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Douche froide pour le Duce

« Les Derniers jours de Mussolini », un film de Carlo Lizzani (DVD-Bluray Carlotta)


Douche froide pour le Duce
Les Derniers jours de Mussolini, de Carlo Lizzani (1974) © Carlotta Films

La fin est connue : le dictateur pendu par les pieds, livré en pâture à la piétaille, avec sa maîtresse Clara Petacci, sur la Piazzale Loreto de Milan. Les Derniers jours de Mussolini élude ce dénouement abject : le film se conclut sur l’exécution du couple, fusillé devant la jolie grille en fer forgé de la villa Belmonte, riveraine du lac de Côme, le 28 avril 1945. Carlo Lizzani (1922-2013), cinéaste transalpin durablement porté sur la période fasciste – cf. La chronique des pauvres amants (1954), Traqués par la Gestapo (1961) et j’en passe – exhume en 1974 la page finale de la République de Salo, soit près de trente ans après la défaite, dans une Italie alors dominée par la Démocratie chrétienne, mais où le Parti communiste joue cyniquement les arbitres.

Fin de partie

Dans ce long métrage au casting cosmopolite, les stars étasuniennes se taillent la part du lion :  le grassouillet Rod Steiger (1925-2002), celui-là même qui quatre ans plus tôt jouait Napoléon dans Waterloo, de l’éminent soviétique Bondartchouk, y campe un Benito dont l’imitation de ses mimiques confine au burlesque, tandis que le légendaire Henri Fonda (1905-1982) revêt la pourpre cardinalice d’Alfredo Schuster, ce prélat qui tenta en vain de ménager au Duce une fin de partie moins dégradante que la fuite. Tout ce contexte est fort bien expliqué par le très érudit Jean-François Rauger, le directeur bien connu de la programmation à la Cinémathèque française, dans le passionnant entretien de 26 minutes proposé en supplément, sous le titre Noir Dessein.

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Fidèle à la réalité historique

Ponctué de flash-backs grevés d’images d’archives en noir et blanc pour mieux attester la portée documentaire du film, montrant aussi le puissant tribun au menton levé, par contraste à l’homme bouffi, mortifié, terrassé qui rumine pathétiquement l’amertume de sa gloire défunte, Les Derniers jours de Mussolini reste fidèle, en gros, à la réalité historique – l’insurrection de l’Italie du Nord, les tractations entre Alliés sur le sort du vaincu, le rôle de la Résistance, la cavale erratique vers la Suisse sous escorte SS, la capture par les partisans, alors que le chef des Chemises noires en pleine débandade est reconnu sous son déguisement de fantassin du Reich, la décision de l’exécuter prise par l’aile dure de la Résistance (les beaux yeux bleus de Franco Nero idéalisant à dessein l’inexpiable forfait de cette justice sommaire) non sans y ajouter cette touche romanesque qu’accuse la fidélité ardente et jalouse de l’amante Clara Petacci (Lisa Gastoni dans le rôle) jusque dans le martyre… Il revient au maestro Morricone de napper la triste épopée de la sauce orchestrale propre à parfaire l’édification cathartique.


Les Derniers jours de Mussolini. Film de Carlo Lizzani. Avec Rod Steiger, Franco Nero, Lisa Gastoni, Lino Capolicchio, Henri Fonda. Italie, 1974, noir et blanc et couleur.

Durée : 2h10
Supplément : Noir dessein. Entretien avec Jean-François Rauger. Durée : 26mn.
Bluray Carlotta (restauration 4K) disponible le 23 septembre



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