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Lamoureux du peuple


Robert Lamoureux nous a quittés samedi. Né en 1920, chansonnier, acteur de théâtre et de cinéma, scénariste et réalisateur, on peut qualifier ce conservateur de précurseur. Sa Chasse au canard demeure un chef d’œuvre d’humour « en cascade », qui inspire encore nos meilleurs comiques d’aujourd’hui. Avec Mais où est donc passé la septième compagnie ?, premier et meilleur épisode d’une trilogie multirediffusée par la télévision, on peut dire qu’il inventa le docu-fiction tant ce film raconte avec justesse la débâcle de mai 40.

En plus d’être un héros du peuple, et donc un immortel, Lamoureux était aussi une icône du Monde d’Avant. De l’époque où les Français formaient un peuple trousseur et buveur, et disons-le, dominateur et sûr de lui -y compris dans la débâcle, quand tout, mais alors tout, fout le camp.

A défaut de savoir faire la guerre aux Alboches, en ce temps-là nos élites excellaient dans la guerre déclarée aux patois. A Paris, la peur des pauvres (classes laborieuses, classes dangereuses) s’est traduite par une tentative d’éradiquer leurs argots. Le poissard, l’argot des Halles, de ports et du « peuple » parisien des faubourgs s’est mué en « parigot », charmant parler devenu objet folklorique au même titre que l’habit provincial, une fois la menace sur l’indivisibilité de la république levée.

Le cinéma et la culture populaire de l’entre-deux-guerres et de l’après-guerre nous ont laissé quelques vestiges comme le célèbre « atmosphère » de l’Hôtel du Nord ou le moins éternel « rififi ». Robert Lamoureux était le dernier vestige de cette époque révolue, le dernier chaînon fragile d’une tradition remontant au XVIIIème siècle. Les cabarets des années 1940 où Lamoureux a débuté sa carrière gardaient encore quelque chose de ce monde déjà menacé d’extinction par la TSF. La Première Chaine et la Nouvelle Vague lui auront donné le coup de grâce. Quand tout le monde devient un petit bourgeois diplômé, ne subsiste plus ni peuple ni parler populaire subversif et authentique.

Ne reste que le folklore, façon Pierre Perret ou Joey Starr.



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