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Apologie d’un cochon truffier et de Nicolas Cage

“Pig” de Michael Sarnoski (en salles)


Apologie d’un cochon truffier et de Nicolas Cage
© Metropolitan Films

Dans “Pig” de Michael Sarnoski (sorti en salles le 27 octobre), Nicolas Cage est contraint de quitter sa vie d’ermite lorsque sa truie truffière disparait. Il retrouve la civilisation à Portland…


De Nicolas Cage, vous vous rappelez les films d’action, boum-boum, Volte-face, Snake eyes, le Dernier des Templiers. À la rigueur, son rôle de boulanger hystérique qui pleure en écoutant Puccini — dans Eclair de lune. Vous ne l’attendez pas en ermite barbu, chevelu, épave dernière, vivant au fond des forêts de l’Oregon avec une truie truffière.

C’est elle, la « pig » du titre. On la lui vole, parce que le marché de la truffe à Portland est aussi impitoyable qu’en Dordogne (comment ? Vous n’avez pas lu Noirs diamants, le polar truffier de l’excellent Martin Walker, le plus français des auteurs anglais ?). Du coup, notre ermite taiseux et hirsute, se résout à retourner dans la ville qu’il a quittée quinze ans plus tôt et où il a laissé la trace lumineuse du grand « chef » qu’il était. Portland comme si vous y étiez.

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Le cinéma et la cuisine ont souvent fait bon ménage. Pour le meilleur (la Cuisine au beurre ou Ratatouille) ou pour l’anecdotique (la Grande cuisine et ses chefs assassinés, Chère Martha et sa romance à deux balles). Difficile pourtant de donner à sentir ou à goûter dans un art purement visuel. C’est ce que réussit magnifiquement Michael Sarnoski dans ce film décalé et très indépendant. 

Quel était le goût exact de la madeleine proustienne, pour qu’il soit resté aussi présent, des années plus tard, dans la mémoire du narrateur ? Comment Robin Feld avait-il cuisiné ses volatiles pour que quinze ans plus tard le même plat fasse faire monter les larmes aux yeux d’un industriel impitoyable de la grande bouffe américaine ? La leçon de simplicité que donne Cage à un cuisinier moléculaire prétentieux qui fait déguster du vide à des clients snobs est magnifique : la vraie cuisine, c’est ce qui reste sur le palais et dans la mémoire quand on a tout digéré. C’est comme un très bon livre : on y revient après l’avoir lu.

La truffe, ce concentré de saveurs inouïes dans un morceau de charbon terreux, est le symbole parfait de cette cuisine du miracle et de ce film de l’émotion partagée entre le chef et ses clients, entre le réalisateur et son public. Vert profond des forêts du nord-ouest, remous bleu-nuit de la rivière Columbia, regard noir de Nicolas Cage, et tout au fond de chacun, les êtres aimés et aujourd’hui défunts qu’une bouchée de bonheur suffit à faire revivre. Pig est, à travers la métaphore charnelle de la cuisine, un grand film sur la résurrection.




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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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