Un Dieu odieux pour le meilleur et pour le pire


Un Dieu odieux pour le meilleur et pour le pire

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Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi lorsque vous venez à peine de plonger dans l’eau délicieusement chaude de votre bain, la sonnerie du téléphone retentit ou pourquoi lorsque vous faites malencontreusement tomber votre tartine, elle tombe toujours à l’envers, du côté de la confiture ou encore pourquoi, lorsque vous faites vos courses, la file d’à côté va plus vite que la vôtre, bref pourquoi tous ces petits désagréments se répètent inlassablement dans votre quotidien?

La réponse est en ce moment sur les grands écrans. Dans Le tout nouveau Testament, le nouveau film de Jaco Van Dormael, le cinéaste belge s’amuse à torpiller l’image d’Epinal du bon vieillard à la barbe blanche en mettant en scène un dieu pouilleux comme un clodo, vêtu d’une robe de chambre crasseuse, fumant clopes sur clopes, carburant à la bière et concoctant non pas les Dix Commandements, qui fondent le « vivre ensemble ». Il préfère nous montrer un Dieu concoctant une foule d’emmerdements qui gâchent l’existence de 7 milliards de mortels. Et ce n’est pas dans les cieux éternels peuplés d’anges et d’âmes pures que ce Dieu malfaisant habite mais à Bruxelles au dernier étage d’une immense tour désaffectée où l’atmosphère est humide et cafardeuse. C’est là où il vit avec son épouse qu’il traite comme sa femme de ménage et sa fille qu’il n’hésite à battre au moindre signe de rébellion. Ce tyran phallocrate et misogyne est donc bien loin du Dieu des philosophes pour qui Dieu, étant tout puissant et nécessairement parfait, ne peut être méchant et donc imparfait sauf à renoncer à ce qu’il est…

Le cinéaste n’est pas dans le questionnement métaphysique mais le détournement ironique. Pour ce Dieu, interprété à la perfection par un Benoit Poelvoorde très en forme, la loi de l’amour inconditionné « Aime ton prochain comme toi-même »se renverse en une loi de haine universelle « Déteste ton prochain comme toi, tu te détestes ».Quant à son fils, il n’éprouve que du mépris car loin d’avoir incarné son Verbe, il l’a falsifié. « Il est parti en sucette, tout ce qu’il a réussi à faire c’est de se faire clouer sur un cintre comme une chouette! » lance-t-il deet un prêtre complètement abasourdi par cet être abjecte qui blasphème à chaque parole prononcée. Devant ce Dieu odieux diaboliquement sadique, devant ce vrai salaud qui crée l’humanité non par amour mais par haine, non pas pour la sauver mais pour lui pourrir la vie, le spectateur oublie que la religion est source de tensions  et rigole franchement.

 

Mais de ce rire de soulagement on passe malheureusement à un râle d’agacement et la dérision jubilatoire s’éclipse bien rapidement devant l’irritant conformisme de la morale Bisounours dégoulinante de bons sentiments qui veut que c’est l’Enfant qui sauve le monde.

 

Mais voilà que la fille de Dieu veut autant le Bien que son père veut le Mal. Alors pour se venger de la tyrannie de son père et le punir de sa méchanceté, elle décide d’envoyer les dates de décès au monde entier et part à la recherche de six autres apôtres pour écrire le tout nouveau testament destiné à changer le cours des choses. Du coup le jeu de Poelvoorde est escamoté par un scénario mièvre alourdit par une accumulation de situations ridicules où l’on rencontre une Catherine Deneuve qui s’adonne à ses penchants zoophiles en tombant amoureuse d’un gorille ou encore l’épouse de Dieu jouant les bobonnes complétement nigaudes vouant un culte aux fleurs et aux joueurs de quarterback. Mais c’est surtout la fin du film qui déçoit le spectateur auparavant réjoui de la mal-pensance du début. Le coté irrévérencieux disparait au fil de la pellicule et Jaco Van Dormael cède aux sirènes du conformisme contemporain où le Bien est toujours du côté des femmes, du sans frontiérisme, du transgenre.

On voit donc le patriarcat despotique terrassé par un matriarcat bienveillant, l’univers sinistre et menaçant, soumis aux injonctions contraignantes du Père, remplacé par un monde édulcoré où le champ des possibles s’agrandit selon les désirs de la Mère.

L’humanité émancipée, n’étant plus conditionnée par les lois de la pesanteur ni les lois biologiques, c’est l’accomplissement du grand rêve de l’émancipation libertarienne. Les hommes tombent enceints comme leurs femmes, les gens se promènent sous l’eau comme les poissons et marchent sur les façades des immeubles comme Spiderman. Plus question de différence des sexes, de frontières naturelles, de limite quelle qu’elle soit dans ce pays des merveilles…

On aurait aimé que Jaco Von Dormael dans Le tout nouveau Testament filme la suite pour savoir si cette harmonie transhumaniste ne se retournerait pas en un vrai cauchemar apocalyptique où les gens, plongé dans le cocon confusionniste, n’ayant plus ni père ni  repère, deviendraient dingues, ne sachant plus vraiment qui ils sont.

 

Le tout nouveau Testament de Jaco Van Dormael, en salles depuis le 2 septembre.



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