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Dieudonné : «Je n’ai absolument aucun remords»


Dieudonné : «Je n’ai absolument aucun remords»

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Avouons-le, le 16 janvier, en partant interviewer Dieudonné dans son quartier général, un bâtiment sans charme situé dans un village d’Eure-et-Loir, nous éprouvions l’agréable frisson de la transgression, tout en nourrissant vaguement le fol espoir de le ramener à la raison et à la maison communes. Peut-être allait-il nous dire que oui, il avait franchement déconné et qu’il voulait sincèrement sortir de la spirale haineuse dans laquelle il s’est enfermé depuis dix ans. Autant le dire d’emblée, le miracle ne s’est pas produit. Nous l’avons questionné honnêtement, sans essayer de le piéger. Il a joué le jeu, sans chercher à se défausser par de grosses blagues et des pirouettes.

Du reste, il semblait plutôt embarrassé. Mais sur le fond, il n’a rien lâché, confirmant ce que nous savions. Dieudonné n’est certainement pas un imbécile, mais un antisémite qui ignore ce qu’est un juif et un antisioniste qui n’a pas une traître idée de ce qu’est le sionisme. Dans ces conditions, on peut se demander l’intérêt de publier ce texte. Tout d’abord, il était normal de donner la parole au principal protagoniste de la polémique dont tous les médias ont abondamment parlé. Par ailleurs, il s’agit, nous semble-t-il, d’un document d’intérêt général car il s’exprime sans qu’il puisse y avoir la moindre ambiguïté sur la nature, humoristique ou pas, de ses propos. Si l’atmosphère était courtoise, nous n’avons pas beaucoup ri. À défaut d’avoir été les agents de sa conversion (à l’humanisme, pas au judaïsme) nous espérons contribuer à éclairer ses admirateurs.

NB : Cet entretien lui a été envoyé pour validation. Il n’en a pas changé un mot, mais n’a pas eu le temps, malheureusement, de répondre aux questions complémentaires que nous avaient suggérées ses dernières péripéties, judiciaires et financières.

 

Causeur. Le Conseil d’État a ordonné, en référé, l’interdiction de votre spectacle « Le Mur » car, selon lui, il constitue une menace de « trouble à l’ordre public ». Comprenez-vous cette décision ?

Dieudonné. Manuel Valls a dit qu’il ne croyait pas aux « remords de Dieudonné ». Mais soyons clairs : je n’ai  absolument aucun remords, puisque les juges n’ont pas encore tranché sur le fond. Je vous rappelle que, peu avant cette décision, le tribunal administratif de Nantes m’avait donné raison. Je compte jouer le jeu de la Justice et épuiser tous les recours possibles. « Le Mur » est quand même le premier spectacle comique à être interdit : cela crée un grave précédent dans l’histoire de ce pays ! La Cour européenne des droits de l’homme aura son mot à dire, d’autant  que cette instance a déjà condamné la France plusieurs fois. Cependant, j’ai pris acte de la décision du Conseil d’État, et j’ai décidé de jouer un autre spectacle, « Asu Zoa ».

En attendant que la question soit tranchée au fond, le jugement en référé vous somme de retirer les DVD de la vente. Vous y soumettrez-vous ?

Pour le moment, je ne fais que des préventes de DVD et j’attends le jugement définitif pour décider des livraisons.

Avez-vous joué « Le Mur » en Suisse ? Comptez-vous le faire dans d’autres pays où l’ordonnance du Conseil ne s’applique pas ?

Non, j’y ai joué mon nouveau spectacle, « Asu Zoa ». Mais j’en prépare un autre pour juin, qui reviendra sur tout ce qui m’est arrivé ces dernières semaines. Mon  « affaire » a  mis le doigt sur des problématiques essentielles : les limites de la liberté d’expression et la question de la dignité. Un vrai débat s’est ouvert. C’est une aventure intéressante pour l’humoriste, pour l’homme et pour le citoyen.

