Tortionnaires en série


Tortionnaires en série

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Les séries américaines Homeland et Scandal viennent de redémarrer pour une nouvelle saison. A l’instar d’autres séries de qualité et à succès comme 24 heures, Crisis, ou Hostages, la torture y est une pratique courante et totalement décomplexée.

En 1976, le public découvrait avec frisson Marathon Man de John Schlesinger avec Dustin Hoffmann et Laurence Olivier. La scène de torture à la fraise de dentiste est dans toutes les mémoires. C’est sans doute la première fois que l’on montrait avec autant de réalisme et d’évidence une scène de torture dans un film grand public américain. Mais, dans ce film, le tortionnaire était un ancien nazi qui avait précédemment torturé dans les camps de la mort. Un méchant qui torturait un gentil.

Désormais, ce sont les gentils qui torturent les méchants. Les tortionnaires représentés aujourd’hui ne sont pas d’anciens nazis, mais des agents du FBI ou de la CIA. Et les méthodes employées par Laurence Olivier dans Marathon man sont assez « light » à côté des scènes de percement de tibias à la perceuse, de lacération à la lame de rasoir, d’arrachage d’ongles ou de dents que l’on peut voir dans Scandal. Le sang qui gicle ne fait plus peur au public américain, du moment que c’est pour la bonne cause. Et la torture est devenue un acte tellement banalisé dans l’imaginaire collectif américain, qu’elle n’est pas mise en scène pour dénoncer un acte contraire aux droits les plus fondamentaux de l’homme, mais comme une péripétie du scénario. Dans Scandal, ce sont même des avocats qui ordonnent à leurs collaborateurs d’aller torturer (à la perceuse !!) un tortionnaire des services secrets pour lui soutirer des secrets…

Comment comprendre une telle évolution de la mentalité américaine ? Elle se cristallise certainement dans le Patriot Act qui autorise aux services américains de pratiquer la torture si la sécurité nationale est en danger. La CIA entretient d’ailleurs plusieurs centres de torture secrets à l’étranger. Et la torture est officiellement pratiquée quotidiennement à Guantanamo. Mais elle puise plus loin dans la mentalité américaine. Le général Bradley ne déclarait-il pas en 1944 qu’il n’hésiterait pas une seconde à raser un immeuble, un quartier ou même une ville si cela pouvait sauver un soldat américain ? La sacralité de la vie d’un Américain atteint aujourd’hui son acmé et le citoyen américain tolère l’intolérable, du moment qu’il s’agit de sauver la vie d’un Américain. La guerre doit désormais faire zéro mort (du côté américain). Le droit à la vie d’un soldat ou d’un citoyen américain passe avant les droits de l’homme.

Jusqu’où cette dérive ira-t-elle ? La NSA espionne désormais le monde entier et enregistre toutes les conversations de tous les Américains. Au nom de la sécurité nationale. La CIA torture chaque année un nombre conséquent de personnes dans le monde. Toujours au nom de la sécurité nationale. La nation qui a inscrit « le bonheur de l’homme » dans sa Constitution même ira-t-elle jusqu’à entériner la torture comme nécessaire au bonheur des Américains ?



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