Depuis le 16 juin 2025, le jeune cycliste franco‑allemand Lennart Monterlos a été arrêté en Iran pour avoir commis un délit, selon les autorités iraniennes, sans que la nature exacte de l’infraction ne soit précisée. Sa famille affirme qu’il est « innocent de tout », réclame un signe de vie et dénonce un silence sur son lieu de détention et les raisons de son arrestation. Tribune d’Aurélien Marq.
Depuis le 16 juin, le jeune Franco-allemand Lennart Monterlos (19 ans) est emprisonné en Iran, où il a été arrêté pour des motifs encore inconnus (ou qui, du moins n’ont pas été rendus publics à ce jour).
L’amour du risque
Il serait tentant de l’accabler : la veille de son arrestation, il publiait une vidéo pour se moquer des mises en garde du ministère des Affaires étrangères, et son évidente naïveté n’est pas dénuée d’une forme d’arrogance. Comme d’autres avant lui, il décide délibérément d’ignorer des risques pourtant évidents, et c’est toute la nation qui doit ensuite en assumer les conséquences : les mollahs disposent maintenant d’un otage supplémentaire. Mutatis mutandis, la situation n’est pas très différente de celle de ces skieurs inconscients ou trop sûrs d’eux, choisissant de faire du hors-piste malgré les mises en garde puis secourus aux frais de la collectivité, c’est-à-dire du contribuable : « c’est Nicolas qui paye » même quand Nicolas lui-même n’a pas de quoi s’offrir des vacances au ski.
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Pourtant, il y a du bon à ce que la jeunesse montre encore une certaine appétence pour le risque. Nos aventuriers, explorateurs, inventeurs, conquérants aussi, se sentaient immortels et pensaient qu’ils ne pouvaient pas échouer, ou refusaient de penser à l’échec. Ne l’oublions pas. Mais plus encore, par ses défauts – naïveté et arrogance – ce jeune homme n’est pas si différent de bon nombre de Français (ou d’Allemands, puisqu’il est binational).
Un vaste monde plein d’islamistes
Naïveté, d’abord, de sous-estimer la capacité d’un régime tyrannique à recourir à l’arbitraire. Naïveté, de ne pas avoir conscience des dangers du vaste monde, qui n’est pas partout conforme à l’image idyllique que l’on voudrait s’en faire. Naïveté et insouciance, de ne pas se donner la peine d’envisager les conséquences possibles d’une décision. Et c’est la même naïveté, collective, qui prône l’accueil, la tolérance, l’ouverture, « l’enrichissement », au mépris de différences culturelles irréconciliables.
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Arrogance, aussi. Arrogance, surtout. De se croire capable de tout surmonter sans avoir pris la peine de s’en donner sérieusement les moyens, évidemment, mais pas seulement. Arrogance de refuser de voir l’autre comme autre, dans la réalité de son altérité. Arrogance d’imaginer que nous seuls, Occidentaux, aurions la capacité d’être réellement dangereux. Arrogance de nous imaginer si merveilleux qu’il nous suffira de tendre la main à l’autre pour que celui-ci s’empresse nécessairement de vouloir devenir notre ami… et de désirer nous ressembler. Arrogance d’un universalisme dévoyé, qui s’imagine que, parce que l’autre nous est semblable sur certains points, alors il nous est forcément semblable sur tous les points, du moins tous ceux qui comptent à nos yeux, tous ceux qui nous permettront d’établir avec lui une relation fraternelle. Ou une relation de bon voisinage : par exemple, nous nous sommes bien réconciliés avec l’Allemagne, pourquoi Israël ne se réconcilierait-il pas avec un État palestinien ? Pourquoi ne suffirait-il pas de pardonner, « vous n’aurez pas ma haine », de partager, « c’est à cause des conditions socio-économiques », et de déposer les armes pour que l’autre fasse de même et nous tombe dans les bras ? Pourquoi les autres peuples ne voudraient-ils pas la paix et la fraternité universelles, puisque nous, nous la voulons ? Il y a décidément beaucoup d’arrogance dans cette naïveté.
Mauvais calculs
Et il y a beaucoup de calcul, et absolument aucune naïveté, chez ceux qui l’instrumentalisent. Les traîtres sont généralement pires que les ennemis déclarés.
Lennart Monterlos est l’enfant de ces sociétés européennes qui courent vers l’abîme. Il serait vain de l’accabler. Il serait, en revanche, important de comprendre qu’il n’est que la fidèle image de nos pays – et que, comme lui, nous pourrions bien nous retrouver collectivement prisonniers de ceux qui se rient de notre naïveté et de notre arrogance. Il ne suffit pas d’être désarmés pour être désarmants.
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