Accueil Édition Abonné Avril 2024 Les fachos à Moscou!

Les fachos à Moscou!

Quand la réacosphère donne dans le deux poids deux mesures


Les fachos à Moscou!
Des tasses décorées d’images de Vladimir Poutine, Joseph Staline, Vladimir Lénine et Ramzan Kadyrov en vente dans une boutique de souvenirs, Moscou, 11 mars 2020 © Dimitar DILKOFF / AFP

Hier, on disait aux communistes français prosoviétiques: les cocos à Moscou! Aujourd’hui, la fachosphère prorusse mérite qu’on lui retourne le compliment.


En prenant de l’âge, j’ai perdu toutes mes certitudes, sauf deux. Celle de mon hétérosexualité et celle de mon vote, que je croyais verrouillé sur un seul objectif : la reconquête du territoire. La lutte contre la tiers-mondisation française étant la mère de toutes mes batailles, le candidat décidé à arrêter l’immigration pour enrayer le grand remplacement avait mon suffrage, sans conditions. Pas regardant, j’aurais soutenu le premier venu, même s’il avait inscrit à son programme le rétablissement de la polygamie ou du droit de cuissage.

Hier encore…

Aujourd’hui, de ces deux certitudes, il ne m’en reste qu’une. Les positions que l’on prend sur la guerre en Ukraine dans ma famille politique ont fait vaciller l’autre. Hier pourtant, j’étais un militant fidèle quoique parfois embarrassé, comme ce jour où Eric Zemmour déclara qu’il fallait un Vladimir Poutine à la française. Alors, je buvais ma honte et évitais de le crier sur tous les toits en pensant à la France qui avait peut-être, avec son arrivée au pouvoir, une chance de rester la France.

Je votais Zemmour, et plutôt deux fois qu’une avec une procuration extorquée à ma mère, mais un peu honteux en pensant à la journaliste Anna Politkovskaïa, aux opposants Alexeï Navalny, Boris Nemtsov ou Vladimir Kara-Mourza ou encore au prix Nobel de la paix et co-fondateur de l’association Mémorial Oleg Orlov, enfin à tous ces dissidents que le Kremlin criminalise, emprisonne ou assassine.

Ni Poutine ni Médine

Mon adhésion au parti Reconquête, malgré les positions de mon président franchement à l’est, était mon compromis, ma realpolitik à moi, ma façon de faire prévaloir les intérêts supérieurs de la Nation sur mes impératifs moraux, mon choix pour la France, tout bien pesé, à défaut de trouver un candidat derrière le slogan« ni Poutine ni Médine ». Dans des moments de grande lassitude démocratique, en regardant mon pauvre pays paralysé par son État de droit et bâillonné par son antiracisme systémique entrer dans l’ère du woke et de l’attaque au couteau, en voyant les hommes trembler devant les torquemadames au sommet de la vague MeToo comme des petits Blancs à La Courneuve, il m’arrivait même de rêver, moi aussi, de poutinisme français.

Je n’en suis pas fier, mais j’avais plutôt apprécié la méthode du mafieux de la Place rouge pour régler son problème de minorités musulmanes séparatistes et terroristes « jusque dans les chiottes », et caressé l’espoir que la façon russe soit testée à Marseille, pour commencer. C’est dire jusqu’à quelles extrémités droitières et autoritaires le sort promis à une démocratie envahie peut pousser un libertaire désespéré.

