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Patrick Cohen, l’homme aux ciseaux entre les dents


Patrick Cohen est journaliste. Depuis quelques jours, nous savons qu’il est plus que cela : il est l’homme aux ciseaux[1. Au XIXe siècle, on représentait la censure sous l’apparence d’une femme peu accorte, nommée Anastasie, armée d’une paire de ciseaux. « Anastasie c’est, en grec et en latin, la Résurrection. (…) Anastasie représente la censure qu’on croit toujours enterrée et qui, sans cesse, ressuscite (en 1803, 1814, 1820, 1835, 1852… (Delporte) » … Et 2013 !]. Le second métier de M. Cohen serait plutôt censeur des ondes officielles d’État. M. Cohen tient la radio officielle d’État, France Inter, pour le pré carré de sa conscience. Quand il s’exprime, c’est au nom du service public. Il parle pour tous les autres. D’ailleurs, tous les autres parlent comme lui, à une ou deux exceptions près. Parmi ces exceptions, nous ne compterons pas Pascale Clark, autre vertueuse voix de la radio d’État. M. Cohen possède une conscience délicate, finement ourlée, ornée de dentelle. Au vrai, M. Cohen est agréable à regarder et sa voix nullement déplaisante. Mais sa douceur apparente dissimule un redoutable censeur de nos contemporains. Il a fait l’autre jour, dans l’émission C à vous (France 5), un aveu proprement effarant, avec la tranquille assurance des propriétaires d’État, des fonctionnaires d’autorité, qui ont derrière eux la sécurité d’un appareil puissant et en font un usage discrétionnaire. Citant les noms de MM. Soral, Dieudonné, Meyssan, et Nabe, tous infréquentables notoires, il a laissé entendre qu’ils ne lui inspiraient pas seulement de la méfiance, mais qu’en plus il ne convierait pas M. Ramadan à s’exprimer dans son émission matinale sur France Inter. Il a reproché à Frédéric Taddeï, avec une certaine véhémence contenue qui lui mettait le rose aux joues, de les inviter dans son salon fameux, Ce soir ou jamais. Ce dernier, particulièrement en verve, sans se départir du calme propre aux bons duellistes du verbe, lui a administré une sévère et très plaisante correction. 
« Moi, je n’ai  pas envie d’inviter Tariq Ramadan !
– C’est votre droit ! Quant à moi, je n’ai pas une liste noire des gens que je refuse a priori d’inviter sous le prétexte que je ne les aime pas. Le service public ne m’appartient pas.
À la fin, le teint de M. Cohen, de rose était devenu brique. Et il demeura coi. Celui de Frédéric Taddeï n’avait même pas pris une « nuance de gris ».
Daniel Schneidermann publie un article plein d’ironie dans Libération :  « Se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle »
Auditeurs de France Inter, dormez en paix, Patrick Cohen, homme de devoir, prend soin de vos oreilles et de votre moralité. Fidèles de Ce soir ou jamais (France 2), soyez tranquilles, Frédéric  Taddeï, homme de culture, veille à garantir votre plaisir suprême : la liberté de choisir entre le bien et le mal.



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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