Municipales à Paris : Mesdames, pensez à passer le jet!


Municipales à Paris : Mesdames, pensez à passer le jet!

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Je n’ai pas vérifié samedi, vendredi elle était encore là. Cinq jours après son apparition, la tache de vomi rose tarama, dont la forme en étoile régulière indiquait une projection perpendiculaire au sol, avait certes séché et pâli mais demeurait bien visible, sur le trottoir d’une rue de Paris. Cela signifiait que depuis cinq jours, les services de la voirie n’étaient pas passés par là. La rue en question, pourtant située dans un quartier d’habitations et de boutiques, est d’une saleté sans nom : crottes entières ou écrasées, auréoles et filets d’urine, odeurs correspondantes. L’été va arriver, l’effet olfactif en sera accentué avec la chaleur.

J’ai parlé de ce problème à un membre en campagne de l’équipe municipale qui se représente dans l’arrondissement. Il a reconnu que c’en était un, de problème, et que la propreté des rues était l’une des priorités de la candidate qu’il soutient. Je lui ai dit qu’il faudrait passer le jet d’eau tous les matins, comme à Lloret de Mar, station balnéaire populaire de la Costa Brava espagnole, Paris étant également une ville touristique. Il a dit qu’il voyait à quoi ça faisait référence, ajoutant que passer le jet tous les matins ne serait sans doute pas possible. Je m’attendais à cette réponse.

Faire nettoyer à l’eau chaque jour les rues de Paris – hors périodes de fortes pluies ou de neige tenace – est apparemment au-dessus des forces des élus parisiens. C’est pour eux une chose inconcevable, culturellement contraire à leur vision « fouette cocher » et crottin de cheval. C’est surtout que ça coûte de l’argent, car une telle politique de propreté exige à n’en point douter du personnel et des moyens matériels supplémentaires. On en déduit que cette politique ne fait pas partie des priorités budgétaires – de la ville ou du conseil régional, au fond peu importe : la majorité en place semble se satisfaire de la saleté, et rien ne permet de dire que les promesses de NKM d’une plus grande propreté de Paris seraient suivies d’effet.

« Manque de civisme », relève le membre de l’équipe de campagne. Non, Monsieur : ce qui est nettoyé chaque jour restera propre plus longtemps. La saleté appelle la saleté. Et puis, on n’est pas « en région », Paris est une capitale à fort brassage de populations, le contrôle social y est moindre qu’ailleurs. Une municipalité doit tenir compte de cela, instaurer des mesures coercitives s’il le faut et ne pas invoquer le manque de civisme pour excuser ses manquements en matière de nettoyage des rues.

La mairie dépense beaucoup d’argent pour aménager l’« espace public », mais très vite ce qui est neuf subit les premières dégradations. Prenons la Place de la République, transformée en une vaste plaine recouverte de dalles de béton se déclinant en trois nuances différentes de gris. Certains ont trouvé ça moche. Je trouve ce réaménagement réussi. Pour peu que l’endroit soit propre ! Une fois encore, les pouvoirs publics se sont dit que l’intendance suivrait. Mais l’intendance, c’est eux ! Ces dalles censées briller au soleil sont d’ores et déjà tachées, non parce que les taches sont indélébiles, mais parce que, faute d’être nettoyées chaque jour à grande eau, elles s’incrustent dans le béton. Les pourtours d’arbres récemment plantés sont envahis de mégots de cigarettes. Ce n’est pas la peine de « faire beau » si, par la suite, on n’est pas en mesure de garder le beau. Idem pour les bancs en bois massif, de très belle facture, installés sur la place et tout autour d’elle, pour certains déjà tagués et occupés par des SDF. Mais comme les SDF, c’est nous, un jour, plus tard, on se tait, pour ne pas insulter l’avenir – comme si on ne pouvait pas réfléchir avec humanité à une solution qui conserve leur dignité aux SDF et permette à ceux qui ne le sont pas encore de jouir des investissements publics. Résultat, on ne profite toujours pas des bancs…Cette place dégagée de toute fioriture – enfin ! – était la promesse, pour les piétons, d’une déambulation sans stress. C’est raté, car l’une de ses moitiés est très rapidement devenue celle des skateurs, si bien qu’il faut faire attention en permanence à ne pas se prendre une planche dans les tibias. Et le bruit minéral de ces engins ajoute au tintouin des voitures. La mairie ne pouvait-elle pas interdire la pratique du skate à cet endroit ? N’y a-t-il pas, ailleurs, de skatepark ? S’il n’y en a pas assez, qu’elle en construise d’autres !

Paris ne sait pas faire simple et propre. La ville est, de plus, largement inadaptée aux personnes handicapées physiques – la République n’est pas une estropiée ! Elle dépense des centaines de millions d’euros dans des infrastructures publiques ou semi-publiques alors qu’elle n’a manifestement pas de budget suffisant pour les entretenir quotidiennement. Voitures, vélos, piétons : entre les trois, elle ne choisit pas, les faisant cohabiter de force et très mal. Là encore, stress pour tous.

Les bâtiments des ex-nouvelles Halles, construits dans les 1970, ont été détruits. Une « canopée » les remplacera bientôt, le Delanoë Enterprise, vaisseau imposant. Mais quelle idée ont-ils eue tous ! Là où la densité de population est si grande, c’est un espace dégagé de toute construction qu’il fallait dessiner, les commerces prenant place exclusivement dans les sous-sols. Mais non, on aura voulu faire un « geste architectural ». Il aurait mieux valu une immense pelouse (qu’il aurait certes fallu entretenir), et non, à nouveau, ces allées, bosquets et plates-bandes, véritables cendriers à clopes, si difficiles à nettoyer.

Décidément, Paris ne tient pas compte de sa sociologie. Paris simplifie pas la vie des Parisiens.

 

*Photo : Christophe Ena/AP/SIPA. AP21165018_000007.



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est journaliste.

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