Les Ukrainiens sont admirables

Heureusement, depuis je me suis ressaisi. La résistance ukrainienne à l’invasion assortie de destructions, de meurtres de civils, de viols et d’enlèvements d’enfants, a forcé mon admiration. Le changement de ton et le courage du président Macron ont emporté mon adhésion. En revanche, les réactions dans la réacosphère mainstream m’ont plongé dans la déception. Et les positions défendues sur certains sites russophiles, dans la consternation. Alors que Macron cesse de prendre des gants avec l’ennemi pour chausser des gants de boxe, relève le défi et répond aux menaces, convoque l’Europe pour préparer la défense, bouscule un continent prudent, réveille l’OTAN en état de mort cérébrale et rassemble le monde libre derrière le nouveau mot d’ordre « la Russie ne doit pas gagner », on dénonce, à droite, de basses manœuvres électorales. C’est un peu court. Et on sonne le tocsin. « Dangereux ! » braillent les uns. « Irresponsable ! » ajoutent les autres. C’est un peu frileux. L’esprit de défaite ou l’opposition systématique règnent et le président est plus suivi par certains chefs d’Etat en Europe qu’il ne l’est en France par les chefs de l’opposition. Ce qui est dangereux et irresponsable pour la liberté des Ukrainiens, pour l’avenir de l’Europe et pour le droit des voisins du tyran à disposer d’eux-mêmes et à divorcer en paix et en sécurité, ce n’est pas de s’opposer aux velléités impériales de Poutine, c’est de le laisser faire. Ce qui est dangereux et irresponsable, c’est de faire savoir au monde autoritaire que le crime paye. Comme dit Xavier Raufer, les criminels ne s’arrêtent que quand on les arrête. Et la règle vaut en Seine-Saint-Denis comme pour le tsar de toutes les Russies.

Deux poids deux mesures

Seulement voilà, dans la réacosphère, sur ce coup-là, on donne dans l’excusisme. Ce qu’à raison on refuse à Samir en banlieue, on l’accorde à Vladimir. On condamne d’une phrase l’agression et on s’empresse d’ajouter un « mais ». Et en un long discours, on rappelle les manipulations américaines, les provocations de l’OTAN, les racines de la Russie, le passé mal digéré du nazisme en Ukraine et la corruption de ses dirigeants, sans oublier au passage le prix de l’électricité qui monte et celui du blé qui baisse. On proclame que « ce n’est pas notre guerre[1] » et qu’« on ne veut pas mourir pour le Dombass[2] » et j’entends au fond du discours une sourde complaisance pour le régime du Kremlin. Après tout, Poutine n’est-il pas le défenseur de la famille et des valeurs traditionnelles chrétiennes en croisade contre une Europe féminisée, décadente et en perdition ? Le dernier bastion de l’ordre moral dressé contre l’homosexualité déviante et perverse ? Le dernier mâle blanc de ce côté-ci de l’Atlantique à s’opposer au féminisme conquérant et hystérique ? Tout cela compose une petite musique sur laquelle se colle naturellement un petit refrain : plutôt rouge que woke.

J’entends des patriotes drôlement pacifistes déclarer qu’« il faut tout faire pour éviter la guerre[3] ». Ils se réclament du gaullisme en temps de paix, mais une certaine fascination pour la force, une solide proximité idéologique avec l’ennemi et un anti-américanisme pavlovien les révèlent bien peu résistants quand la guerre vient. Ainsi, certains droitards rappellent ces communistes français devant les invasions soviétiques de Budapest en 1956 ou de Prague en 1968, ou certains intellectuels de gauche aux tendresses bolcheviques. Tant et si bien que l’on pourrait dire aujourd’hui : Les fachos à Moscou !

D’après un sondage, le droit-de-l’hommiste Raphaël Glucksmann récolterait deux fois plus de voix aux élections européennes que le robespierriste islamo-compatible Mélenchon. L’électeur de gauche a la chance d’avoir un candidat antitotalitaire. J’aimerais pouvoir en dire autant. Je ne vois à droite que des partis empêtrés dans leurs vieilles sympathies poutiniennes ou dans leurs ambiguïtés stratégiques politiciennes. Le candidat de la droite clairement antitotalitaire, je le cherche. Désespérément.

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[1] Michel Onfray.

[2] Pascal Boniface.

[3] Henri Guaino

Avril2024 – Causeur #122

Article extrait du Magazine Causeur




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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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