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François, reviens, tout est pardonné !


François, reviens, tout est pardonné !

Quiconque prétend qu’on peut sauver les « quartiers difficiles » avec autre chose que des mesures de guerre civile ou de Salut public est un escroc et un ennemi du peuple. Je suis partisan de classes de dix élèves maximum à La Courneuve, à Vénissieux ou à Ris-Orangis. D’y envoyer obligatoirement pour deux ou trois ans, tous les agrégés de France, ainsi que des bataillons d’enseignants volontaires et surpayés. D’y tripler les bourses et de les conditionner aux résultats scolaires des élèves. D’en bannir définitivement la méthode globale et toutes autres saletés pédagogistes destinées à transformer les enfants pauvres en adultes idiots.

Autant dire que n’ai vraiment pas aimé Entre les murs. Pas aimé le livre. Encore moins le film. Et je ne vous parle même pas du déluge de gluanteries haldocompatibles qui ont suivi la Palme d’or attribuée à l’infomercial centre-gauche de Laurent Cantet. Bref, je ne suis pas peu fier de collaborer au seul média qui ait eu le courage de purger définitivement la question, notamment sous la plume alerte de notre boss bien-aimée.

Pourtant, je n’ai jamais vraiment réussi à détester François Bégaudeau. Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’il a une bonne gueule de beau gosse, agrémentée d’un sourire narquois et d’une fichue paire d’yeux moqueurs. Toutes choses qui en font un cas un peu à part dans la littérature française contemporaine, qui non seulement héberge en son panthéon le plus gros bataillon d’écrivains merdiques de la planète, mais aussi nombre des plus laids.

Je sais que ce critère peut paraître contestable voire déplorable, mais testez-le et vous verrez qu’il est bien plus valide que trente tomes de grilles d’analyse de Roland Barthes. Cherchez sur le net une photo d’Echenoz, de Jaenada, de Jourde, de Chevillard, de Mérot, de Sempé, de Ravalec, de Marignac, de Quadruppani, de Duteurtre, de Joncour, de Sureau, de Tison , de la belle Joëlle Jolivet ou encore de la sublime Jacqueline de Romilly : ils ont, sans exception, de beaux visages francs d’humains avec qui vous seriez ravis de boire un verre et si possible plusieurs. Ce sont tous de bons écrivains.

Procédez ensuite au même test avec Marc Lévy, Dan Frank, Guillaume Musso, Charles Dantzig, Alain Minc, Daniel Pennac, Marc Lambron, Vivianne Forrester, et je ne vous parle même pas de Josyane Savigneau : vous voyez bien que ma thèse se défend…

D’autres indices avaient attiré mon attention sur l’indétestabilité foncière du Bégaudeau, quels que fussent les crimes commis en son nom. A commencer par son intention affichée d’utiliser ses (colossaux) droits d’auteur pour sauver du naufrage son club de foot favori, le FC Nantes. Ça vous a quand même plus d’allure que de faire un chèque aux Enfants de Don Quichotte devant deux cents caméras de télé ou d’assurer son autopromo sous couvert des Restos du Cœur.

Ou peut-être ai-je révisé mon jugement depuis son agression caractérisée contre ce (censuré) d’Onfray chez Picouly ? Peut-être le Christ en rajoutait-il un peu dans l’électoralisme en expliquant : « Qui n’est pas contre moi est avec moi » ; n’empêche, le respect est dû à celui qui a osé se foutre ouvertement de la gueule d’Onfray sur un plateau de télé, démasquant en une ou deux vannes sèches le clergyman athéiste déguisé en lutin dionysiaque. Une agression d’autant plus réjouissante, que derechef, Bégaudeau réserve le même traitement de faveur à Pierre Assouline, agrémenté de réjouissantes attaques néopoujadistes au second degré, mais néanmoins sous la ceinture, genre : « On vous paye cher pour écrire ça ? » Rien qu’à voir la mine outrée du surgé des Lettres, on se dit que Sylvain Gouguenheim (contre qui Assouline raconta maints mensonges et insanités) est un peu vengé, et ça aussi c’est très très bien.

Incidemment, on ne pourra s’empêcher de rapprocher ce grand moment de télévision d’un autre, quasi-concomitant, qui vit le hachage menu de Pierre Bergé par Eric Naulleau et que l’ami Basile avait raconté avec gourmandise dans Valeurs Actuelles.

