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Lutte ouvrière, comme une tentation


Lutte ouvrière, comme une tentation

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Lutte ouvrière me rassure. Dans un monde où tout change, affligé d’une constante néophilie bougiste, Lutte ouvrière ne bouge pas. Un peu comme les boîtes d’allumettes, l’emballage de la crème de marrons Faugier ou les boîtes de cachous Lajaunie.
Je n’ironise pas, ou si peu. Lutte ouvrière appartient au monde d’avant et comme je crois à « la force révolutionnaire du passé » (Pasolini), je pressens que l’avenir appartiendra à ceux qui seront restés les plus fidèles à leurs convictions. Il y a toujours un moment où l’archaïsme devient incroyablement moderne. Ça peut rassurer les opposants au mariage pour tous. Ça peut aussi rassurer les partisans de l’appropriation collective des moyens de production et de la révolution mondiale.
Si je vous parle de Lutte Ouvrière, c’est qu’ils ont organisé leur 42ème fête annuelle ce dimanche de Pentecôte. La Pentecôte, ce n’est pas un hasard, c’est le don des langues. Tout d’un coup les apôtres comprennent tout ce qu’on leur dit dans tous les pays et tout le monde les comprend. C’est une assez bonne définition de l’internationalisme qui explique comment en moins de deux siècles, quelques croyants ont changé la face du monde et conquis Rome par la seule force de leur prédication.
Pour Lutte Ouvrière, on est encore dans les temps. Le trotskisme en tant que courant constitué n’a pas cent ans et Lutte ouvrière existe, sous des noms différents, depuis  1939. Jésus avait compris que le christianisme n’était pas réalisable dans un seul pays, c’est aussi ce que croyait Trotski contrairement à Staline. Et de vraiment trotskiste, comme organisation, il ne reste de visible  en France que Lutte Ouvrière. Le NPA s’est sociétalisé et ses meilleurs militants sont partis au Front de gauche par vagues successives.
Les gardiens du Temple sont donc à Lutte Ouvrière. Aujourd’hui, quand on écoute le discours de Nathalie Arthaud, on entend bien que ni le sociétalisme, ni l’électoralisme ne passeront par eux. On a toujours un peu l’impression que Mélenchon a découvert tout à fait récemment qu’il était impossible de composer avec le capitalisme sinon on finissait social-démocrate, puis social-libéral, puis libéral. Nathalie Arthaud, et avant elle Arlette l’ont toujours su. « La sauce de Mélenchon est un drôle de mélange qui concilie la prise de la Bastille avec une candidature au poste de Premier ministre » tonne la porte-parole de LO. Reconnaissons que ce n’est pas forcément faux. Puis elle enchérit sur Hollande : « Hollande, pour faire du zèle vis-à-vis du patronat, a décidé d’enseigner l’esprit d’entreprise aux collégiens, et bien il ferait mieux de leur apprendre la condition des chômeurs, parce que c’est ça qu’il réserve à la jeunesse ! ».
On va dire qu’elle se trompe de cible ? Si peu… Les 30 000 militants réunis à la fête de LO par un dimanche pré-ère glaciaire n’ont pas besoin d’attaquer la droite car cela va de soi. On peut se méfier des cousins éloignés qui dilapident l’héritage, pas de ceux qui n’en veulent pas ou qui cherchent à le détruire.
Finalement, la chose la plus juste à mon humble avis que j’ai lu sur la question du mariage gay, c’était un communiqué LO de janvier 2013 : « Les militants révolutionnaires, dont ceux de Lutte Ouvrière, qui combattent le capitalisme et la société bourgeoise, ne peuvent que combattre en même temps cette institution bourgeoise qu’est le mariage, et cela même si dans la société actuelle elle peut constituer une relative protection, notamment pour la femme et les enfants. Ils défendent l’union libre des couples, qu’ils soient hétéro ou homosexuels, et celle-ci deviendra sûrement la règle dans une société débarrassée de l’exploitation et des préjugés. »
Je me demande pourquoi on n ‘a pas parlé pas comme ça au Front de gauche. Pourquoi on est entré « dans le débat ». Pourquoi on s’est laissé piéger par l’enfumage médiatique alors que le mariage est lié au type de société qu’on veut précisément changer. Ils parlent d’union libre, en plus, à Lutte Ouvrière. Le terme sent délicieusement l’émancipation façon années 30 et Union Libre, c’est le titre du plus beau poème d’André Breton, passé au trotskysme par refus du stalinisme  et devenu ami de Léon lui-même :

Ma femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d’éclairs de chaleur
A la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d’étoiles de dernière grandeur.

Ça fait décidément du bien, à un petit cœur rouge comme le mien, d’entendre le discours de Nathalie Arthaud. J’imagine que ce doit être la même chose pour le catho tradi qui a accepté bon gré mal gré Vatican II mais ne peut pas s’empêcher de vibrer quand soudain il tombe sur une messe selon le rite de Saint Pie V…
Après, ma joie retombe.
Je sais pourtant que c’est de l’utopie, qu’il vaut mieux miser sur une révolution par les urnes. Mais leur fidélité a de la gueule et même s’ils sont plus jansénistes que tout Port-Royal réuni, les militants de LO, je ne peux m’empêcher d’avoir à leur égard une certaine sympathie pour ce qu’il faut bien appeler leur courage.

*Photo : -ANFAD-.



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