Accueil Édition Abonné Arrêtez de tout politiser, bande de gauchistes !

Arrêtez de tout politiser, bande de gauchistes !

Les longues noces du sport et de la politique.


Arrêtez de tout politiser, bande de gauchistes !
Olivier Giroud fête la victoire de la France contre l'Australie à la Coupe du monde, le 23 novembre 2022 Li Ming/CHINE NOUVELLE/SIPA 01095037_000030

Moins on fait de politique, mieux on se porte. Surtout dans un monde de droite.


Il y a des phrases dont on se demande si elles sont dictées par une naïveté qui confine à la bêtise ou par une hypocrisie qui renvoie Tartuffe au rang de petit joueur. Ainsi en va-t-il de cette phrase d’Emmanuel Macron, récemment prononcée à propos de la coupe du monde au Qatar : « Il ne faut pas politiser le sport ».  On peut trouver beaucoup de défauts à Macron, pas celui d’être idiot. Il est donc, évidemment, hypocrite.

Faut-il revenir sur les longues noces du sport et de la politique ? Faut-il revenir sur le poing dressé sur le podium des coureurs noirs Tommie Smith et John Carlos aux JO de Mexico en 68 ? Faut-il revenir sur le boycott des JO de Moscou en 1980 par les USA de Reagan et par quelques-uns de leurs vassaux ? Faut-il revenir sur la promotion de la France Black-Blanc-Beur en 1998 à propos de la victoire du Onze tricolore ? Le sport a toujours été politique, bien avant même qu’il ne soit un spectacle. La carte de France du foot et celle du rugby recoupe à peu près la frontière qu’il y avait dans les années 30 entre la France cléricale, le foot étant un sport de patronage, et le rugby l’apanage des communes du Sud-Ouest radicales-socialistes et bouffeuses de curés.

Cette coupe du monde est évidemment politique. Accepter de jouer au Qatar, c’est accepter de cautionner une monarchie pétrolière fondamentaliste qui mêle comme dans un roman de SF steampunk des pratiques médiévales en matière religieuse et un hypermodernisme architectural façon Blade Runner sans la pluie. C’est accepter aussi la lâcheté de la Fifa qui n’autorise même pas les sélections qui le souhaitent, comme le Danemark, de mettre un malheureux brassard pour défendre les droits LGBT. Bref, c’est bien un choix politique, et même en l’occurrence, géopolitique.

Je ne juge pas, je me contenterai pour la première fois depuis mes quatorze ans, en 1978, de ne pas regarder les matchs, même pas ceux de la France et, à défaut de souhaiter la victoire de l’Allemagne comme Laval, de souhaiter une défaite française la plus rapide possible.

L’apolitisme n’existe pas

Pour le reste, la phrase de Macron nous rappelle que lorsque quelqu’un dit, « Arrêtez un peu avec la politique », vous êtes forcément en face d’une personne de droite. L’apolitisme n’est pas de l’apolitisme, c’est de la droite qui a honte d’être de droite. Pour une raison simple : le monde est naturellement de droite. Le monde est naturellement un monde où on arrive dans la même journée à apprendre que la rémunération des patrons du CAC 40 a augmenté de 52% et que le nouveau régime d’indemnisation des chômeurs va consister à réduire de 25% la durée des indemnisations, histoire que ces feignasses d’ouvriers reviennent plus vite que ça sur les chantiers du BTP où on leur fera construire fissa un immeuble au tarif du Malien clandestin.

Si vous avez l’outrecuidance de remarquer que c’est tout de même très injuste, les économistes de plateaux, tous libéraux, vous diront que vous ne comprenez rien à l’économie, que c’est comme ça, que c’est de la faute à Tina, un vieil acronyme thatchérien pour signifier « There is no alternative ».

Le problème, c’est qu’il y a toujours une alternative. On pouvait très bien refuser d’envoyer nos joueurs au Qatar et on pourrait très bien décider que la contribution fiscale de Monsieur Carlos Tavares, qui « tue le game » chez ses copains du CAC 40 avec une rémunération totale de 66,7 millions d’euros pourrait être revue légèrement à la hausse. Surtaout dans un pays  où le capitalisme, qui devait assurer la richesse de tous, assure surtout une tiers-mondisation douce à coup d’inflation, de vieillissement des infrastructures et de naufrage de services publics de moins en moins publics et de plus en plus privatisés. Mais comme dirait Macron : « Il ne faut pas politiser le sport. Ni l’économie ».

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