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PPDA : parce que je le vaux bien


Vous avez remarqué ? Depuis qu’il a été odieusement remercié pour cause d’impertinence, PPDA a quitté l’air vaguement bougon qu’il avait lorsqu’il débarquait dans notre salon – et dont je parierais qu’il explique au moins la moitié de son succès auprès des ménagères et ménagers (moi, j’adorais). L’ex-présentateur-vedette-du-journal-le-plus-regardé-de-France est un homme libre – bien entendu, nous ne saurions insinuer que jusque-là, il ne l’était pas[1. Quand les langues se délieront et que les archives s’ouvriront, on découvrira qu’il a mené un combat opiniâtre et secret pour protéger la rédaction des visées liberticides du pouvoir.]. Libre dans sa tête à défaut de l’être de son temps – parce que depuis qu’il est au chômage, il ne chôme pas. À TF1, il disposait de trois jours, du jeudi soir au lundi, pour se ressourcer et échapper, ne fût-ce que quelques brefs instants, à son écrasante responsabilité. Question horaires, la vie de pigiste multicarte risque de lui faire drôle. Au moins, après avoir, toutes ces années, fait don de sa personne à la France d’en bas, pourra-t-il enfin laisser s’exprimer sa véritable personnalité. On vous le dit, ça va swinguer.

D’abord, chapeau bas : passer de TF1 à Arte, c’est chiquissime, quand que le contraire serait considéré comme une déchéance dictée par l’avidité. Ce sera haute culture et grandes questions : PPDA « fera » Pivot et peut-être aussi Hulot, Jérôme Clément, le patron de la chaîne, le verrait bien présenter un grand Journal de la Planète. Excellent choix : avec son genre gentleman-baroudeur, il a le look idéal. Cela dit, s’il monte en gamme, il ne change pas vraiment de registre. C’est sur RTL que l’on découvrira le PPDA nouveau. Je ne sais pas qui est le petit malin qui a eu l’idée de le recruter dans l’équipe de « On refait le monde », l’émission animée par Nicolas Poincaré, mais c’est un joli coup. La maison Bertelsmann s’est d’ailleurs payé quelques encarts de pub pour saluer la première de son nouveau « polémiste » mercredi. Oui, aussi étrange que cela puisse paraître, PPDA a des opinions. Son sacerdoce lui interdisait de les laisser paraître. À défaut de plaire à tout le monde, le présentateur durable doit s’efforcer de ne déplaire à personne. Ses idées, il est prié de les garder pour lui. Alors forcément, on finit par oublier qu’il en a.

Au début, on a une drôle d’impression, comme si un inconnu parlait avec la voix d’un proche – ce que PPDA était pour tous les Français. Non pas qu’il dise des choses renversantes, même si ses remarques sur Edvige sont plutôt sensées. Mais il suffit qu’il donne son avis, qu’il émette un jugement et il est un autre homme. Un homme tout court d’ailleurs. Voilà qui a contrario en dit long sur l’exercice demandé au présentateur du JT, sommé d’être à la fois présent et transparent. Comme un produit de luxe.

La conversation porte maintenant sur Jean Sarkozy qui pousse un coup de gueule contre la presse people. « Poivre » prend sa défense avec conviction. Affaire de solidarité. Le harcèlement, les paparazzis, il connaît lui aussi. « Heureusement qu’il y a des lois pour protéger les citoyens contre ces agressions… Parce que vous savez, ce n’est pas drôle. » Comment ne pas compatir à un tel calvaire ? Géraldine Muhlmann ne compatit pas. Elle semble même très agacée. Est-ce parce que Poivre l’a un peu draguée, fort maladroitement d’ailleurs, pendant la discussion précédente ? L’air de ne pas y toucher, elle lui balance un scud. « Je me pose une question, dit-elle, faussement candide. Comment expliquez-vous que des gens très connus, qui sont souvent dans le poste, comme le présentateur du « 20 heures » sur une très grande chaîne, parviennent à conserver la plus grande discrétion sur leur vie privée ? Ne serait-ce pas parce qu’ils ont toujours montré la plus grande fermeté ? » L’allusion à Pujadas est claire.

Evidemment, ça l’énerve PPDA, d’entendre parler de son ex-concurrent qui a eu le culot de lui survivre au « 20 heures ». Du coup, il lâche le morceau. Fini la drague. « Chère Géraldine, dit-il avec l’air de penser qu’elle ne comprend rien, ce n’est pas ça du tout. Si la presse people ne s’intéresse pas à ces gens, c’est parce qu’ils ne sont pas bankable ! » Etre bankable, voilà ce qui compte. En clair, contrairement à PPDA, ces pauvres abrutis qui n’ont jamais été traqués par un paparazzi n’ont aucune valeur marchande. Croyez-vous que c’est pour lui faire plaisir que Match, Gala ou VSD lui ont consacré tant de « unes » ? Bernique. PPDA fait vendre et il en est plutôt satisfait. Win-win game : le magazine engrange et chaque « cover » fait grimper l’action du bankable.

Surtout, ne croyez pas qu’on naît bankable. Non, on le devient à la force du poignet – il faut beaucoup téléphoner. Faire de sa vie une marchandise n’est pas donné à tout le monde. PPDA a assurément atteint les sommets de la bankabilité. Son nom est devenu une marque. C’est pas la Ferrari qui pourrait en dire autant. Les temps changent. Jusque-là, on accusait les journalistes d’être vendus. Désormais, on leur reproche de ne pas être vendables.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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