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Roumanie, le cauchemar de l’Europe


Roumanie, le cauchemar de l’Europe
Les Roms sont-ils les bienvenus en Roumanie ?

C’est un pays dont on ne parle jamais, le trou noir de l’Europe. Il en est pourtant le septième par la taille et la population, mais personne ne parle jamais de ses habitants non plus. Seuls un vampire empaleur, un petit cordonnier qui a très mal fini et une gymnaste surdouée ont réussi éphémèrement à percer le glacis et à rappeler au monde qu’il existe là-bas, vers l’Est, tout au bout du continent, un pays qui s’appelle la Roumanie. Romania, comme Rome qui colonisa cette terre et y laissa sa langue et des vignes. Juste pour rire, combien de Français situent et nomment sa capitale ? Bucarest, Bucuresti, la cité de la joie.

Nicolas Sarkozy vient de remédier à cette situation hautement injuste. Après quelques batailles rangées particulièrement violentes et la mort d’un jeune homme à Saint-Aignan le 18 juillet, il a fait subitement des Roms sa priorité des priorités en matière de sécurité. Nous passerons sur les réserves que nous inspire cette « bouc-émissairisation » d’une cible presque trop belle être vraie, tombée juste à point, toute rôtie pour faire coup double : ratisser chez Le Pen, où l’on est toujours friand des rapprochements douteux entre criminalité et étrangers, et détourner les attentions de la grande saga estivale muti-rebondissante, La Vieille dame indigne, son photographe et son ministre. La polémique a déjà été amplement traitée ici et ailleurs.

Expulsions, pièges à cons ?

Certains de ces Roms fauteurs de trouble public, et de fait accusés d’être responsables d’une bonne partie des maux sociaux de la France, étant en situation irrégulière sur notre territoire, il fut décidé, dans un sursaut de rigueur prétorienne implacable, de les expulser manu militari vers leur pays d’origine. Ce qui, soit dit en passant et quelles que soient les arrière-pensées de l’expéditeur, est parfaitement légal. Aussitôt dit, aussitôt fait, les charters succèdent depuis aux charters. Destination la Roumanie donc, puisque les Roms sont roumains. Le pays revient pour la première fois sur le devant de la scène internationale depuis sa révolution bidonnée, ses charniers recomposés et l’exécution rondement menée du Conducator et de sa douce.

Les Roms ayant quitté la terre de leurs ancêtres où ils sont traités en paria depuis des siècles (les enfants pas sages y sont toujours menacés d’être donnés à manger aux affreux tigani) pour échapper à la misère et au statut peu envié de sous-citoyens, on pouvait imaginer de la part de ladite Roumanie un profil bas. Très bas même. D’autant plus que les vingt milliards d’euros en aides diverses et variées alloués pour la période 2007-2013 par le budget européen ne se sont pas trop vus sur le terrain. Les bidonvilles ressemblent toujours à des bidonvilles. Mais c’était mal connaître le gouvernement en place à Bucarest. Les « déportations » firent la « une » des journaux, tandis que le ministre des affaires étrangères soufflait sur les braises et s’inquiétait hypocritement de nos provocations et dérapages populistes. Merci pour nous.

Il serait temps de conseiller à domnul Basconschi de quitter son palais et d’aller faire un tour dans son pays, celui que les Roms et les Roumains, pour une fois alliés dans un même grand mouvement de bascule, ont fui par centaines de milliers. Il constatera à quel point ses remontrances sont déplacées et même outrancières.

La Roumanie, l’autre pays du pot-de-vin

Second pays le plus corrompu d’Europe derrière la Bulgarie, selon le classement de Tranparency International, ONG basée à Berlin, la Roumanie est le paradis du pot-de-vin, le royaume du racket, l’eldorado du graissage de patte. Pas un secteur de la vie économique n’y échappe. 1 100 médecins, 170 officiers de police, 9 généraux et un premier ministre ont fait l’objet de plaintes. Sans grands résultats, car les dossiers montés par les procureurs s’autodétruisent en face de la Cour. Pour acheter un enfant, récupérer une propriété nationalisée après 1948, postuler pour un marché public, éviter que le brancardier ne vous balance par terre, il faut payer. Petites coupures usagées très demandées. En dollars, plutôt. Le tout assorti d’une bureaucratie kafkaïenne et d’une monumentale culture de la file d’attente unique en Europe.

La faute au communisme, vous assurent les Roumains, qui n’en sont pas à une contradiction près. Sauf qu’aucun pays oriental de l’Union européenne n’a conservé à ce point cette tradition soviétique du billet glissé entre deux feuilles. Hormis son vieil ennemi balkanique bulgare (les deux pays ont réussi à se battre à peine sortis de la Première Guerre mondiale), bien sûr. Il a bon dos le communisme, vingt ans après. La faute aux Roumains. Au médecin qui arrondit en douce ses 510 dollars mensuels, mais aussi au patient qui lui proposera un arrangement avant même la première consultation. Si, par extraordinaire, le médecin refuse, le malade en conclura qu’il est incurable et ira en voir un autre. 360 millions de dollars sont ainsi consacrés chaque année aux pots-de-vin médicaux. Les tarifs sont d’ailleurs officiels, consultables en ligne sur les blogs et les sites Internet… Quand bien même une voie légale est possible, les Roumains choisiront la corruption, par habitude, par sécurité, par atavisme.

Rien d’étonnant à ce que la même démarche se produise au sommet de l’Etat. Le pays tire la langue, exsangue, les investisseurs étrangers fuient ce cauchemar, le FMI dicte les prix, les salaires et le fait danser au bout d’une corde comme un ours des Carpates, tandis que DSK bat la mesure, sous les rires gras d’une clique monstrueuse de parvenus analphabètes couverts d’or et de bimbos refaites pendues à leurs bras. Les jeunes rêvent d’Amérique, les filles se cherchent de vieux messieurs très riches, les suicides se multiplient… Et les Roms repartent vers l’Ouest.

Alors, les Roumains pleurent et se prennent à regretter les temps d’avant. Ils oublient les ventres vides, l’eau et l’électricité rationnées, la liberté retrouvée, pour se souvenir qu’ils étaient dignes et unis, sans criminalité, sans banque et sans dette.

Le président de la République a promis une « action de coopération intense » avec les autorités roumaines pour lutter contre les trafics. Avec la police et la justice roumaines en particulier. Interdiction de rire. Nous reverrons les Roms, c’est quasi certain. Tant que Bruxelles ne pilotera pas directement les fonds structurels donnés à la Roumanie, leur situation ne s’améliorera pas. Et Teodor Basconschi pourra toujours s’alarmer de nos « réactions xénophobes » sans soigner le mal de son pays qui ne sait tout simplement plus qui il est, ni où il va.



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Agnes Wickfield est correspondante permanente à Londres.

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