Traverser l’histoire de la capitale au fil des siècles comme si on y était est désormais possible. Cette immersion totale en « réalité virtuelle » permet de partager les joies et les atrocités qui ont émaillé le quotidien des Parisiens d’actant. Sans quitter les rivages de Paris-Plage, le dépaysement est garanti.
Longtemps, les curieux et les amateurs de l’histoire parisienne ont pu « seulement » dévorer des livres, courir les expositions du musée Carnavalet, arpenter les vieilles rues et sillonner la Seine en Bateau-Mouche. Mais depuis peu, ils peuvent ajouter à cet arsenal un nouvel outil de découverte : un parcours guidé en « réalité virtuelle » à ciel ouvert – une première mondiale – pour parcourir les siècles qui ont façonné la capitale, et vivre, comme si on y était, des événements historiques. Le terme expérience n’est pas ici galvaudé, tant les impressions qui se succèdent durant cette balade 3.0 le long des quais sont inédites.
Le rendez-vous est donné sur les berges de la Seine, à l’aplomb du pont Louis-Philippe, côté rive droite. Sur les terres de Paris-Plage, un conteneur aux couleurs des « Origines de Paris » s’est fait une petite place afin d’accueillir ses visiteurs. Il leur est distribué des écouteurs, à mettre sur les oreilles, et un « casque immersif », à tenir suspendu autour du coup comme des jumelles – on l’appelle d’ailleurs des « jumelles virtuelles ». La traversée dans le temps peut commencer.
Il faut suivre le guide, qui joue surtout le rôle d’ange gardien, pour éviter les charges répétées des soldats de la mobilité douce – joggeurs en ligne droite et vélos en roue libre. L’exercice est amusant : tout en gardant les pieds dans l’ère Hidalgo, la découverte du Paris des temps anciens se fait en pointillés, au fil de dix-sept stations, de haltes, lors desquelles, invité à regarder dans ses jumelles, on est progressivement plongé dans le passé. La voie Pompidou et ses silhouettes fluo s’estompent, puis apparaissent les roseaux des marécages qui bordaient la Seine il y a deux mille ans. Durant quelques minutes, l’immersion est totale, où qu’on regarde, de haut en bas et de droite à gauche en tournant sur soi-même, on entend le clapotis de l’eau et on patauge dans la boue du fleuve qu’ont connu ceux qu’on n’appelait pas encore Parisiens.
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Retour à l’asphalte et aux selfies. Quelques pas plus loin, rivé à son viseur, on assiste impuissant à l’assaut des murailles de la Cité par les Vikings – à bord d’un drakkar en mouvement, puis d’une fenêtre de la ville assiégée. Certains détails sont saisissants, tels les murs suintant d’humidité ou le sol jonché de paille de la tour défensive dans laquelle on se trouve.
D’étape en étape, toujours à hauteur d’homme, on est embarqué sur un corbeillard (ces barges venues de Corbeil qui approvisionnaient la ville en pain et qui ont été réquisitionnées en 1348 pour évacuer les morts de la grande peste noire – d’où le mot corbillard) ; on admire la construction de Notre-Dame dans la poussière du chantier ; on traverse la place de Grève où une exécution publique n’empêche en rien les bateaux, qui ont accosté au port en contrebas, de décharger leurs marchandises ; on se faufile dans la cohue du Pont-au-Change, alors bordé d’immeubles comme tous les ponts de Paris, avant d’être le témoin de son incendie en 1621 ; on échappe à une mauvaise rencontre sous les arcades des cagnards, ce sinistre passage poisseux sous l’ancien Hôtel-Dieu synonyme de coupe-gorge… Le Paris d’antan n’est pas un paradis perdu. Mais lorsqu’on recligne des yeux, les installations en matériaux recyclés qui meublent les quais et les panneaux municipaux qui sensibilisent à l’écologie conviviale prouvent qu’un paradis parisien n’est pas de ce monde. Autant poursuivre le dépaysement historique. Face à la Conciergerie, on est happé par une foule de révolutionnaires survoltés : Marie-Antoinette passe là, sous nos yeux, à quelques mètres, dans la charrette qui l’emporte à l’échafaud le 16 octobre 1793.
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L’histoire de Paris n’est pas rose, mais tout n’est pas noir durant cette visite d’un genre nouveau. Ainsi se plaît-on à sourire au spectacle de ces enfants patinant sur la Seine gelée, un hiver des années 1880 ; ou aux côtés de ce couple Belle Époque enlacé, sur le Pont-Neuf, devant la façade entièrement vitrée de l’ancienne Samaritaine. Et puis il y a ce fleuve omniprésent autour duquel, à partir duquel, s’est fondée cette ville. Mais cet axe vital lui-même intensément vivant – on n’image pas avant de l’avoir vu l’intensité du trafic fluvial durant des siècles – a été dévitalisé pour devenir une aire de baignade éphémère. Les nautes gaulois seraient fâchés de voir ce qu’est devenue la Seine.
Et de temps en temps, d’un bond, on s’envole pour admirer Paris depuis les airs ; de plus haut qu’un oiseau. L’expérience, pour les non-initiés à la « réalité virtuelle », peut faire perdre l’équilibre. C’est ainsi qu’on gagne le Champ-de-Mars le jour de l’inauguration de la tour Eiffel. Le surplomb des pavillons de l’Expo de 1889 est saisissant. Et l’élévation finale, qui permet de suivre les différents états de la tour au fil des ans jusqu’à aujourd’hui, de ses pieds à la pointe de son antenne, est vertigineuse.
Fin du voyage au Pont-Neuf. Une heure s’est écoulée ; 1,2 kilomètre a été parcouru ; deux mille ans d’histoire de Paris ont été explorés ; retour à l’ère Hidalgo. Fin de l’histoire ?
À voir: Les Origines de Paris
Renseignements et réservations : originesdeparis.com.
Tarifs: de 19€ (enfants) à 28€.

