ? Le groupe LVMH a lancé, en février dernier, une émission obligataire pour un montant de 9.3 milliards d’euros afin de financer l’achat de Tiffany. Or, la BCE a, depuis 2016, un programme d’achat d’actifs financiers destiné aux entreprises de la zone euro intitulé « programme d’achat d’obligations émises par les entreprises » (CSPP, Corporate sector purchase program) auquel est associée la Banque de France. Cela n’a rien d’illégal. Les émetteurs des obligations achetées par la BCE sont libres d’utiliser les fonds levés comme ils le souhaitent, le programme CSPP respecte les règles du marché et une étude montre l’étendue de ce marché parmi les entreprises européennes. La levée de LVMH serait la troisième plus importante depuis 2016 et elle n’est en rien différente des autres, sinon par les montants qui sont en jeu. Manon Aubry et Jean-Luc Mélenchon veulent s’appuyer sur ce genre de schéma financier pour dénoncer ceux qui en profitent mais aussi pour réclamer l’annulation des dettes publiques (Mélenchon l’a rappelé lors du récent sommet européen).

Certes, il n’est sans doute pas dans la vocation de la BCE de favoriser les prêts aux entreprises. Mais dès lors qu’elle le fait au profit de toutes et dans des conditions de marché, la critique ne semble guère fondée. Elle apparaît plutôt comme un mauvais prétexte pour réclamer l’effacement de toutes les dettes publiques. Une dette obligeant celui qui l’a contractée à plus de discipline, l’effacer ne ferait que pousser l’emprunteur à dépenser plus et à emprunter de nouveau. Mais qui lui prêtera encore si l’on efface ses dettes d’autorité ? Bien sûr, il faut aider les Etats touchés par la crise du coronavirus, tout comme il faut aider les entreprises, mais de manière rationnelle et ciblée. Distribuer des aides à tout le monde, c’est une mauvaise méthode, inefficace, qui revient à  mettre des Etats et des entreprises sous perfusion alors qu’il faudrait donner de l’air aux économies afin qu’elles retrouvent un second souffle.

La richesse des chefs d’entreprise n’est pas sale

Ce n’est pas la première fois que Bernard Arnault est la cible des politiques de gauche et d’une partie des médias. Souvenez-vous, entre autres, de la « une » du journal Libération (septembre 2012) qui insultait l’homme d’affaires français. En France, on exècre les riches, ailleurs on les célèbre. Même quand ils sont généreux, on les critique. Lorsque Bernard Arnault a donné 100 millions d’euros à titre personnel pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame (et 100 millions via LVMH), certains comme Manon Aubry l’ont raillé et sommé  de… payer des impôts.

Ce que Manon Aubry et Jean-Luc Mélenchon ne veulent pas voir ou admettre, c’est que Bernard Arnault et consorts sont riches parce qu’ils sont des chefs d’entreprise. En 2019, LVMH comptait plus de 163 000 employés (100 000 en 2012). Un des premiers employeurs français, le groupe embauche à tour de bras chez nous (en moyenne, entre 2500 et 3000 nouveaux emplois par an), alors que  90 % de ses ventes se font hors de France ! Le groupe fédère 70 maisons d’exception (le prestige de Guerlain, Hennessy, Dom Pérignon, Louis Vuitton… est universel), qui ont réalisé 46,8 milliards d’euros de ventes en 2018, avec un réseau mondial de plus de 4 590 magasins.

Si l’on résume, la France pour LVMH, c’est 10% de son activité mais 50% de la totalité de ses impôts ! Cela en dit long sur la fiscalité de notre pays. La fondation LVMH distribue des centaines de millions d’euros aux laboratoires de l’Institut Pasteur, aux associations pour les enfants pauvres et pour les actions culturelles. Le groupe a dépensé 53 milliards pour son personnel dans les 10 dernières années et s’est acquitté de 18 milliards d’impôt sur les sociétés. C’est l’argent qui est versé à l’Etat. Faut-il aussi rappeler que les 10 % des plus riches de nos concitoyens payent 70 % du total de l’impôt sur le revenu en France ? Il est donc faux, voire malhonnête de la part de « responsables » politiques, de dire que ceux qui gagnent beaucoup ne payent pas d’impôts.

Ce qui dérange vraiment Manon Aubry et ses camarades, c’est que Bernard Arnault soit l’homme le plus riche de France et le troisième plus riche du monde (voire premier en 2019). Ils ne se rendent pas compte que l’idéal, pour l’emploi et contre la pauvreté, serait d’avoir non pas moins, mais beaucoup plus de Bernard Arnault.

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est directeur de l’IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales). Dernier ouvrage : "Les donneurs de leçons" (Editions du Rocher)

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