Accueil Politique 2012 après 2011 ?

2012 après 2011 ?


Image : marcolinho.

Même si la majorité d’entre nous se verra épargner la dure épreuve de passer le réveillon de la Saint-Sylvestre avec une porteuse de prothèses mammaires produites par un ancien charcutier, la cérémonie des vœux à la famille et aux amis risque d’être passablement pénible.
Comment, en effet, souhaiter une bonne année à son prochain lorsqu’un minimum de lucidité prospective nous oblige à ce constat désolant : 2012 devrait être encore plus moche que 2011 ?
Pour fonder cette affirmation, nous nous appuierons uniquement sur des processus déjà en mouvement, dont l’évolution est raisonnablement prévisible dans les douze prochains mois. Tremblements de terre, tsunamis, éruptions volcaniques ou autres catastrophes naturelles, dont il serait bien surprenant qu’aucune d’entre elles ne survienne l’an prochain ne viendront qu’ajouter une touche d’horreur à un tableau déjà bien sombre.

Commençons par la crise de l’euro. Les dirigeants des pays de l’Union européenne ont soigneusement évité d’adopter l’un ou l’autre des deux types de remèdes susceptibles de mettre fin à la descente aux enfers de la monnaie unique depuis le déclenchement de la crise grecque. L’Allemagne s’oppose toujours à faire de la BCE le « prêteur en dernier ressort » des Etats de la zone euro, à l’image de la FED américaine ou de la Banque d’Angleterre. Elle ne veut pas garantir les dettes des « cigales » des pays méditerranéens (et de l’Irlande) avec les surplus de liquidités fournis par ses excédents commerciaux. Comme Berlin n’est pas près de changer d’avis[1. Même si les sociaux-démocrates remplacent Angela Merkel au pouvoir à Berlin en 2013, ils ne seront pas en mesure de faire accepter la solidarité financière paneuropéenne à une opinion allemande farouchement hostile à ce principe.], l’autre solution est celle préconisée par un groupe d’économistes dans une tribune publiée par Le Monde, qui propose de sortir en bon ordre de la monnaie unique. Ils sont traités de fous dangereux par les gens du « mainstream » politique et économique. Alors, on en reste aux demi-mesures et aux usines à gaz mises en place à la suite des multiples « sommets de la dernière chance » de l’Union européenne, dont l’efficacité est équivalente à celle des bouts de fil de fer destinés à maintenir provisoirement en place un pot d’échappement qui se fait la malle. En conséquence, l’hypothèse d’une implosion incontrôlée de l’euro en 2012 n’est pas à exclure. Prosit Neujahr !

« Allons, allons ne nous laissons pas abattre ! » rétorqueront les optimistes de la volonté aux schtroumpfs grognons dont je me fais ici l’interprète, « Cette nouvelle année peut-être aussi celle d’un nouvel élan provoqué par l’élection présidentielle française avec soit une alternance salvatrice, soit un Sarko nouveau ayant enfin compris comment on fait président…».

Imaginons donc les trois scénarios les plus probables à la suite de l’élection présidentielle et des législatives, dans l’ordre de vraisemblance décroissante. François Hollande est élu, et il obtient une courte majorité de députés de gauche (PS, Verts, PRG, Front de gauche). Homme de compromis et de synthèse il est et restera, car il n’y a aucune raison que son entrée à l’Elysée le métamorphose en renverseur de tables. Le harcèlement des Verts, tel qu’on peut déjà l’observer dans les conseils régionaux, ne cessera pas un instant et sera d’autant plus efficace que la vingtaine de députés qu’ils auront extorqués au PS sera indispensable pour construire des majorités, comme c’est déjà le cas au Sénat. Psychodrame assuré à tous les étages.

Deuxième hypothèse : Nicolas Sarkozy réussit, grâce à une énergie et un sens politique que tout le monde lui reconnaît, un rétablissement miraculeux de sa situation politique, et se voit accorder un second mandat. Une fois l’euphorie de la victoire passée, et écoulés les quelque mois où il pourra vraiment agir en patron incontesté de sa majorité, la perversité des institutions donnera toute sa mesure : son camp se divisera inexorablement dans la perspective de la présidentielle de 2017. La droite se transformera en une pétaudière dont on a déjà n avant-goût avec ses pitreries parisiennes. D’ailleurs, dans la Vème République les seconds mandats, comme les histoires d’amour, finissent mal en général.

Enfin, qui pourrait définitivement exclure que Marine Le Pen soit présente au deuxième tour de la présidentielle ? En 2002, en décembre, Jean-Marie Le Pen plafonnait autour de 10% des intentions de vote dans les sondages… Est-il nécessaire de décrire les conséquences d’un tel événement ? D’imaginer la répétition de la « quinzaine antifasciste » d’avril-mai 2002 ? Le dernier refuge des disciples de Candide sera alors de faire valoir que l’on a de toute façon échappé au pire, une campagne présidentielle avec un DSK rattrapé par ses frasques libidinales dans la dernière ligne droite.

Un coup d’œil lancé au delà de nos frontières n’est pas de nature à nous ramener à une vision moins sombre de l’avenir proche. Qui peut aujourd’hui raisonnablement penser que les « printemps arabes » vont accoucher d’une année, suivie d’autres, de liberté et de prospérité pour les peuples débarrassés des despotes ? Il faudrait pour cela que les islamistes tunisiens, égyptiens ou libyens aient dans leur boite à outils idéologique les instruments capables de faire sortir leur pays du retard économique ou de la malédiction de la rente pétrolière accaparée par quelques uns. Or ce n’est pas avec la charia et l’exclusion des femmes de l’espace social et productif que l’on devient un « émergent » !

Le conflit israélo-arabe, dont pourtant tous les éléments du règlement sont depuis longtemps sur la table restera gelé, car il manque l’essentiel : la confiance entre les protagonistes. Enfin, quelque soit le résultat de l’élection présidentielle aux Etats-Unis en novembre, on peut être assuré qu’Obama II ou le républicain qui le remplacerait à la Maison blanche réduira au strict minimum son intervention dans les affaires du monde pour se consacrer aux problèmes intérieurs. Et pendant ce temps-là, les Irakiens se massacreront allégrement entre eux, comme les Syriens s’ils arrivent à chasser le clan Assad, et la nuit talibane retombera sur l’Afghanistan. Le seul pôle de paix et de stabilité se situera alors dans l’Antarctique, mais le bonheur par moins quarante, est-ce bien raisonnable ?

Alors il n’est pas interdit de traiter d’inconscient ou d’hypocrite celui ou celle qui vous souhaitera la bonne année le 31 à minuit pétante, à moins qu’il ou elle ne précise que ces vœux ne concernent que votre santé physique et mentale pour l’année à venir.



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