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Anticonstitution…


Anticonstitution…

J’adore Nicolas Sarkozy. Si j’avais la taille mannequin – je ne l’ai jamais eue – et que je pouvais gratter une guitare sans savoir chanter, je le demanderais en mariage. Il a, pour nous autres Allemandes, tous les attributs du french lover. Petit, sec, racé, plutôt beau gosse, propre sur lui, doté d’une gouaille suffisamment vulgos pour attirer à lui la ménagère de moins de cinquante ans et la mégère dont le ticket n’est plus valable au-delà de cette limite, Nicolas Sarkozy m’épate. Il a le truc qui faut, le wizz, le buzz, le crac-boum-hue. Et si ce n’était que ça, Angela Merkel ne serait pas passée à côté. C’est qu’il a aussi des idées ! Et des idées comme on ne fait plus. Ou qu’on n’a peut-être jamais eues. Par exemple, tenez : il y a des déficits, Nicolas Sarkozy veut les rendre anticonstitutionnels. C’est génial, prodigieux, la dernière nouveauté de la pensée magique. S’il n’était pas occupé par d’autres sinécures, l’homme pourrait facilement devenir chef de rayon au Bon Marché.

Mais Nicolas – je l’appelle Nicolas, car mon degré d’intimité est suffisamment élevé ; je ne sais pas pour lui – ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin. Rendre le déficit d’un Etat anticonstitutionnel est une bonne voie, mais c’est un peu trop fastoche. Pour tout dire, ça ressemble un peu trop aux papiers que je griffonne en début d’année et qui me tiennent lieu de résolutions : ne plus prendre de dessert, ne plus en reprendre deux fois, ne pas froisser Willy sur ses problèmes de virilité (un type de plus de 60 ans ne mérite pas de se faire insulter chaque fois qu’on est au radada). Le problème avec ce genre de papiers, c’est comme avec la Constitution : on finit par les oublier quelque part. On les retrouve un jour, alors qu’on y est venu chercher autre chose, dans la poche du slip Kangourou d’un quelconque Jean-Louis Debré ou dans un autre endroit où je n’aventurerais pas mes doigts.

Cela étant, Mamour – je l’appelle Mamour parce qu’il n’y a pas de raison, moi aussi je n’y connais rien à la musique – a raison de vouloir déconstitutionnaliser les déficits. Et, si bien parti, il devrait se prendre à déconstitutionnaliser bien d’autres choses :

1- Il faut déconstitutionnaliser la connerie. Elle est, depuis Descartes, la chose la mieux partagée au monde, surtout en France, et les cons nous cernent. La chose nous concerne tant qu’elle devrait être inscrite comme une première urgence. Cela obligerait certainement une soixantaine de millions de Français à jouer les boat people jusqu’à la Corse.

2- Interdire dans la Constitution le racisme et l’antisémitisme serait, même si cela me semble être déjà fait, une autre priorité présidentielle. Il y en a ras-le-bol des nègres qui traitent les youpins de juifs et des feujs qui traitent les bougnoules de blacks. Faut un peu moins de discrimination, un peu plus de distinction, et moins de daltonisme ! On n’est pas des niakwés quand même !

3- Interdire les mecs qui n’aiment pas les grosses dans la Constitution ne serait pas la moindre des mesures. Je ne parle pas pour moi, même si j’ai un peu pris ces temps-ci autour des hanches. De toute façon je vous emmerde, y en a qui aiment ça.

4- Sucrer de la Constitution les pédophiles. Et les enfants, trop excitants.

5- Sucrer le sucre. Ça fait grossir. Et puis, il y a l’aspartame. C’est pas pareil, mais bon…

6- Interdire constitutionnellement la parution hebdomadaire du magazine Elle. Je l’achète chaque semaine et, franchement, tous ces boudins qui posent en se la jouant glamour, ça ne me remonte pas le moral.

7- Bannir l’homophobie. Tous les pédés ne sont pas des enculés.

8- Retourner à Syracuse et inscrire ça dans la Loi fondamentale. On y a passé notre voyages de noces avec Willy, on était jeunes et c’était bien. Surtout le petit-déjeuner continental, on pouvait se resservir plusieurs fois.

9- Interdire constitutionnellement le port de la moustache. Au début, ça chatouille. Après, ça grattouille. Au final, ça n’est pas si désagréable, mais quand même.

10- Obliger Nicolas Sarkozy à tomber amoureux de moi. Et Brad Pitt. Et je n’en voudrai pas.

11- Déclarer inconstitutionnelle la Constitution. Parce que le slip kangourou du président du Conseil constitutionnel, quand t’en as vu un, tu les as tous vus. Même lorsqu’ils sont remontés jusqu’aux épaules. Les slips kangourous, pas les présidents du Conseil constitutionnel.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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