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Je suis con, la RATP parle dans ma tête


Je suis con, la RATP parle dans ma tête

Depuis un mois ou deux, la RATP a lancé une éprouvante « campagne pédagogique pour aider à la régularité du trafic ». Les vitres des métros et des RER se sont ainsi recouvertes d’une lèpre pimpante d’ »info-bulles », de chiures multicolores, d’étiquettes adhésives en forme de bulles de bande-dessinée, sur lesquelles les prétendus « usagers » peuvent lire ces slogans qui font désormais partie de leur désespoir quotidien : « Préparer ma sortie facilite ma descente », « Les portes s’ouvrent, je laisse descendre », « Retenir les portes, c’est retenir le métro », « Au signal sonore, je m’éloigne des portes » ou encore « Une seconde perdue en station = du retard sur toute la ligne ». De manière à peu près contemporaine, des saloperies pédagogiques ont également envahi les bus de la ville qui a été un jour Paris.

Ces campagnes d’infantilisation publique généralisée n’ont pour l’heure suscité la création d’aucun collectif « Adultes en colère » ou « Ztop l’infantil ». La discrimination permanente contre les adultes laisse également absolument indifférente notre bonne vieille Halde. Seuls le talentueux Matthieu Jung dans Libération et Caroline Constant dans L’Humanité ont épinglé avec humour ces « stickers » maléfiques, ces outrageants bubons.

Mais la violence radicale de cette campagne réside avant tout dans sa dégoûtante manière d’employer le pronom « je » à ma place. Non contente de broyer régulièrement ses « usagers » physiquement, la RATP désire à présent les broyer aussi logiquement, symboliquement. Les faire entrer en fusion avec ses décourageantes chansonnettes citoyennes. Personnellement, je suis contre l’abolition de la frontière entre la RATP et moi. Je ne l’autorise pas à me tutoyer, moins encore à me jejoyer.

Tout ça me donne envie de coller quelques « stickers » sur le crâne des communicants délirants de la RATP : « Je ne dis pas je à la place des autres », « Mes lapalissades, je me les fous au cul », « Je ne parle pas aux adultes comme à des enfants », « J’arrête d’être cool, sympa et fun ». Si on continue comme ça, les policiers crieront peut-être bientôt à ceux qu’ils s’apprêtent à arrêter : « Je lève les mains, je me rends ! » On en conviendra, cela pourrait prêter à certaines fâcheuses confusions.

Pour tous les adeptes d’une « résistance citoyenne » à l’infantilisation et aux innombrables « incivilités » de la RATP, une bonne nouvelle, tout de même : la charmante petite pointe de ces bulles de bande-dessinée permet de les décoller avec une facilité admirable. Car, en plus, ces gens-là sont bourrés de sens pratique.

Mai 2009 · N°11

Article extrait du Magazine Causeur



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