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Quinquennat Macron: le retour des vieilles badernes?


Quinquennat Macron: le retour des vieilles badernes?
Emmanuel Macron et Manuel Valls, avril 2015. SIPA. AP22033526_000001
Emmanuel Macron et Manuel Valls, avril 2015. SIPA. AP22033526_000001

Le nouveau président de la République l’a promis. Et le 7 mai, le directeur de la campagne numérique d’Emmanuel Macron, Mounir Mahjoubi, 33 ans, l’affirmait sur le plateau de France 24 : « Soyez prêts à voir de nouveaux visages. Nous allons changer la vie politique ». Trois jours plus tard, les navires LR et PS semblent tanguer. Chez certains caciques des deux rives, la tentation est souvent forte de basculer du côté d’En Marche!, nouvellement renommé La République en marche.

Mounir Mahjoubi, un visage neuf sur les plateaux de télévision. Il ne débute pourtant pas en politique. Membre du PS, Mounir Mahjoubi fut avec Thomas Hollande le concepteur du site Segosphere.net en 2007 avant de piloter la conception du site web de la campagne Hollande de 2012. Nommé président du Conseil national du numérique par François Hollande début février 2016, il quitte cette fonction en janvier 2017 et rejoint le candidat Macron. Ségolène Royal, François Hollande, Emmanuel Macron. Mahjoubi a été investi à Paris pour les législatives. Face au Premier secrétaire du PS, Cambadélis. Et son cas est loin de faire exception.

L’assiette au beurre

Nul ne peut nier qu’En Marche! a propulsé des figures nouvelles dans les studios. Nous étions tant habitués aux mêmes têtes que la moindre bouille inhabituelle fait figure de perdreau de l’année. Des visages neufs ? Pour le public. Les « macronistes » sont rarement si nouveaux que cela en politique. À l’image de Mounir Mahjoubi, ils proviennent de la sphère du PS. En Marche! brise le carcan des anciens PS, accrochés aux manettes du pouvoir. Le 8 mai 2017, un article de Guillaume Gendron présentait les « nouveaux visages promis par En Marche! », dans Libération. Les plus connus ? Richard Ferrand, Christophe Castaner et Benjamin Griveaux. Les deux premiers sont députés PS. Le dernier, proche de Montebourg, a conseillé Marisol Touraine durant trois ans. Catherine Barbaroux, présidente par intérim d’En Marche!, secrétaire ajointe du groupe PS-MRG à l’Assemblée nationale en 1975, elle a travaillé dans les ministères de Martine Aubry, Élisabeth Guigou, François Fillon ou Jean-Louis Borloo. Un autre proche du président ? Éric Halphen, le retour.

Des figures (apparemment) plus neuves

D’autres, moins connus, commencent à faire la tournée des popotes : ainsi, Sacha Houlier, Laetitia Avia-Beguinet et Christophe Itier, en provenance du PS. Seule Aurore Bergé, très présente sur les plateaux de télévision, dépareille : venue des Républicains, elle a dirigé la campagne numérique d’Alain Juppé durant les primaires de la droite. Alain Juppé qui rejette la ligne Baroin, pour qui rejoindre Macron vaut exclusion.

Des visages neufs qui traînent dans de vieux couloirs. Comme le président de la République. En Marche! peut être perçu comme une OPA interne au monde du PS tendance libérale. Et dans le premier cercle du président ? Ismaël Emelien, entré en politique auprès de DSK, Alexis Kohler, membre du cabinet de Moscovici, Jean-Marie Girier, ancien chef de cabinet de Colomb à Lyon, Sibeth Ndiaye, ancienne secrétaire nationale chargée de la petite enfance au PS ou Stéphane Séjourné, membre du cabinet de Huchon. Parmi d’autres. Beaucoup flirtent du côté de la Fondation Jean Jaurès. PS partout, nouveauté nulle part? La réponse est-elle dans ces mots d’Arnaud Leroy, porte-parole de Macron, au sujet du ralliement de Valls ? « Il y a un DRH qui s’appelle le président de la République. » 

Un éléphant, ça trompe énormément mais ça résiste

« Ce n’est pas parce que la situation est difficile qu’on doit quitter sa famille politique », a déclaré une proche de Manuel Valls hier, après la proposition de services de ce dernier en direction de La République en marche!. Valls veut se présenter sous la bannière présidentielle. Le mouvement de Macron rechigne un peu mais l’accueil de Valls risque fort de se dessiner. Une question de communication. Si besoin, la start-up La République en marche! saura faire. Même si Benjamin Griveaux, ancien vice-président PS du Conseil départemental de Saône-et-Loire, assure que « la règle est la même pour tous ». On lui demande de « s’inscrire comme tout le monde sur internet ». Après tout, Valls a appelé à voter Macron dès avant le 1er tour. Cela aurait « pesé » dans les résultats. Valls est-il Macron compatible ? L’avenir le dira. Il a franchi le Rubicon. Tout comme Ségolène Royal, que le candidat Macron appelait « Ségolène » lors de son dernier meeting. Ou encore Malek Boutih.

Et à droite?

Ils ne sont pas les seuls. François Bayrou, qui n’y croyait pas sur BFM TV en septembre 2016, est aussi de la partie. « François » est monté dans le bon train au bon moment.

Ce n’est pas si fréquent. Ses nouveaux habits lui vont comme un gant. Des vêtements brigués par d’autres : Bruno Le Maire, qui déclarait dès le soir de l’élection qu’il était « prêt à travailler avec Macron », Christian Estrosi, qui a montré sa proximité avec le candidat durant la campagne avant de démissionner de la présidence de la région PACA, comme un signe à l’intention du président, NKM, Geoffroy Didier, ancien co-fondateur de la Droite Forte alors proche de Sarkozy, pour qui « sa génération doit imposer de nouveaux comportements, loin des vieilles pratiques et vieux réflexes de ceux qui l’ont longtemps dirigée », Xavier Bertrand, Alain Juppé, que l’on sent enclin à ne pas entrer en opposition frontale, ou Édouard Philippe, pressenti pour Matignon.

Des éléphants de droite comme de gauche essaient de garder les mains posées sur l’assiette au beurre. Les Républicains, officiellement, préféreraient une cohabitation. En creux, nombre de cadres espèrent la nomination d’un Premier ministre LR-compatible. D’autant plus que nombre de cadres locaux peuvent aussi être tentés par l’aventure. Après tout, au sein de La République en Marche combien sont réellement aptes à exercer un mandat de député ?

Libéraux de tous les partis…

Emmanuel Macron l’a annoncé : il veut rénover la vie politique française, tant en ce qui concerne les pratiques que les visages. Un malentendu ? Peut-être fait-on du neuf avec de l’ancien ? L’avenir proche le dira. Une chose semble certaine : les libéraux des deux rives semblent en situation de travailler ensemble, et cela suffirait à clarifier la vie politique française. À défaut de la rénover. Que les libéraux des deux rives, venus de gauche comme de droite, travaillent ensemble et que cela conduise les autres courants politiques du pays à se repositionner ? Chiche !

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Matthieu Baumier est l'auteur d’essais (<em>L’anti traité d’athéologie,</em> Presses de la Renaissance, 2005 ; <em>La démocratie totalitaire. Penser la modernité post-démocratique,</em> Presses de la Renaissance, 2007 ; <em>Vincent de Paul,</em> Pygmalion-Flammarion, 2008) et de romans (<em>Les apôtres du néant,</em> Flammarion, 2002 ; <em>Le Manuscrit Louise B,</em> Les Belles Lettres, 2005). Il collabore à <em>La Revue des Deux Mondes.</em>

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