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Une bouchée à la fois

50 éléphants au menu, silence radio chez nos défenseurs des bêtes


Une bouchée à la fois
Culture de légumes, Chipinge, Zimbabwe, septembre 2024 © AU/AP/SIPA

Au Zimbabwe, les autorités en sont arrivées à abattre des éléphants d’une réserve du sud du pays pour distribuer de la viande à une population régulièrement en situation de malnutrition. On soupçonne le commerce d’ivoire de reprendre au profit de certains. Nos écolos nationaux ne sont pas au courant.


Jadis surnommé le « grenier à blé de l’Afrique », le Zimbabwe, pays enclavé entre la Zambie, le Mozambique et l’Afrique du Sud, est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres au monde : selon la Banque mondiale, 39% de la population y vit avec moins de deux dollars par jour.

Depuis 2000, année où le dictateur défunt Robert Mugabe a lancé une politique de racisme systémique envers les Blancs dans le domaine agricole, l’économie du pays n’a cessé de s’effondrer au point qu’aujourd’hui, 38,1% des Zimbabwéens sont en situation de malnutrition, selon l’indice de la faim dans le monde. Pour enrayer les famines à répétition qui rabougrissent près d’un enfant de moins de cinq ans sur quatre, Emmerson Mnangagwa, ancien bras droit de Mugabe et président du pays depuis 2017, a eu une idée forte : abattre 50 éléphants d’une réserve du Sud et distribuer la viande à la population locale. Si la nouvelle a été bien accueillie par cette dernière, elle n’est pas du goût des associations de défense des bêtes. « Les éléphants du Zimbabwe ne sont pas un surplus de biomasse à éliminer par commodité », s’est insurgé le Centre pour la gouvernance des ressources naturelles, voyant dans la distribution de viande fraîche « un effort voilé pour distribuer des stocks d’ivoire ». Il faut dire qu’en septembre 2024, le gouvernement avait cogné encore plus fort en faisant abattre 200 éléphants pour faire face à une pénurie alimentaire gargantuesque provoquée par la pire sécheresse depuis des décennies en Afrique australe.

Trop occupés à traquer les mangeurs d’entrecôtes ou les tueurs de moustiques, Sardine Rousseau et Aymeric Caron, nos grands défenseurs de la cause animale, s’étaient abstenus de commenter.

Cette nouvelle frappe les fera-t-elle réagir ? En tout cas, elle ne suffira pas à faire rebrousser chemin aux milliers de Zimbabwéens qui tentent d’entrer chaque jour dans l’Eldorado sud-africain dans l’espoir d’une vie meilleure.




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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022). Dernier ouvrage : "Au-delà du silence. La mémoire volée du Guatemala" (L'Harmattan, 2025).

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