Le 14 octobre, à Washington, plusieurs médias ont refusé de signer les nouvelles directives proposées par le Pentagone. Celles-ci prévoyaient notamment que les journalistes accrédités ne puissent plus publier certaines informations sans l’autorisation explicite du ministère de la Défense…
Le département de la Défense des États-Unis vient d’édicter de nouvelles règles pour les correspondants de presse qui ont provoqué un mouvement de révolte dans tous les médias, même les plus MAGA.
Désormais, selon un nouveau document de 21 pages (à la différence de l’ancien règlement qui tenait en une seule page), un journaliste ne pourra divulguer même des informations non-confidentielles sans avoir la permission des autorités, sous peine de perdre son accréditation. Une autre règle stipule qu’« il y a une différence entre le fait de poser des questions licites à un responsable du département, et le fait de pousser un responsable à livrer des informations qui dépassent les limites de la discrétion nécessaire ». Les porte-paroles militaires seraient-ils donc si faciles à désarmer ? De manière générale, c’est tout comme si les journalistes ne devaient désormais diffuser que l’information que le département de la Défense a décidé de diffuser. C’est un véritable système de censure qui fait son apparition. À partir de maintenant, les journalistes auront besoin d’escortes pour circuler entre les différentes zones du Pentagone. Certes, en France, les journalistes accrédités défense ne se promènent pas non plus sans escorte dans les allées de l’Hexagone Balard qui abrite l’État-major des Forces armées. Cependant, l’idée de policer les écrits d’informations non-confidentielles n’existe heureusement pas en France.
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La raison de cette annonce outre-Atlantique n’est pas très claire. Dans le domaine de la défense, les journalistes sont normalement assez dociles. Rares sont ceux accrédités à être en bisbilles avec le bureau du porte-parole du département, par exemple. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a motivé la décision de l’exécutif américain en se référant à des situations impliquant la « divulgation non autorisée d’informations classifiées, susceptible de mettre en danger la vie des militaires américains ». Or une telle logique peut s’appliquer dans un nombre infini de cas. Faut-il que la presse se focalise uniquement sur des déclarations comme celle que le secrétaire à la Défense a faite en septembre, devant des centaines de hauts responsables militaires, en dénonçant publiquement des troupes et des généraux en surpoids ? Fini les gros, bienvenue les guerriers.
La chose étonnante, voire réconfortante, dans cet énième bras-de-fer entre la presse et l’administration Trump vient de la presse républicaine, conservatrice, populiste. Fox News et Newsmax, deux chaînes qui soutiennent fortement Donald Trump et son mouvement, sont autant indignés par cette nouvelle réglementation que les autres médias. C’est ainsi que, mardi 14 octobre, leurs correspondants étaient parmi les centaines de reporters qui ont pris leurs affaires et ont évacué les locaux, en formant un cortège qui ressemblait à une évacuation. Le directeur du très pro-trumpien Newsmax a même expliqué à la BBC que la liberté de la presse était distincte de la ligne éditoriale d’un journal, et qu’il était totalement solidaire des médias représentant une ligne anti-MAGA.
Le département à la Défense a répliqué à ce mouvement de protestation sur un ton moqueur : « Vous ne nous manquerez pas. Une nouvelle génération de reporters de défense arrivera. Des jours meilleurs sont devant nous ». Des jours meilleurs pour les gouvernants, faudrait-il comprendre… Mais si les vrais correspondants sont remplacés par des influenceurs en ligne, d’où proviendront les informations critiques et fiables qui ont fait la force de la presse américaine ?




