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Ardisson, ce fils de pub

L'animateur de télévision Thierry Ardisson est mort à 76 ans


Ardisson, ce fils de pub
Thierry Ardisson photographié en 1992 © COLIN MAX/SIPA

Le publicitaire Pierre Berville a fait ses premières armes avec Thierry Ardisson dans la même agence il y a cinquante ans. Il salue la mémoire d’un ami fidèle, bourré de talent et de paradoxes.


Depuis que je le connais, Thierry Ardisson a toujours illustré un réjouissant mélange de travail, de culot et d’une certaine inconscience. Quand nous avions vingt ans, il y a un demi-siècle, nous débutions ensemble dans la même agence de publicité. Dans J’enlève le haut, mon livre de souvenirs de ces années, j’écrivais : « Il balade déjà son sourire éclatant et son bagout dans tous les couloirs. Sa famille est des Alpes-Maritimes et il a le verbe sonore. Étymologiquement, c’est d’ailleurs le sens de son patronyme. Déjà totalement accaparé par l’ambition, mais avec une sorte de naïveté attachante, c’est un personnage. Comme beaucoup de provinciaux, Thierry ne veut rien rater de la vie parisienne. Il est de toutes les tendances, de tous les événements. On sent qu’il n’est pas monté à la capitale pour rien. Il lui faut des choses à raconter quand il retourne à la maison. Qu’est-ce qu’ils vont être épatés dans son pays niçois ! Il en veut. Il passe ses nuits dans les boîtes où il faut être et ses journées à l’agence. Il est toujours entre deux rendez-vous. Un jeune homme bourré d’énergie, entre autres… »

Par la suite, poussé par ce besoin de reconnaissance, Thierry osera tout. La réclame, la création d’entreprise, l’édition, le business, le lancement de magazines, la production de longs métrages et bien sûr la télé : il en poussera toutes les portes, et la dernière avec des succès innovants qui marquèrent l’histoire du media.

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Il m’avait fait porter L’homme en noir, son dernier livre au titre prémonitoire dont je n’avais pas totalement saisi le sens (j’ignorais sa maladie). Il y raconte une discussion avec Daniel Filipacchi, playboy et grand homme de médias qu’il admirait beaucoup. À sa question de midinette « Comment avez-vous fait pour réussir ? », le multimillionnaire avait fait cette réponse parfaite : « J’ai fait tout ce que je pouvais ! » C’aurait pu être la devise de Thierry.

Le nombre de ses paradoxes frôlait l’infini. Il se revendiquait royaliste et guillotinait l’aristocratie de la hype à coups d’interviews féroces ; et il décéda un 14 juillet ! Il se fichait d’humilier ses invités en promo mais se proclamait à juste titre – je l’ai constaté souvent – aussi gentil que méchant. Après avoir éreinté sans nuance le youtubeur Squeezie, il monta sa propre chaîne sur YouTube. Sincère amoureux du cinéma, il ne produisit que des nanars. Lui qui semblait n’aimer que lui et affectionner le libertinage révérait Audrey, sa femme adorée, et pleurait en public aux déclarations affectueuses de ses enfants. Il ne supportait pas d’être dans l’ombre mais révéla bien des talents.

Depuis toujours, en sale gosse attachant que rien n’arrêtait dans son désir de faire l’intéressant, il excellait à sortir des sentiers battus du paf. Son amour des coups d’éclat lui donnait du courage. Il n’hésita pas à dénoncer nommément David Hamilton, le photographe violeur de Flavie Flament, ni à partir en guerre contre Bolloré, son ex-employeur. Cette volonté de briller à tout prix était aussi sa faiblesse. Ses détracteurs retiennent ses manips vis-à-vis de ses invités (ses invitées surtout), son manque de scrupule à plagier idées et concepts (même pour en faire de grands succès), ses dérapages malheureux (il regretta rapidement son dernier Gaza = Auschwitz qui ne lui ressemblait pas).

Cinquante ans après nos débuts, il nous arrivait encore de déjeuner ensemble. Sans doute fatigué d’avoir beaucoup fait parler les autres, il parlait beaucoup de lui, toujours avec un nouveau projet sur le feu. C’était tout sauf ennuyeux. Je l’aimais beaucoup.



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