Et je ne pourrai m’empêcher de penser que ces caillassages télévisuels répétés contre des Goliath supposés intouchables augurent de temps meilleurs. Frondeurs, Causeurs, même combat ! L’année, sera bonne !

Pour tout cela, il sera donc beaucoup pardonné à Bégaudeau. Mais pour aller jusqu’à l’amnistie, il fallait plus, et mieux. Car nous avons hélas affaire à un récidiviste. Dans Fin de l’Histoire (2007) consacré à Florence Aubenas, n’avait-il pas fait de son insupportable idole un mélange sublimé de Jeanne d’Arc et de Danielle Casanova, qui « a porté à la lumière l’émancipation en cours ici et maintenant ». Une faute de goût d’autant plus impardonnable que Bégaudeau avait lui-même entrevu la vérité puisque ailleurs dans le livre, il ramène – involontairement, certes – Florence à sa juste place en la qualifiant de « précipité de modernité ».

Mais tout ça c’est du passé. Finalement, ce plus et ce mieux qui lui vaudront ma grâce inconditionnelle, c’est le texte fabuleux que Bégaudeau vient de publier, sur le site officiel des Wampas, donc du meilleur, du plus intègre, du plus joyeux et du plus subversif de tous les groupes français, à propos de leur album Les Wampas sont la preuve que Dieu existe qui doit sortir le 19 janvier.

Parler de rock n’roll est chose très délicate, en parler bien, s’entend. Moi-même, alors que je n’écoute que du rock depuis une quarantaine d’année, je ne m’y aventure pas, ou alors pour faire un commentaire technique ou informatif sur ILYS, chez Woland ou chez Beboper. Je serais bien incapable de vous restituer par écrit un millième de ce que ressens à l’écoute du Commando des Ramones ou de vous expliquer pourquoi depuis une semaine, j’écoute plein pot et en boucle (100 à 200 fois par jour, donc) le Toop Toop de Cassius, sans même y être obligé par un G.O. du Club Guantanamo.

Donc parler bien de rock n’roll, en restituer à la fois la dynamique et l’essence mystique, Bégaudeau y arrive tout à fait bien. Pas encore aussi bien que Nick Tosches ou Hunter S. Thompson, mais à l’impossible, nul n’est tenu, surtout en France. Mais quitte à en choquer certains, je trouve qu’il en parle beaucoup plus intelligemment qu’un Grail Marcus ou qu’un Nick Kent qui ne savent plus depuis longtemps remuer leur fesses, donc leurs neurones. Et ne lui ferais pas l’affront de le comparer à Amanda Sthers, ex-épouse Bruel, ou à Michel Bon qui ont dû dégoûter plus d’un néophyte d’écouter un jour les Stones. (Des sources fiables m’ont affirmé que le Led Zeppelin de François Bon était de bien meilleure facture, on en reparlera peut-être après vérification.)

Pour vous rendre compte que je n’exagère pas, le mieux est de lire le texte de Bégaudeau sur site. Pour vous donner une idée de sa classe internationale, en voici deux extraits.

L’intro : « Les Wampas sont la preuve que dieu existe. Avec un titre pareil, les Wampas ne sont devenus ni complètement mythos, ni complètement clowns. Ils continuent à être les deux. Le rock, c’est les deux, fierté et auto-dérision. Pour en écouter puis en jouer, il faut se sentir à la fois une merde et un dieu. À la fois personne et quelqu’un. Personne quand dans votre chambre adolescente vous dansez sur vos idoles, quelqu’un quand c’est votre tour d’y aller. »

Et la conclusion : « Avec Didier, crooner et pétasse, mâle et femelle, tout commence et finit par des hou-hou-hou qui réconcilient tout le monde. Le rock des Wampas (pléonasme ?) est une sortie de l’impasse par le haut. Chaque chanson un petit miracle. Chaque chanson la preuve que l’amour existe. »

Dieu que c’est beau, bien vu, et bien dit.

Bref, le seul motif de haine (mais il est épais) que j’éprouve désormais à l’encontre du dénommé Bégaudeau, c’est qu’il ait pu écouter avant moi le nouvel album des Wampas.

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