Vous parlez de « dignité ». Vous n’avez jamais pensé que vous étiez allé trop loin ? Vous ne vous êtes jamais dit : « Là, Dieudo, tu as un peu déconné » ?

Certes, il m’arrive de faire des saillies plus piquantes que d’autres. En plein scandale Dieudonné, des Femen pissaient dans une église. Je fais ce métier du rire depuis plus de vingt-cinq ans. Heurter, choquer, c’est notre métier. On peut en parler. Si certaines choses ne font pas rire tout le monde, doit-on les interdire pour autant ? Ça ne va pas être facile parce que chacun a sa morale, donc ses interdits.

Certainement, mais la loi est la même pour tous.

En tout cas, ce n’est pas la même tout le temps ! Alors que j’ai joué ce spectacle des centaines de fois depuis juin, la polémique a commencé après le discours de Manuel Valls à l’université d’été du Parti socialiste. Pourquoi s’est-il focalisé sur ma petite personne ? Y trouvait-il un intérêt politique, à quelques mois des élections ? Je vous rappelle que, contrairement à Valls, je suis inéligible et je ne fais pas de politique !

D’abord, vous en avez fait et nous y reviendrons. Ensuite, si vous êtes inéligible, c’est parce que vous avez été condamné, non ? Donc, ne faites pas le naïf : vous savez bien que votre petite phrase contre Patrick Cohen a saisi d’effroi des millions de Français, dont nous. Et vous savez pourquoi.

Ce que je sais, c’est que le scandale est parti d’images volées et diffusées hors contexte par BFMTV et « Complément d’enquête ». Lorsque je dis sur scène, à propos de Patrick Cohen : « Quand je l’entends parler, je me dis : effectivement, les chambre à gaz… dommage… », je ne fais que répondre à ses insultes puisqu’il m’a traité de « cerveau malade » !

Mais justement, vous auriez pu vous moquer de lui de mille façons, en vous demandant s’il est « neurologue l’après-midi », comme vous le faites dans le nouveau spectacle. Mais c’est immédiatement à sa qualité supposée de juif que vous vous en êtes pris…

Mais traiter un Noir de « cerveau malade », c’est aussi un stéréotype raciste non ?

Non…

Ceci étant, si certains ont été heurtés ou se sont sentis agressés par certains de mes propos, je m’en excuse le plus sincèrement du monde. Je ne cherche pas à créer de la souffrance chez les autres. Et même si c’est douloureux, il faut remettre tout cela dans son contexte : on parle de blague, pas de gens qui se tapent dessus !

Eh bien justement, parlons d’autre chose que de blagues. Vous revendiquez un droit à la transgression illimité au nom de l’humour, et nous ne trancherons pas cette question ici. Aussi allons-nous nous intéresser aux propos du citoyen, voire du militant Dieudonné. Quand vous êtes interrogé à la télé iranienne, que vous faites un parti antisioniste ou que vous vous exprimez sérieusement dans vos vidéos, ce n’est pas l’humoriste qui parle. Ne tournons pas autour du pot : êtes-vous antisémite ?[access capability= »lire_inedits »]

Non, et je l’ai déjà dit sur scène. Je ne me sens pas du tout antisémite. Je n’ai absolument aucune haine particulière vis-à-vis du peuple juif, mais aucune attirance non plus.

Aucune attirance, peut-être, mais un intérêt qui vire à l’obsession. Vous voyez des juifs derrière tous les problèmes du monde. Et vous avez déjà été condamné pour des propos jugés antisémites…

D’abord, je n’ai jamais été condamné pour antisémitisme. Jamais. Pour une raison simple : l’antisémitisme n’est pas un délit, c’est l’incitation à la haine qui en est un. Sur le plan juridique, il est impossible de définir l’antisémitisme.

Vous faites dans le raisonnement talmudique ? Allons, vous savez très bien qu’en droit français, l’expression de l’antisémitisme relève de l’injure raciale. Et en 2007, la Cour de cassation vous a reconnu coupable d’injure raciale pour avoir assimilé les juifs à une secte et à une escroquerie…

C’était il y a très longtemps. Et je critiquais le judaïsme, pas les juifs. Beaucoup de juifs antisionistes me soutiennent. Ils sont antisémites, eux aussi ? Attention aux amalgames ! Dire « les juifs » comme « les Noirs », cela n’a pas beaucoup de sens.

