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Palestinisme: entre Khaybar et Golgotha

La cause palestinienne est devenue intouchable, sacrée, hystérique


Palestinisme: entre Khaybar et Golgotha
Manifestation pro-palestinienne à La Haye, Pays-bas, le 21 août 2025 © James Petermeier/ZUMA/SIPA

Charles Rojzman identifie les éléments musulmans et chrétiens qui, de manière totalement contradictoire, ont contribué à la construction d’un crédo absurde, le « palestinisme ».


Le palestinisme n’est pas une idéologie, ni même une politique : c’est une religion de substitution, née de la fatigue spirituelle de l’Occident et de la soif de revanche du monde islamique. Religion sans transcendance, mais saturée de sacré, enracinée dans deux imaginaires qui se rejoignent dans la haine : Khaybar et Golgotha.

Khaybar : le mythe islamique de la défaite juive

On crie encore, dans les rues de Paris ou de Londres : « Khaybar, Khaybar, ya Yahoud ! » — ce rappel du VIIᵉsiècle où Mahomet écrasa les tribus juives d’Arabie. C’est une blessure devenue promesse : le Juif, rusé, intelligent, maudit, finit toujours par plier. Khaybar n’est pas une page d’histoire, c’est une cicatrice théologique. Or Israël, souverain, armé, victorieux, est une insulte à cette cicatrice. Le palestinisme vient laver l’affront, en promettant la revanche et le retour à l’ordre divin.

Golgotha : le modèle chrétien de la culpabilité juive

Dans la mémoire chrétienne, c’est la Crucifixion qui reste l’événement fondateur : le Christ supplicié et le peuple juif tenu pour responsable du déicide. Des siècles d’antisémitisme en furent nourris. La sécularisation n’a pas effacé ce récit : elle l’a seulement transposé. L’Occident, en quête de rédemption, s’est choisi une nouvelle Passion : le Palestinien crucifié par les Israéliens, Christ collectif de notre temps. Dans les images médiatiques, il est toujours l’innocent martyrisé, et Israël, le bourreau.

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La fusion des deux mémoires

De Khaybar et de Golgotha naît une liturgie hybride. Dans le premier récit, le Juif doit être remis à sa condition d’inférieur, privé de souveraineté. Dans le second, il demeure coupable d’un crime fondateur, perpétuellement rejoué par l’accusation de génocide.

Ainsi se scelle une convergence improbable entre mémoire islamique et mémoire chrétienne, dans une haine qui traverse les siècles et se réincarne dans la cause palestinienne.

La passion et le refus du réel

Mais le plus troublant n’est pas là. C’est la ferveur passionnelle, l’imperméabilité au réel. Le palestinisme ne supporte pas les faits : il les nie, les contourne, les efface. Il est insensible à toute raison, car il n’est pas de l’ordre de la raison. Ses partisans ne veulent pas discuter : ils ne peuvent pas. Le débat leur paraît une offense, comme il le fut pour les croyants d’autrefois. Douter du récit palestinien, c’est blasphémer. Introduire une nuance, c’est trahir.
Le palestinisme est donc une foi : une ivresse sacrificielle, une religion sans dogme mais avec un interdit suprême — celui du questionnement.

L’Occident des demi-sachants et des élites de gauche

Surtout, ce palestinisme ne prend racine en Occident que dans une catégorie particulière : celle qu’évoquait Jacques Ellul dans La Propagande, celle des demi-sachants — ces masses éduquées mais privées de culture, fragiles et crédules, saturées d’images et de slogans. Là se trouve le terreau le plus fertile : ces esprits qui croient penser, mais ne font que répéter.

Mais il est relayé, amplifié, sanctifié par les élites médiatiques et universitaires, marquées par une culture de gauche devenue hégémonique. Ces élites ont hérité de deux traditions qui se sont confondues :

De Marx, elles retiennent le schéma binaire de l’opprimé contre l’oppresseur, du dominé contre le dominateur. Le prolétaire ayant disparu, le Palestinien est devenu son substitut : le dernier des humiliés, le prolétaire absolu, destiné à porter la révolte du monde entier.

Du christianisme, elles retiennent la dramaturgie de la Passion : la nécessité d’un Christ souffrant, victime innocente offerte à la culpabilité du monde. Le Palestinien est alors présenté comme le nouveau Christ, crucifié chaque soir sur les écrans occidentaux par des Israéliens qui rejouent le rôle des bourreaux.

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Ce double héritage — marxiste dans la structure, chrétien dans l’émotion — forme la matrice mentale des élites de gauche. Marx sans révolution, christianisme sans salut : une morale nue, obsessionnelle, qui transforme la politique en liturgie humanitaire.

Dans ce dispositif, la propagande palestinienne joue sur deux registres : en arabe, elle exalte la revanche et la conquête, elle promet le retour de l’armée de Mahomet et la victoire sur le Juif. En anglais ou en français, elle propose une Passion séculière : le Palestinien martyrisé par l’oppresseur colonial. Double discours, double masque. Et les demi-sachants occidentaux, nourris de culpabilité et d’idéologie progressiste, y voient une révélation.

Le mensonge comme dogme

Il faut dire que le mensonge — ou plutôt la demi-vérité — est l’arme privilégiée des idéologies du salut, qu’elles soient laïques ou religieuses. Le marxisme avait ses statistiques truquées, ses lendemains qui chantent ; le christianisme dévoyé, ses légendes pieuses et ses falsifications théologiques. Le palestinisme, lui, a ses chiffres gonflés, ses images mises en scène, ses martyrs fabriqués. La propagande vit de ces demi-vérités, car elles séduisent l’esprit sans l’éveiller, elles engourdissent la raison tout en flattant la morale. Elles suffisent à nourrir la ferveur des masses et la bonne conscience des élites.

Une liturgie de haine

Comprendre cela, c’est comprendre pourquoi la cause palestinienne est devenue intouchable, sacrée, hystérique. Elle ne relève pas de la politique, mais de la religion ; non pas du débat, mais du rite. Elle est la messe noire de notre temps, célébrée à Khaybar et à Golgotha, où Israël tient toujours la place de l’ennemi métaphysique, figure éternelle de l’infâme.




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Essayiste et fondateur d'une approche et d'une école de psychologie politique clinique, " la Thérapie sociale", exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.

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