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Remèdes à gogo


Remèdes à gogo

Le scandale du Médiator, accusé d’avoir tué 500 à 2000 personnes, apporte chaque jour son lot de révélations et, par la même occasion, de coupables et responsables présumés. Experts sous influence, industriels cyniques, autorités sanitaires négligentes, politiques inconscients : si ce que dit la presse est vrai, l’industrie pharmaceutique qui nous raconte à longueur de pub qu’elle répand le bien et la santé dans le monde ressemble à la caricature qu’en a dressé John Le Carré dans l’un de ses plus mauvais livres. Un monde sans foi ni loi dans lequel on est prêt à truquer des rapports pour vendre et à tuer pour gagner plus.

Espérons que la réalité est plus complexe et que ceux qui ont commis des erreurs ne l’ont pas fait sciemment. Reste que, de l’OMS aux autorités nationales, une fâcheuse endogamie semble régner entre ceux qui vendent des médicaments et ceux qui les autorisent.

On me dira qu’il y a trente ans, on ne faisait pas tant de chichis et qu’on trouvait, en vente libre ou quasi libre des produits du même genre bourré d’amphétamines ou assimilés dont des générations d’étudiants ont abusé pour endurer des nuits sans sommeil. Un écrivain de mes amis a écrit un chef d’œuvre en quatre mois sous l’effet d’une pilule légendaire appelée « captagon ». Ceux qui recouraient à ces substances se doutaient bien qu’ils bousillaient leur précieux organisme, mais après tout, le deal était clair : en échange, ils avaient du temps, conquis chimiquement sur leurs nuits.

Tout cela a disparu et nous exigeons maintenant que les lois et règlements nous protègent contre notre goût pour les stupéfiants, notre penchant au tabac et même notre coupable tendance au jeu (avez-vous lu les avertissements placardés dans les boutiques à loto ?). Qu’un médicament puisse tuer alors qu’une armée de fonctionnaires et une pléthore de procédures sont chargées de l’empêcher, cela nous semble inconcevable. Admettons qu’une telle exigence ne relève pas de l’extrémisme de la précaution.

Admettons aussi, alors, que dans la longue chaîne de fautes voire de crimes qui a abouti à vendre un médicament mortel, nous avons une responsabilité collective. Si le Médiator a été prescrit dans le traitement du diabète, il l’a aussi été comme coupe-faim à des gens –surtout des femmes, je suppose – dont la seule maladie était de vouloir maigrir.

Il est de bon ton d’accuser la presse féminine prétendument coupable de conditionner nos esprits faibles – sauf Causette qui a eu la déprimante idée d’inventer un journal de filles intelligent, très peu pour moi. Nous serions devenues obsédées par notre poids en lisant Elle. À ce compte-là autant s’en prendre aux hommes dont la plupart, contrairement à la légende, ne préfère pas les grosses. Bref, je ne vois pas pourquoi il serait ridicule ou condamnable de vouloir être mince. Ce qui est ridicule et fâcheux, c’est qu’on nous fasse gober qu’on peut maigrir par miracle, perdre cinq kilos en trois jours ou l’inverse, avec pilules magiques, sport en dormant et autres remèdes de perlimpinpin. On finira par me proposer un traitement pour devenir « grande blonde avec des gros lolos notre cauchemar à toutes », comme dit un personnage de je ne sais plus quel film. Et si ça se trouve je finirai par l’accepter.

Alors, les filles, je vais vous confier un secret gratos : pour maigrir, rien ne vaut le régime grillade-salades, c’est pas fun mais c’est comme ça. La morale collatérale de cette sinistre affaire du Médiator, c’est que nous devons arrêter de nous laisser prendre pour des gogos. Ça, c’est excellent pour la santé.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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