Dans ce cas, que signifient vos élucubrations assimilant judaïsme, juifs et sionisme. Vous pensez que les juifs jouent un rôle néfaste dans le monde et en France, ou on vous a mal compris ?

Vous ne m’entendrez jamais mettre en cause l’intégralité d’une peuplade, ou d’une secte. Dire que « les juifs » joueraient un rôle néfaste, c’est absurde. Il y a des gens comme Jésus qui naissent juifs et qui vont devenir autre chose, tant mieux pour eux !

Pourquoi « tant mieux » ? Passons. Et il vous arrive de dire « les sionistes », non ? Quoi qu’il en soit, derrière un banquier noir, arabe ou asiatique, vous voyez un banquier. Derrière un banquier juif, vous voyez un juif. Autrement dit, pour vous, certains juifs jouent un rôle néfaste en tant que juifs.

Je ne sais pas s’il existe un lobby juif, mais je sais qu’il y a un lobby pro-israélien, sioniste, qui exerce une influence néfaste, notamment sur  la politique française. M. Roger Cukierman et l’organisation qu’il représente [le CRIF] communautarisent les esprits. Si, pour exister à l’intérieur de la République, chacun doit se constituer en groupe, on aura bientôt des conseils représentatifs de chaque communauté…

Mais vous aussi, vous revendiquez vos origines !
Pas du tout ! Je dis simplement que je suis à la fois français et camerounais. Quand je suis au Cameroun, je suis camerounais, quand je suis ici, je suis français. Je n’appartiens à aucun « conseil représentatif ». Et pour cause : les associations représentatives des Noirs en France ne représentent rien du tout. D’ailleurs, que veut dire être noir ? C’est vraiment stupide !

En tout cas, il y a vingt-cinq ans, vous revendiquiez votre identité de métis pour lutter contre le Front national. Pourquoi vous êtes-vous ensuite rapproché de gens que vous trouviez autrefois racistes ?

Ayant grandi dans l’antiracisme de gauche, lorsque je me suis présenté aux législatives à Dreux, en 1997,  avec la bénédiction des milieux du cinéma et de SOS Racisme, je me suis positionné tout naturellement contre le FN.  Depuis, j’ai évolué sans toutefois me rapprocher de personne.

Vous plaisantez ? Jean-Marie Le Pen est quand même le parrain d’une de vos filles !

C’est vrai, mais Carlos Ilich Ramírez Sánchez est le parrain d’une autre. J’assume parfaitement ma relation amicale avec Jean-Marie Le Pen. Depuis mon fameux sketch, chez Fogiel, sur le colon israélien, mon combat contre le racisme m’a amené à me repositionner. C’était il y a dix ans. J’ai dû affronter des réactions hystériques comme je n’en avais observées sur aucun autre sujet. Cela m’a fait comprendre une chose : le sionisme est le dernier espace de racisme hystérique.

Vous ne trouvez pas que c’est un peu lourd à porter d’être la filleule d’un terroriste ? Vous êtes pour le terrorisme ?

Je suis contre le terrorisme, mais vous savez, Mandela aussi était qualifié de « terroriste ». Pour moi, le commandant Carlos est un révolutionnaire, très populaire dans les pays du tiers-monde. J’ai un profond respect pour l’homme qu’il est. Il est vrai aussi qu’il a choisi la lutte armée et la violence, voie que, personnellement, je n’approuve pas.

Revenons à Le Pen. C’est donc l’« antisionisme » qui vous a rapproché de lui ?

Après avoir pris conscience que le racisme et l’antisémitisme étaient des alibis politiques,  j’ai voulu rencontrer le diable Le Pen, l’homme qu’on décrivait comme le Mal absolu. Je lui ai posé des questions sur la guerre d’Algérie, les Blancs, les Noirs. Ses réponses m’ont montré que le vrai Jean-Marie Le Pen n’avait rien à voir avec son image médiatique.

