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Et maintenant, un bac à la soviétique…


Et maintenant, un bac à la soviétique…
(Photo : SIPA.00660977_000001)
(Photo : SIPA.00660977_000001)

Cette année sera celle d’un grand cru : on va approcher et peut-être dépasser les 90% des taux de réussite au bac ! Mieux que le record en la matière : les 87,9% de réussite en 2014. Quoi de plus charmant que cette farandole d’élèves s’élevant vers les cieux d’excellence ? Quoi de plus réjouissant en cette période morose et triste que ces résultats admirables et flatteurs ?

C’est que l’Éducation nationale n’arrête pas de faire peau neuve. Elle a cessé d’être cet univers clos entouré de barbelés où étaient retenus prisonniers des millions d’enfants. Leur martyre a pris fin : on les forçait à apprendre leurs leçons, à faire leurs devoirs, à arriver à l’heure. Et surtout à manier plus ou moins correctement la langue française, ce qui était parfaitement discriminant pour les « jeunes » dont les parents avaient une autre langue maternelle que celle majoritairement utilisée sur notre territoire. Najat Vallaud-Belkacem, après tant d’autres ministres de l’Éducation nationale, gauche et droite confondues, s’est attelée à son tour à cette tâche prométhéenne.

Elle fait ce qu’elle peut. Mais elle ne peut pas tout. C’est sûr que la réforme de l’orthographe entrée en vigueur sous son « règne » va dans le sens d’une simplification désirée. Mais elle manque encore d’audace. Il y a de cela quelques années, un groupe de pédagogues, un peu plus proche des urgences psychiatriques que la moyenne de leurs collègues, avait carrément préconisé qu’on supprime l’épreuve de français au motif qu’elle désavantageait les élèves issus de la diversité. Aucun ministre — et même l’actuelle pourtant la plus innovante de tous — n’a encore osé les suivre. Najat Vallaud Belkacem s’est donc rabattue sur l’enseignement du genre et sur la sensibilisation à l’homophobie. Matières absolument nécessaires à la formation d’une tête bien pleine.

Concernant le bac, il n’est pas inutile de rappeler qu’il y a de cela plusieurs années, il a été fixé comme norme à atteindre que 80% au moins d’une classe d’âge obtiennent ce précieux diplôme chaque année. 80% de bacheliers comme tant de quintaux de blé à l’hectare, tant de tonnes d’acier sorties des hauts fourneaux, tant de voitures fabriquées à la chaîne. On aurait pu envisager d’élever le niveau des lycéens pour atteindre cet objectif enviable. On a préféré, pour ne pas stigmatiser les cancres et les nuls, baisser simplement le niveau du bac.

Que valent 90% de réussite au bac ?

Sait-on qu’une quantité impressionnante de bacheliers (pas de statistiques sur la question : elles sont aussi secrètes que les statistiques ethniques) ne savent ni écrire ni s’exprimer convenablement en français ? Sait-on que le bac ouvre certes les portes des universités mais qu’après un an d’étude, ils sont souvent 50% à dégager dans le décor ? Sait-on que nombre d’universités, accablées par ce triste arrivage, pratiquent une sélection déguisée et théoriquement interdite ?

Sait-on que nombre d’employeurs ne regardent plus le diplôme du bac, mais l’endroit où il a été délivré ? S’il s’agit par exemple de l’Académie de Créteil, qui englobe le 9-3, l’entretien d’embauche est en général relativement bref. Sait-on que dans cette académie justement, consigne a été donnée discrètement, de sur-noter les élèves ? Sait-on que pour cette académie, on a contourné la règle qui veut que seuls des profs certifiés puissent enseigner dans le secondaire ? Impossible de faire autrement : les profs inventent des prétextes plus fallacieux les uns que les autres pour ne pas y être affectés. On  a donc ouvert le recrutement à des enseignants qui n’avaient pas le Capes.

Vous voyez maintenant ce que valent à peu près les 90% de réussite au bac. Toutefois, l’auteur de ces lignes ne tient absolument pas à être classé dans la catégorie des grincheux réactionnaires nostalgiques du bac d’antan. C’est  pourquoi, dans un élan progressiste, révolutionnaire et résolument moderne, il propose la suppression pure et simple du bac. Au point où on en est…



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est journaliste et essayiste

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