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Incompréhension

Le billet politique de Philippe Bilger


Incompréhension
Olivier Marleix photographié en 2023 © Chang Martin/SIPA

Le suicide du LR Olivier Marleix a mis en sourdine quelques heures les fureurs et les oppositions bruyantes du monde politique. Et si on comprenait aussi les vivants, rêve notre chroniqueur ?


En dehors de deux ou trois exceptions complotistes, le suicide d’Olivier Marleix a été abordé par toute la classe politique avec infiniment de dignité et de délicatesse. Avec une exemplaire compréhension de la fragilité d’une vie susceptible de basculer de la lumière vers l’ombre, de l’existence la plus palpable, la plus immédiate jusqu’à son effacement en un trait de temps vertigineux. Il est vrai qu' »on sous-estime toujours la solitude des êtres » comme l’a dit Laurent Wauquiez dans un hommage émouvant et très applaudi à l’Assemblée nationale. François Bayrou a exprimé la même idée : « On ne connaît jamais la fragilité des êtres humains ».

Mystère insurmontable

Bruno Retailleau, quant à lui, s’est interrogé douloureusement : « Quels cris Olivier étouffait-il ? Quelle nuit traversait-il ? Pourquoi ? Qu’aurions-nous dû voir ? Quels combats intérieurs livrait-il pour qu’il se résolve à un tel geste ? »

J’ai croisé Olivier Marleix, je l’ai un peu connu, j’ai aimé son caractère perçu par certains comme roide, intransigeant dans ses convictions, dénué de toute démagogie. Ce qui est sûr est que pour tous, cet homme a été un inconnu qui a laissé ceux qu’il a quittés et qui l’aimaient dans un définitif et insurmontable mystère.

I have a dream

Je fais un rêve. Cette décence unanime à l’égard d’Olivier Marleix et de son geste apparemment imprévisible, serait-il donc impossible qu’elle se manifestât, certes sur un autre mode, à l’égard des vivants ? En considérant déjà cette élémentaire fraternité qui devrait réunir tous les mortels dans leur conscience d’être périssables, et qui pourrait dominer tous les antagonismes conjoncturels ?

A relire: Olivier Marleix (LR): « Aucune réforme des retraites n’a jamais été populaire »

Pourquoi la politique, ses fureurs, ses humeurs, ses oppositions, cette manière qu’elle a de défigurer le dialogue démocratique en haine et en guerre, pèsent-elles tellement, face à notre dure condition humaine humaine en partage ? Ce sentiment ne couvrirait pas d’un baume absolu les oppositions partisanes ni les affrontements idéologiques mais les atténuerait par ce relativisme pacificateur…

Bilger, l’humain d’abord ?

Ce ne serait pas tomber dans le classique « chacun a ses raisons » mais user de la précaution de se rappeler que Jean-Luc Mélenchon, par exemple, est d’abord une histoire qui souvent l’explique, parfois le justifie, quelquefois le condamne, une sensibilité et un humus qui mettent naturellement à mal toutes ses constructions révolutionnaires théoriques. Emmanuel Macron n’est-il pas, plus que tout autre, l’incarnation d’une structure intime, d’un paysage subtil qui dessinent ce qui semble être une rationalité mais relève bien davantage d’une étrangeté ? Cette vision priorisant le souffle, les corps et les battements du cœur est susceptible de s’appliquer à tous ceux qui ont une parcelle d’autorité entre les mains, des présidents aux petits chefs, des dictateurs aux démocrates.

Il ne s’agit pas en permanence de faire passer l’humain qui rassemble et qui fait qu’on se ressemble, avant les joutes intellectuelles et les débats vigoureux et antagonistes mais de savoir les arrêter, dans leur intensité et leur tonalité, quand ils oublient les hommes ou les femmes qui y participent. Il ne serait pas grotesque de ne jamais oublier, où qu’on soit, la solidarité que créent inéluctablement nos faiblesses, nos fragilités et les sources subjectives nées de nos êtres, par rapport au dissensus constant qu’engendre une politique de postures et d’éclats.

Je ne vois pas au nom de quoi les vivants globalement entendus ne mériteraient pas, d’emblée et pour échapper à toute dérive, le respect que devraient inspirer une fortune et une infortune communes : hommes et femmes, on vit puis on meurt !



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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