Êtes-vous toujours en contact avec le FN ?

Je n’ai pas de contact avec Marine, mais je garde toute mon estime à Jean-Marie Le Pen. C’est pratiquement le seul homme politique qui m’a soutenu alors que j’étais lynché en place publique.

Alain Soral, qui a aussi été frontiste, est l’un de vos proches. Votre rencontre date-t-elle de votre incursion au FN ?

À peu près. Soral n’a pas la même histoire que moi, mais il fait un travail sur lui-même. Il a compris que les « islamo-bamboulas » n’étaient pas le problème de la France. De mon côté, j’ai compris que le Français de souche n’était pas le problème de la France ! Le seul problème de la France est le mensonge, dont le sionisme est l’une des expressions les plus flamboyantes.

Voilà qui a au moins le mérite de la clarté. Parlons donc du sionisme. À la télévision iranienne, vous avez déclaré que les sionistes avaient tué le Christ. Pour le coup, vous étiez sérieux, mais c’est assez drôle ! Vous n’ignorez pas que le sionisme n’existait pas à cette époque…

Jésus voulait chasser les marchands du Temple. Or, les sionistes sont les nouveaux marchands du Temple. Israël est le seul pays du monde où il y a des bus pour les Noirs et pour les Blancs. Des femmes falashas se sont fait stériliser pour des raisons démographiques, ce n’est pas moi qui le dit !

On ne sait pas d’où vous tenez cette information, ni cette histoire d’autobus. Mais dîtes-nous : qu’est-ce que le sionisme pour vous ?  

Le sionisme repose sur une logique et un esprit d’apartheid qui font le malheur de ce monde.  Israël s’est créé par les armes en s’appuyant sur la culpabilité du monde entier. On a le droit d’aimer cet État fondé sur un racisme absolu mais, personnellement, je n’y foutrai pas les pieds. Regardez ce qui se  passe dans le monde : des pays explosent à cause de cette finance internationale. Et ce sont toujours ces mêmes marchands qui pourrissent la vie des gens sur cette planète.

Nous vous proposons une définition du sionisme : c’est l’idéologie selon laquelle les juifs ont droit à un État-nation sur une partie de la Palestine. Qu’en pensez-vous ?

Bien évidemment, les juifs ont droit à une terre, mais à la même que la nôtre, pas à un État ! Si je suis noir, ai-je pour autant droit à un État noir ? C’est une question fondamentale. Des gens ont le droit de s’entendre à un endroit géographique donné pour se dire qu’ils vont former une nation. Mais ils ne peuvent pas raisonnablement l’imposer au reste du monde. C’est pour cela que le sionisme est un projet ridicule et stupide.

En parlant de ridicule, votre ancien comparse du Parti antisioniste, Yahia Gouasmi, explique  que « derrière chaque divorce, il y a un sioniste » et que le sida a été inventé par le sionisme…

Une femme lauréate du prix Nobel, Wangari Muta Maathai[1. Elle-même est revenue sur ses propos en expliquant qu’il y avait eu une mauvaise interprétation de ses paroles et qu’elle n’avait jamais pensé que le sida avait été fabriqué par l’homme.], a avancé cette même théorie sur le sida. On parle de « théories du complot », mais chacun a le droit de s’exprimer et de remettre en cause les thèses officielles.

Prenons un exemple : les crimes de Mohamed Merah. Vous admettrez qu’ils sont imputables à l’antisémitisme plutôt qu’au sionisme !

Je ne suis pas compétent pour parler de cette affaire-là. Qui est Merah, quelle est son histoire ? Pour moi, Merah est un sioniste car il a commis des actes violents.

Donc, le sionisme n’a plus grand-chose à voir avec Israël ou avec les juifs, c’est juste  l’autre nom du Mal. Ne craignez-vous pas d’attiser les tensions communautaires en alimentant les fantasmes complotistes ou antisémites de votre public ?

