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Beppe Grillo : Ciao Monti, mais Berlu, non merci


Beppe Grillo : Ciao Monti, mais Berlu, non merci

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Ceci est la traduction de l’éditorial de l’article que le leader populiste italien Beppe Grillo a publié sur son blog le 10 décembre 2012.

Nous sommes nous et vous, vous n’êtes rien.
Avec la démission de Rigor Montis, le miroir sombre du pays a éclaté en mille morceaux et chaque italien peut désormais apercevoir la dissolution de l’Etat dans le bris de verre dont il est le plus proche. Un saut dans l’inconnu. Ça n’est pas encore Caporetto[1. Actuellement en Slovénie. Du 24 octobre au 9 novembre 1917, défaite de l’armée italienne devant l’armée austro-allemande du général Otto Von Below.], ça n’est pas encore le 8 septembre de Badoglio[2. Capitulation de l’Italie le 8 septembre 1943.], mais ça y ressemble. Que tous ceux qui le peuvent embarquent dans des canots de sauvetage. Quand il en avait la possibilité, Monti ne parlait pas aux citoyens ni au grand public pour se libérer du contrôle des partis. Il s’est montré avec le courage de Don Abbondio dans le roman Les fiancés de Manzoni[3. Dans ce roman, Don Abbondio est le curé du village de Renzo.]. Et il en paie aujourd’hui les conséquences. L’image du « montisme » qui restera dans la mémoire des italiens sera la photo publiée sur Twitter, montrant Casini, Bersani et Alfano, au palais Chigi[4. Palais Chigi : palais de la présidence du conseil des ministres. Casini : député centriste, président de la Chambre des députés de 2001 à 2006.  Bersani : ancien communiste, secrétaire du PDI, plusieurs fois ministre. Alfano : Angelino, juriste sicilien, ministre de la justice de 2008 à 2011, proche de Berlusconi, auteur de la fameuse loi instaurant l’immunité, abrogée en 2009 pour cause d’inconstitutionnalité.], tous trois assis sur des fauteuils de velours, riant et sirotant du thé avec le fier efflanqué Monti derrière eux. Ils semblaient dire : « Regardez nous. Nous sommes nous et vous, vous n’êtes rien ! ».

La participation du peuple aux décisions fondamentales de la Nation a été jetée aux orties par les partis puis par les technocrates. La volonté des Italiens est devenue une variable indépendante du système politique qu’on méprise sous le nom de « populisme ». J’ai envoyé cette lettre ouverte à Monti le 24 novembre 2011 et je n’ai pas encore reçu de réponse :

« Vous ne pouvez pas faire grand-chose, de votre propre chef ou secondé par une équipe de technocrates, sans le soutien du grand public. La lune de miel actuelle, due davantage à la sortie du berlusconisme qu’à vous-même, pourrait s’avérer de courte durée. Votre succès sera déterminé par vos actions, et par le soutien que ces actions obtiendront dans le pays réel, le pays des corporations et des associations, et certainement pas sous le régime des partis qui est un simulacre de démocratie. Souffrez que mes soutiens et moi-même, qui représentons tout de même la cinquième ou la sixième force électorale, puissions vous adresser quelques suggestions. Primo, respectez la volonté de ceux qui souhaitent l’abandon du nucléaire, luttent pour la préservation de l’eau et combattent l’inutile destruction du val de Suse. Secundo, donnez immédiatement l’exemple en coupant dans les dépenses inutiles au lieu de taxer la résidence principale, le patrimoine ou d’augmenter la TVA. Le peuple italien subit les taxes les plus élevées d’Europe et alimente une énorme évasion fiscale. Cela signifie que ce sont toujours les mêmes qui paient et portent sur leurs épaules le fardeau du bien nommé redressement. Vous avez deux fois de la chance, la première c’est que vous succédez à un scélérat et la seconde c’est que vous avez de grandes marges de manœuvre. Où que vous regardiez vous pourrez opérer des sauvetages ou des coupes à coût zéro. Coupez dans les provinces, le financement électoral, l’édition publique. Mettez un terme aux grandes machines publiques comme le TAV[5. TAV : train à grande vitesse (projet Lyon-Turin).], le contournement autoroutier de Gênes, l’exposition universelle de Milan en 2015. Vous savez mieux que moi que tout cela ne sert à rien. L’économie ne se développe pas avec du ciment. Remettez la gestion des autoroutes sous le contrôle de l’Etat, s’il y a des milliards à gagner, autant que cela profite à l’Etat plutôt qu’à Benetton et à ses associés. Vous avez étudié chez les jésuites, mais pour rester dans le registre religieux, vous devriez renouer avec les franciscains. Détachez-vous du monde de la finance dont vous êtes issu et tournez vous directement vers le peuple italien. Si vous ne pouvez le faire, je vous conseille de renoncer aux plus hautes fonctions. Reproduire les erreurs et les vilenies des politiciens qui vous ont précédé ne sera pas à votre honneur. »

Monti Annus Horribilis s’efface derrière ses conséquences désastreuses. Résultat : le pays a épuisé ses ressources sans qu’aucun de ses problèmes structurels, institutionnels, industriels, électoraux ou sociaux n’ait été résolu. Blocage. Vanité de ceux qui sont responsables de la destruction du pays, qu’il s’agisse des frères siamois du PDL[6. Il Popolo della Liberta : parti de Berlusconi.], du PD[7. Parti Démocrate, principale force de centre-gauche.] sans L, et de l’extrême droite qui a déjà constitué ses listes dans la moitié de l’Italie. Ceux ont causé le désastre actuel ne font que se lamenter sur eux-mêmes. Monti, quand tu partiras, éteins au moins la lumière. Mon mouvement « Cinq Etoiles » est dans une course contre la montre pour présenter ses listes. D’avril 2013 comme échéance électorale nous sommes passés à mars puis à février. Et ensuite ? Le président Napolitano appellera-t-il le peuple à se rendre aux urnes le mois prochain pour l’épiphanie quand la bonne sorcière (la Befana) viendra avec ses vieilles pantoufles usées ? Nos gouvernants font ce qu’ils veulent mais qu’ils prennent garde à la colère des siciliens. Dans tous les cas, à bientôt au parlement ! Ce sera un plaisir.

*Photo : Sebastiano Pitruzzello (aka gorillaradio)



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