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Vive le Roi de cœur!


Vive le Roi de cœur!
Alain Bates et Geneviève Bujold dans "Le Roi de cœur" de Philippe de Broca
"Roi de coeur" Philippe de Broca Restauration film culte
Alain Bates et Geneviève Bujold dans "Le Roi de cœur" de Philippe de Broca

Parfois, le métier de critique est d’une simplicité enfantine. Foin de théories fumeuses, de divagations sur la place de la caméra et d’analyses scabreuses sur les intentions du réalisateur, il suffit seulement de lire les noms inscrits sur l’affiche. Ni plus, ni moins. Un exercice à la portée d’un étudiant en cinéma, voire même d’un directeur des programmes. Attention toutefois aux risques d’éblouissement, le spectateur lambda n’est pas habitué à ce genre de divertissement délicat. La prochaine Cérémonie des Césars et sa cohorte de roitelets, tous satisfaits par leur génial talent et leur humanité triomphante, ne font pas toujours dans la pellicule fine, plutôt dans le commerce de gros. Sachez que le septième art n’a pas toujours été le cousin désargenté de la télé. Une sorte de maison de convalescence pour stand-upper pré-pubère où la vanne fait office de scénario et où les annonceurs se font censeurs. Le rire formaté aura définitivement tué la poésie de l’instant.

Un rêve de cinéphile

En 1966, on respectait encore le public. On lui prêtait même une certaine intelligence, au lieu de conforter son penchant naturel pour la grosse comédie, on essayait de piquer sa sensibilité sur des sujets de traverse. L’ambition d’élever le public s’est évanouie au mitan des années 80 comme le paiement des heures supplémentaires. Quand Philippe de Broca (déjà la seule évocation de ce nom-là vaut blanc-seing tellement son œuvre crépite sous le soleil de minuit) décide de réaliser Le Roi de cœur, il fait appel à la crème du moment : Daniel Boulanger au dialogue, George Delerue à la musique, Maurice Bessy à la photographie et sur l’écran défile devant nos yeux ébahis, la quintessence de la profession. Je cite, pêle-mêle, juste pour le plaisir de rappeler les noms de ces immenses acteurs : Alan Bates, Pierre Brasseur, Jean-Claude Brialy, Geneviève Bujold, Michelin Presle, Julien Guiomar, Michelle Serrault, Adolfo Celi, Françoise Christophe, Marc Dudicourt, je stoppe là cette énumération, je sais que certains cinéphiles ont déjà chaviré sous le poids de l’émotion.


Le Roi de coeur par bande-annonce-film

Le Roi de cœur ressort en ce début d’année au cinéma (notamment au Champo à Paris) et surtout en DVD dans une version restaurée en 4K par Technicolor France. Après de longues négociations, la famille Broca a enfin réussi à racheter les droits de ce long-métrage. Les Américains lui vouent une véritable vénération. De l’autre côté de l’Atlantique, on n’aime pas uniquement les pantalonnades de Chuck Norris et Steven Seagal. En France, à sa sortie, ce film n’a pas réuni les foules, raison de plus pour le regarder et pester contre l’incurie de nos aïeux. La distribution (ci-dessus citée) est déjà en soi une sorte d’émerveillement. Qui n’a pas vu le regard au bord des larmes de l’inaccessible Geneviève Bujold ne connait rien au jeu des acteurs, à cette virtuosité qui serre le cœur, à cette détresse à fleur de peau, à ce sentiment éphémère et violent qui nourrit une existence. Il y a des actrices qui illuminent des vies trop ternes, Geneviève fait partie de ces reines-là.

La féerie de l’improbable

Le visage de Micheline Presle se maquillant dans une maison en ruine ne me quitte plus depuis quinze jours alors que j’ai déjà oublié toutes les facéties des candidats à la présidentielle. Philippe de Broca, ce seigneur longtemps sous-estimé par quelques ridicules petits maîtres du métier, avait le don d’enchanter le réel, lui donner un vernis de tendresse et de chagrin, de dénoncer les atrocités de la guerre sans sortir l’artillerie lourde. On parle du toucher de balles chez les tennismen, de Broca filmait par effleurements successifs jusqu’à ce que son propos nous envahisse complètement. L’action du Roi de cœur se déroule en 1918, à la toute fin de la guerre. Les Alliés apprennent que les Allemands ont dissimulé une charge d’explosifs près d’une cathédrale, juste avant d’évacuer cette ville de province. Le soldat Plumpick (Alan Bates) est chargé de désamorcer la bombe. Il se retrouve alors confronté à une situation incongrue car les seuls habitants restants sont des pensionnaires d’un asile d’aliénés. Des « fous » en liberté qui sont totalement étrangers aux événements tragiques et font du soldat démineur, leur roi de cœur. Il y a dans cette étrange mise en abîme, une féerie de l’improbable, des filles en porte-jarretelles sur un camion de pompier, un carrosse tiré par un dromadaire, un amour impossible, un atroce cri de douleur et puis, cette certitude que la folie est largement partagée par tous les Hommes.

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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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