Non, et je me fais mal comprendre si vous interprétez mes sketches comme un appel à la violence. Quant aux associations comme le CRIF et la Licra, elles instrumentalisent l’antisémitisme pour justifier leur propre existence. Leur paranoïa me fatigue.

Pas besoin d’être parano pour observer que vous ne compatissez pas à la douleur des victimes du génocide juif. Vous auriez même arraché les pages consacrées à la Shoah dans le livre d’histoire de l’un de vos enfants…

En fait, je ne l’ai pas fait, parce que ce livre appartient à l’Éducation nationale et qu’il faut le rendre à la fin de l’année ! Mais sur le fond, les manuels d’histoire de l’Éducation nationale sont un tissu de mensonges auquel je ne crois pas une seconde. D’ailleurs, qui écrit cette histoire ?

Autrement dit, vous ne croyez pas à l’authenticité du génocide juif ?

Je ne suis pas du tout spécialisé dans ces choses-là.

Ça, c’est certain. Mais cela ne vous empêche pas d’en parler abondamment…

De toute façon, la loi Gayssot interdit tout débat. Que les juifs soient morts dans les chambres à gaz ou ailleurs, c’est atroce. En même temps, j’aime bien écouter Faurisson. Mais je regrette que personne ne veuille l’affronter en débat et lui opposer des preuves.

Il y a des bibliothèques entières de preuves ! Puisque vous rejetez l’accusation de négationnisme, pourquoi désapprouvez-vous l’enseignement de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale à l’école ?

Pour certains, la Seconde Guerre mondiale appartient à une histoire familiale et elle pèse sur toute leur vie. Pour d’autres, c’est la guerre d’Algérie ou le génocide rwandais. C’est aux parents et à la famille de raconter l’histoire et à l’enfant de l’écrire. On n’a pas à raconter aux enfants une histoire plus qu’une autre. Quand on est chrétien, on a envie d’écouter l’histoire de Jésus, plus que celle de Louis XIV !

Louis XIV était chrétien… Aucun de nous n’a de rapport direct avec Louis XIV, ni d’ancêtres gaulois, mais nous sommes heureux d’avoir appris l’histoire de France…

Je n’en ai rien à foutre de Louis XIV ! La seule chose que je sais, c’est qu’il s’appelait Dieudonné… L’histoire relève de la sphère privée ! L’École devrait se contenter de nous apprendre à écrire, lire, compter et défendre le vivre-ensemble.

Mais qu’avons-nous en commun si chacun se tricote sa propre histoire ? Le vivre-ensemble républicain a été forgé par l’École et par l’histoire enseignée à tous.

Vous savez, j’ai gardé certains manuels d’histoire de mon père. Au Cameroun, ils expliquaient les bienfaits de la colonisation. L’histoire n’est pas un outil objectif, mais de la propagande écrite par les vainqueurs !

Et quand vous soutenez que les juifs ont joué un rôle central dans la traite négrière, ce n’est pas de la propagande ?

Je ne sais pas si les juifs étaient ou non majoritaires parmi les négriers. Mais si le premier article du Code noir interdit la traite négrière aux juifs et aux protestants, c’est sans doute bien parce qu’un certain nombre d’entre eux exerçaient cette profession ! Cela ne doit évidemment pas culpabiliser les juifs d’aujourd’hui, qui ne sont pas plus responsables de la traite que les jeunes Allemands ne sont redevables de ce qui s’est passé lors de la dernière guerre. Moi, en tant qu’Afro-descendant, j’ai besoin de connaître la vérité ! En Martinique, 80% des terres en appartiennent aux descendants d’esclavagistes. Comment cela se fait-il ?

Il y a sans doute de graves inégalités dans les Antilles, mais vous pourriez vous soucier d’autres injustices, par exemple celles qui sont commises en Iran. Avez-vous une sympathie pour le régime des mollahs, ou avez-vous joué sur la solidarité des réprouvés pour financer vos films ?

