Accueil Culture Je me souviens d’Agnès Varda

Je me souviens d’Agnès Varda

Pionnière de la Nouvelle vague, la réalisatrice a été emportée à 90 ans


Je me souviens d’Agnès Varda
Agnès Varda dans les années 1970. ©RUDLING/SIPA / 00013154_000002

La réalisatrice Agnès Varda, pionnière de la Nouvelle vague, a été emportée à 90 ans. 


Je me souviens de Philippe Noiret coiffé à la du Guesclin et atrocement compressé dans un tee-shirt blanc. Encombré par ce corps trop lourd qui deviendra par la suite une armure si légère face caméra, il marchait sur La Pointe Courte, dans la moiteur poussiéreuse de Sète…

Je me souviens de la robe à pois de Corinne Marchand dans Cléo de 5 à 7. Sa blondeur infernale et cette voix gamine combattant un crabe imaginaire… Le plus redoutable de tous sur une partition faussement enjôleuse de Michel Legrand…

Je me souviens de Sandrine Bonnaire, pouilleuse sauvage dont le visage joufflu me rappelait une madone aperçue dans une église de Rome. Son « flight jacket » de Sans toi ni loi à la dérive était aussi émouvant que les seins ronds de Macha Méril pointant d’une baignoire…

A lire aussi: Jean Rochefort au cimetière des éléphants

Je me souviens du meilleur rôle de Valérie Mairesse, rouquine instable et désirable, effrontée et pugnace dans L’une chante, l’autre pas… Une lueur triste dans un monde qui basculait…

Je me souviens de Venice Beach, de mes étés adolescents, « mélange de Palavas-les-Flots et de Saint-Germain-des-Prés », des rollers-skate et des californiennes en mini-shorts cruisant dans Mur Murs…

Je me souviens de Jane B par Agnès V quand les rides commencent à façonner un caractère et expriment une vérité intérieure, quand la jeune hippie anglaise se transforme en bourgeoise à veste en tweed, quand le temps creuse l’existence sans enlever l’innocence…

Je me souviens du triangle amoureux du Bonheur, d’un Thierry la Fronde épanoui dans un champ de tournesol, le cœur en ballotage défavorable, les mains d’un menuisier parcourant le corps de deux femmes et du drame qui pointe…

Je me souviens de Jim Morrison et d’Agnès, allongés sur l’herbe lors du tournage de Peau d’âne dans l’indolence blafarde des idéaux périmés… Clap de fin des années 60…

A lire aussi: Nico, l’autre fin de Jim Morrison

Je me souviens de Viva dans Lions Love, complètement nue voguant sur un pneumatique dans une piscine chlorée, une couronne de fleurs sur la tête comme un fruit défendu…

Je me souviens de Jacquot de Nantes, de ces années d’enfance qui fixent l’imaginaire, d’un puits sans fond où la mémoire du cinéaste résonne toujours et encore…

Je me souviens de Deneuve dans Les créatures, cette posture de vestale romaine, inaccessible et naturelle, qui nous faisait croire bêtement au pouvoir absolu de l’amour…

Je me souviens d’Agnès Varda, iconoclaste et évidente, d’un cinéma poétique et politique, où les corps exultent et les esprits se retiennent, fraîche et complexe figure dans une Nouvelle Vague si sentencieuse et bavarde…

Agnès Varda

Price: 39,22 €

8 used & new available from 39,22 €

Varda par Agnès

Price: 65,66 €

10 used & new available from



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Amazon: venez donc voir nos ouvriers préparer vos commandes!
Article suivant « Espérance banlieues tourne le dos à ce pour quoi elle a été créée »
Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération