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livre de poche

Le Livre de Poche fête ses 60 ans. C’est en février 1953 qu’Henri Filipacchi, alors secrétaire générale de la librairie Hachette, a lancé cette collection à succès. Les chiffres donnent le tournis : 5 200 titres enregistrés au 31 décembre 2012, plus d’un milliard de volumes diffusés, des pointes à plus de 5 millions d’exemplaires pour Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier et un objectif atteint : « démocratiser la lecture ». Depuis le Numéro 1 de la série, Koenigsmark de Pierre Benoit vendu au prix de 2 francs, le Livre de Poche a rempli sa mission première : faire passer les Français pour de grands lecteurs à la face du monde. 
À tort ou à raison, le Français passe encore à l’étranger pour un petit intello sûr de lui, dégoulinant de savoir et de références littéraires. On nous nargue sur notre balance commerciale déficitaire, on nous charrie sur nos voitures aux performances modestes, on se moque de notre fonction publique pléthorique, on nous bassine avec notre manque de compétitivité atavique, mais sur les livres, pas touche ! On est les champions de la bibliothèque. Ce miracle de la brillantine culturelle, on le doit au Livre de Poche. Pour une somme modique, un Stendhal dépassant légèrement de la poche d’un imperméable, on emballait de l’Anglaise, de la Suédoise et de l’Allemande à tour de bras. C’était un temps où un Morand lu en diagonale valait toutes les rosettes et les Rolex. Ces manœuvres honteuses nous ouvraient les portes de la Communauté européenne à peu de frais. Mystère des lettres et des corps.
Les européennes se pâmaient à la vue de ces couvertures colorées qu’on laissait traîner un peu partout, dans les transports en commun ou sur nos lits d’étudiants. Elles devenaient folles, incontrôlables, quand apparaissait un Livre de Poche à l’enseigne d’Aragon, Bernanos, Chateaubriand, Claudel, Prévert ou Rimbaud. Merci Monsieur Filipacchi, grâce à votre idée de génie, compacter les Classiques, la littérature française s’est formidablement bien exportée. Vous avez, en outre, facilité tant d’échanges internationaux. Les jeunes hommes que nous étions ne l’oublieront pas de sitôt. Aujourd’hui que nous sommes moins souples, les Livres de Poche continuent de nous fasciner pour d’autres raisons. Ils nous renseignent sur les modes, les gloires du passé, ces auteurs autrefois encensés qui dorénavant se serrent la ceinture dans les caisses des marchands de livres d’occasion. Les Archibald Joseph Cronin, Pierre Nord, Pearl Buck, Daniel Rops, Han Suyin, Charles Plisnier, Armand Lanoux, Jean de la Varende, Marguerite Audoux, Georges Duhamel ou l’indétrônable Henri Troyat sont-ils encore lus de nos jours ?
Et puis, certains Livres de Poche fonctionnent comme des amulettes. On ne pourra jamais se séparer de nos numéros fétiches juste pour le plaisir des yeux. Ma combinaison gagnante : le 649, Aphrodite de Pierre Louÿs, le 2130 La Mandarine de Christine de Rivoyre, le 3230 Les pas perdus de René Fallet, le 2142 Paris est une fête d’Hemingway et le 2105 Le mépris de Moravia. Alors, longue vie au Livre de Poche.



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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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