Au départ, c’est la voix de Mahmoud Ahmadinejad et sa façon de s’exprimer à la tribune des Nations unies qui m’ont plu. Puis j’ai visité l’Iran. C’est un pays magnifique qui vit sous le blocus. D’un point de vue politique, le régime bicéphale de l’Iran, avec d’un côté des mystiques et de l’autre côté des administrateurs laïques, est étonnant. Je trouve cette articulation entre religieux et politique intéressante.

N’étiez-vous pas un laïque pur et dur autrefois ?

À une époque, je m’inscrivais effectivement dans une dynamique très laïque. J’étais athée et je me disais qu’on pouvait dénoncer le fait religieux en riant. Les frontières dressées par les religions me paraissaient dangereuses et sectaires. Et puis je me suis rendu compte que la religion laïque et athée pouvait être aussi intolérante que le fanatisme religieux. Aujourd’hui, je crois que les hommes de bonne volonté de chaque camp, croyants ou athées, devraient pouvoir se retrouver dans une croyance commune. Les prophètes comme Mahomet et Jésus-Christ nous ont montré la voie du rassemblement.

Cela dit, que vous le vouliez ou non, votre discours antijuif, sur le mode humoristique ou sérieux, rassemble contre vous une partie de la communauté nationale et nous nous en félicitons. Qui cherchez-vous à choquer et à séduire en chantant  « Shoah-nanas » ?

Avec « Shoah-nanas », je critique la compétition victimaire et non pas la Shoah elle-même. « Tu me tiens par la Shoah, je te tiens par l’ananas », cela signifie que chacun arrive avec sa souffrance et sa mémoire, et qu’ensemble on arrive à zouker.

Honnêtement, que croyez-vous faire avec vos spectateurs : les faire rire ou les endoctriner ?

Je suis humoriste. Ni plus ni moins. Dans mes spectacles, il n’est pas question de donner des leçons de morale ou de philosophie. En toute simplicité, je fais rire sur des sujets qui me passionnent et que j’aime bien. À l’inverse, beaucoup de comiques restent dans une sorte d’humour un peu industriel sur des sujets faciles. C’est d’ailleurs ce que je reproche à mon ami d’enfance Élie Semoun, pour lequel j’ai toujours beaucoup d’affection. Malheureusement, il se complaît dans une certaine bourgeoisie du show-business. Or, faire rire exige de se mettre un peu en risque.

Vous trouvez terriblement audacieux et transgressif de faire des « quenelles ». Il paraît que c’est un geste « anti-système ». Le footballeur millionnaire Anelka est  anti-système ?

Anelka est dans le système mais il a un rêve. C’est un descendant d’esclaves issu d’une grande famille antillaise. Plutôt timide et discret, il a fait ce geste lorsqu’il ne fallait pas le faire : c’est ça qui est anti-système !

Et ceux qui font une quenelle devant une synagogue ou un mémorial de la Shoah, qu’en pensez-vous ?

Sur les quelque 40 000 clichés de quenelles que nous avons reçus, il n’y en a pas plus de six qui ont été prises devant un lieu de culte ou un symbole juif. Je n’ai pas publié ces images sur mon site pour ne pas brouiller le message, car je n’associe pas la quenelle aux juifs. Mais si certains ont envie de le faire, pourquoi pas ? Qui sait, ce sont peut-être des juifs qui s’opposent au judaïsme ou qui sont devenus athées. J’ajoute que nous avons aussi des images de quenelles devant des moquées…

N’est-ce pas un salut nazi inversé ?

C’est une calomnie inventée par le président de la Licra, Alain Jakubowicz, pour discréditer ce geste. Il aura bientôt à en répondre devant la Justice. Faire une quenelle est un geste potache qui n’a provoqué aucun acte de violence, sinon de la part des hystériques de la LDJ. En s’en prenant à  de jeunes « quenelliers », les membres de cette milice ont franchi une limite.[/access]

Février 2014 #10

Article extrait du Magazine Causeur



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Elisabeth Lévy est journaliste et écrivain. Gil Mihaely est historien.

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