Régionales: Le tango des cocus


Régionales: Le tango des cocus

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Franchement, être au PS, en ce moment, c’est difficile. J’en connais qui ont voté Hollande en 2012, parce qu’ils ont cru que son ennemi, c’était la finance. Quelques Macronneries plus tard, ils en sont revenus — ou plutôt, ils n’en sont pas revenus. De même, ils ont cru — dans l’enseignement surtout — que Vincent Peillon, qui se préparait depuis des années à être ministre de l’Education, sortirait de son chapeau une grande réforme qui reviendrait sur les horreurs de la loi Jospin de sinistre mémoire — l’élève au centre, le constructivisme, les pédagos au pouvoir, etc.. Quelques belkassineries plus tard, il leur reste leurs yeux pour pleurer. Restaient les Régionales : les voici sommés de voter pour le Parti Républicain. Embrassons-nous, Folleville ! Sarko for ever !
Pauvres gens ! On a tenté de les rassurer en inventant un « front républicain » de texture composite et d’intentions obscures — quoi qu’ils disent. Démonstration.

J’ai au lycée Thiers, à Marseille, une classe qui prépare activement le concours des Sciences-Po de province. Au programme des IEP, cette année, l’Ecole (bon, ça va, je raconte, en toute objectivité, l’apocalypse molle des quarante dernières années, et particulièrement des vingt dernières, ça les fait beaucoup rire — jaune —, d’autant qu’ils éprouvent dans leur chair de cancres sympathiques à quel point on les a pris pour des crétins tout au fil de leur formation) et la Démocratie : et là, j’ai un peu de mal à leur vendre la notion de Front républicain.
D’autant que nous sommes partis de Montesquieu, pour qui la Démocratie, déjà, est une perversion de la République. Alors quand ils voient le déni de démocratie organisé par un parti dont toute la philosophie consiste à barrer la route — en prévision de 2017 — d’un FN qui rassemble au moins 30% des voix, les bras leur en tombent.
« Mais M’sieur, si le FN n’est pas républicain, pourquoi ne pas l’interdire ? » Oui, pourquoi ? La question a été posée jeudi soir sur i-télé à Manuel Valls, qui a répondu à côté parce qu’il n’y a pas de réponse : ils ne sont pas républicains parce qu’ils ne sont pas nous, nous, nous sommes le Bien. Et Bartolone, qui vient d’accuser Valérie Pécresse de représenter « la race blanche » — kholossale finesse —, dans la plus pure obédience à la stratégie Terra Nova, est un « grand républicain » — dixit Valls. Il y a des jours où je suis fier d’être français.
Mais si les Frontistes sont républicains, puisqu’on ne les dissout pas, pourquoi leur interdire l’accès aux institutions vers lesquelles les pousse la vox populi ? Pourquoi donner le spectacle un peu sidérant et légèrement pornographique de cette collusion complice PS / LR, comme si les deux partis qui bipolarisent la vie politique depuis trois décennies répugnaient à faire de la place et choisissaient soudain de se rouler des pelles ? Ce « Front républicain », me disent-ils, ne serait-il pas par ailleurs un bon moyen de camoufler le bilan catastrophique de cinq années de sarkozysme et de quatre années — bientôt — de hollandisme ? Et ces 9 ou 10 ans, c’est presque toute notre vie, ajoutent-ils. Un truc pour ne pas parler des cadeaux faits aux banquiers, du léchage des bottes de Merkel, des disparités qui se creusent, des salaires qui stagnent, des migrants qui viennent prendre la place de leurs parents ex-immigrés, de la réforme du collège qui enverra leurs petits frères et sœurs encore plus sûrement dans le mur ?

De surcroît, ajoutent-ils, qu’est-ce que c’est que ces manières ? Ces partis se croient propriétaires des voix des électeurs ? Au moins, remarquent-ils, ni Mélenchon ni Dupont-Aignan, pour prendre deux opposés du spectre politique (et pas si éloignés que ça, en fait, but that’s an other story) ne donnent de consignes de vote : leurs électeurs, jugent-ils, sont adultes et savent quoi faire dans cette bipolarisation imposée qui tourne doucement au tripode, de façon à exclure ceux qui proposent autre chose que l’obéissance à Bruxelles pour les uns ou les propositions aberrantes pour les autres — parce que quand même, cette histoire de planning familial, quand on sait qu’il y a en France 200 000 avortements par an minimum, c’est un peu fort, non ? Quand je pense que la Provence disait récemment de Marion Maréchal qu’après un départ nunuche, il y a quelques années, elle avait appris vite…

Et puis ils sont inquiets. « Si le FN est balayé par des alliances contre-nature, c’est nous — nous, les enfants d’immigrés, les musulmans boucs émissaires, nous, les petits, les obscurs, les sans-grade — qui allons payer les pots cassés, parce que c’est dans la rue que ça va éclater, et que les frontistes frustrés se vengeront… » Ils voient la France courir à l’émeute sous prétexte d’avoir préservé la démocratie par des manœuvres anti-démocratiques… Ma foi, ils ne sont pas les seuls.
Alors certes, ce sont juste des Régionales. Mais c’est évidemment une répétition de 2017 — Hollande élu au second tour face à Marine avec les voix piteusement enthousiastes de Républicains renvoyant l’ascenseur, et un PS repayant son dû en perdant les législatives dans la foulée de façon à ce que le chef de l’Etat, reconduit dans ses ors et ses fastes comme jadis Chirac, prenne Sarko comme premier ministre. Je reste persuadé qu’il y a un accord tacite sous ces désistements sidérants du PS en faveur de gens vilipendés et presque pendus encore la veille — ce n’est plus de la politique, c’est du candaulisme —, et que les jeux sont faits sur les deux prochaines années : ils devraient se méfier, ça va se passer dans la rue, et ce sera violent.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00734126_000042.



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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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