Kamel Daoud: un «homme révolté» reçoit le Goncourt du premier roman


Paris (AFP) – L’écrivain algérien Kamel Daoud, visé par les intégristes musulmans dans son pays, a reçu mardi le Goncourt du Premier roman, six mois après avoir raté de peu le Prix Goncourt et provoqué un début de polémique.

Il a été récompensé pour son roman Meursault, contre-enquête (Actes Sud), a annoncé mardi le jury qui a également distingué Patrice Franceschi pour son recueil de nouvelles Première personne du singulier (Points) et le poète belge William Cliff pour l’ensemble de son œuvre.

Réflexion sur l’identité algérienne contemporaine, le livre de Kamel Daoud est écrit en miroir du célèbre roman d’Albert Camus L’Etranger (1942). Finaliste du Goncourt à l’automne dernier et battu de deux voix, il a aussi reçu le Prix des cinq continents de la francophonie et le prix François Mauriac.

« Je ne suis pas l’homme d’un seul livre contrairement à ce qu’on croit parce que je pense que cela mène à deux maladies : soit la vanité, soit une guerre de religion », a déclaré Kamel Daoud en recevant son prix mardi à Paris.

Connu pour ses positions libérales et laïques, le romancier de 44 ans, père de deux enfants, qui vit à Oran, avait exprimé publiquement à l’automne dernier sa déception de ne pas avoir été couronné par le plus prestigieux des prix littéraires français.

« Le jury a raté une occasion historique de s’ouvrir vers le reste du monde car dans le Maghreb, ce prix était très attendu et déjà perçu comme un message très lourd de sens » avait-t-il lancé. Une déclaration qui n’avait pas toujours été bien accueillie.

– La corne du taureau –

Journaliste au Quotidien d’Oran où ses chroniques, très lues en Algérie, font souvent débat, Kamel Daoud tend dans ce premier livre virtuose un miroir à « l’Arabe » tué par un certain « Meursault » dans le célèbre roman d’Albert Camus L’Etranger (1942), avec en contrepoint l’histoire et les soubresauts, souvent violents, de l’Algérie contemporaine.

Mais le livre n’est pas le roman d’un Algérien sur Camus, selon l’écrivain. « Je ne suis pas camusien. Je ne voulais pas rester dans le périmètre camusien. Je suis Kamel Daoud, je suis un Algérien, je parle du présent », a dit à l’AFP l’auteur de Meursault, contre-enquête, qui a été en rupture de stock en Algérie et a dû être réimprimé.

Mais l’écrivain est devenu une des bêtes noires des milieux intégristes qui le considèrent comme un apostat. L’activiste Abdelfatah Hamadache Ziraoui a appelé en décembre dernier sur sa page Facebook les autorités algériennes à condamner Kamed Daoud à la peine capitale et à l’exécuter en public. Le parquet, en revanche, n’a pas déposé plainte ni pris depuis aucune mesure.

« Vous vous exposez à la corne acérée du taureau, le taureau au front bas, pieux, bête et méchant et vous êtes sur sa liste noire. C’est tout à votre honneur et c’est à l’honneur de la littérature », a dit Régis Debray en annonçant le choix du jury.

« Je crois que vous n’êtes pas un homme de bonne composition, je crois que vous êtes plutôt un type de mauvaise humeur, un bon spécimen de ce que Camus aurait appelé l’homme révolté », a-t-il ajouté.

« Vous avez rapatrié L’Etranger dans votre culture, vous avez fait de Camus un indigène à part entière (…). Votre contre-enquête algérienne, nous allons la rapatrier à notre tour dans le trésor de la littérature », a encore dit Régis Debray.

Kamel Daoud Prix Goncourt du premier roman

*Photo : © AFP THOMAS SAMSON



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