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Ceinture !


Ça doit être un effet de mode : tout le monde veut ressembler à François Hollande. Pas être l’heureux vainqueur de la primaire socialiste, ni rompre avec Eva Joly parce qu’elle est antinucléaire et lui fusionnel. On veut se faire hollandais pour perdre du poids. Il a tout perdu et personne ne lui avait rien demandé. Même sa compagne Valérie Trierweiler déclare cette semaine dans Elle (oui, je suis allé chez le coiffeur) : « Je l’aimais, même avec ses kilos. »

Ses kilos, il n’est pas impatient de les reprendre. Nul ne sait si sa taille de sylphide est un argument électoral de poids, mais comme sa masse grasse se trouve être inversement proportionnelle aux intentions de vote qui s’expriment en sa faveur, François Hollande préfère attendre le 6 mai 2012 pour se faire une bonne bouffe.

Il n’est visiblement pas le seul à croire en cette corrélation un peu mystérieuse entre la sveltesse et la politique. François Fillon semble s’en être lui-même convaincu : il vient de mettre la France à la diète.

Sur la picole et la bouffe, la TVA est portée à 7 %. Cela signifie que les bistrots qui n’avaient pas baissé leur prix au moment où la TVA sur la restauration était descendue à 5 % vont illico répercuter la hausse sur leurs tarifs : faudrait pas être en retard deux fois.

Mais la diète décrétée par l’hôte de Matignon suffira-t-elle à la France à retrouver sa taille de guêpe ? Pas sûr ! Dégraisser le mammouth, comme dirait l’autre, est une chose, mais c’est tout le troupeau qui se trimballe un gros cul.

Nous vivons quand même dans un pays où les grandes de lois de décentralisation ne se sont pas traduites par une réduction significative des personnels au niveau de l’État. On embauchait dans les collectivités locales, sans débaucher dans les administrations centrales… C’est le cas pour l’Éducation nationale. C’est le cas pour bien d’autres ministères dont l’administration pourrait fonctionner, selon certains rapports, à 60 % de leur effectif…

Sitôt qu’il était devenu premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin s’était dit effaré par l’ampleur de la gabegie de nos dépenses publiques et l’impérieuse nécessité de réduire les déficits si l’on voulait garder encore un semblant d’État… Certes, il ne s’agissait pas pour lui d’y aller à l’aveugle et d’appliquer bêtement des règles arbitraires, comme celle du « non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux »… N’empêche que, malgré les critiques qu’il adressait aux rgppistes[1. La RGPP est la Révision générale des politiques publiques.] un brin psychorigides, Séguin avait changé du tout au tout en tournant au coin de la rue Cambon.

Il avait été de ceux qui avaient porté le fer contre les hérauts de la réduction des déficits publics, les dégraisseurs de mammouths et les pères-la-rigueur. Rétablir les finances de l’État : ça se ferait soi-même et tout le monde avait suffisamment été échaudé par les vaines tentatives d’Alain Juppé en 1995 pour ne pas s’y faire reprendre. L’important était ailleurs : il fallait répondre à l’injonction d’Eudoxe de Cnide : « Il faut sauver les apparences. » Les apparences, c’étaient avant tout celles de l’État-Providence. Entendez par là pas tant l’État qui protège les plus faibles contre les effets de la dérégulation et compense les inégalités, mais l’État dont on ne sait pas très bien comment il tient encore debout sinon par les effets miraculeux de la Providence divine.

« Dieu y pourvoira » ne peut constituer une politique solide. On vient d’en faire l’essai ces dernières décennies.

Certes, quelques doutes parfois nous avaient bien saisi. Le même Philippe Séguin les avait éprouvés, en 1987, lorsque voulant remettre d’équerre les comptes de la Sécurité sociale, il avait confié aux hauts fonctionnaires de son ministère la charge d’établir le déremboursement de certains médicaments… Ils jouèrent à trompe-couillon et, pour des raisons qui tenaient à leur attachement à la rue de Solférino plutôt qu’à celle de Grenelle, ils ne déremboursèrent pas les bons. C’est pourtant dans le même arrondissement. État impartial ? Mon cul !

On moquait ceux qui réclamaient une vigilance accrue sur la dette et les déficits. On riait même beaucoup quand Helmut Kohl décrétait, l’autre côté du Rhin, un plan d’austérité.

Or, ce n’est pas mettre en cause l’Etat-Providence que d’être rigoureux sur l’usage des deniers publics et l’utilité de la dépense : c’est, au contraire, garantir la pérennité de cet État sans lequel l’esprit républicain ne serait rien.

Oui, l’État doit perdre, à l’évidence, de la graisse. Mais l’imparable, pourtant, est là : se mettre au régime, ma bonne dame, ne suffit pas pour retrouver sa forme. Encore faut-il se remettre au sport.

Il faut dégraisser le mammouth et l’amener faire de l’exercice. Oh, certes ! ce n’est pas bien joli un mammouth qui sautille pour perdre du poids, mais c’est rigolo.

Faire sautiller la France : voilà le programme. Et l’entraîneur pour notre pays, nous connaissons. Il ne s’appelle pas Aimé Jacquet, mais François Guizot. La postérité, toujours malencontreuse, a retenu le nom du président du Conseil de Louis-Philippe pour un mot jamais prononcé : « Enrichissez-vous. » Nul ne se souvient qu’il fut, au XIXe siècle, celui qui releva les défis de la révolution industrielle, amenant le chemin de fer là où il le fallait, créant de l’industrie et des foyers d’innovation incomparables.

Oui, il nous faudrait, pour remettre la France à l’entraînement avant la course, un nouveau François Guizot. J’ai beau chercher dans notre histoire récente, je n’en vois qu’un : le Nicolas Sarkozy de 2007, celui qui croyait en l’industrie française, aux grandes filières, à la relance par la compétitivité. C’est pas gagné…



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