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Catherine Deneuve, grand-mère courage de djihadiste

"L'Adieu à la Nuit" d'André Téchiné


Catherine Deneuve, grand-mère courage de djihadiste
"L'adieu à la nuit" d'André Téchiné.

L’adieu à la nuit, le nouveau film d’André Téchiné s’inspire du livre de David Thomson Les Revenants sur les retours de djihadistes partis en Syrie. Avec une Catherine Deneuve en grand-mère qui a le visage de la France.


Au fond de la morne plaine du cinéma français actuel, où se traînent de languissantes comédies de copains plus ou moins bronzés en vacances, où croupissent des drames plus ou moins sociaux et féministes sur des mères célibataires régénérées par la rencontre d’une copine LGBT, pellicules infiniment plates qui n’existent que par la grâce de l’effarant système français de financement de la création cinématographique, se dresse une somptueuse montagne, un Canigou surgissant dans son blanc manteau de neiges immaculées, c’est le Mont André Téchiné.

Les haïkus visuels de Téchiné

On ne sait où déposer ses bouquets de louanges. Sur le jeu de Catherine Deneuve, sublime grand-mère courage qui essaie d’arrêter la machine infernale, une femme qui devient à tel point l’incarnation de la France qu’il faudrait absolument mettre son effigie sur les timbres-poste ? Sur les beaux paysages des Pyrénées-Orientales, les cerisiers en fleurs et le pentes immaculées du Canigou, qui disent dans cette histoire toute la douceur et la fragilité française ? Il y aura de belles thèses à rédiger par les étudiants en cinéma sur le sens des deux séquences de cerisiers, la floraison et la récolte. Téchiné a ceci de commun avec les haïkus japonais qu’il sait tout exprimer dans le langage des saisons, tout dire des émotions humaines par les fleurs, les montagnes et les nuages qui passent dans le ciel. Et ce langage nous révèle tout du lent éclatement des liens familiaux dans Ma saison préférée, tout de la découverte de son homosexualité par un très jeune homme dans Les Roseaux Sauvages, et tout du combat douloureux d’une grand-mère contre la conversion de son petit-fils au djihad islamiste. Que célébrer d’autre ? La parfaite montée de l’action dramatique tout au long du film ? La parfaite vraisemblance des personnages secondaires, famille, diverses variétés de djihadistes en herbe ou repentis ? La justesse de la dénonciation de l’islamisme, féroce mais jamais haineuse ? Le scénario s’est inspiré d’une bonne source, le livre de David Thomson Les Revenants sur les retours de djihadistes partis en Syrie.

Capturer des djihadistes comme des cailles

Deux séquences m’ont particulièrement sidéré. Moi qui pense d’habitude que la police n’est jamais aussi efficace que quand elle est dure, j’ai été stupéfait par l’arrestation des trois jeunes djihadistes en route vers l’aéroport de Barcelone et au-delà la Syrie par la police des frontières dans un autobus. Téchiné et ses collaborateurs se sont sérieusement documentés sur les méthodes les plus récentes de la police et cela donne une séquence étonnante où les policiers menottent les fuyards en les stupéfiant comme des charmeurs de serpents, l’un baratine pendant que l’autre contourne et assujettit les poignets dans les menottes. Et voilà les trois fiers combattants de la conquête islamiste du monde capturés comme de jeunes cailles stupides dans le sac d’un braconnier.

Le sommet du film est une séquence qui présente des plans alternés sur deux réunions qui ont lieu en même temps. Un groupe fête une victoire en compétition équestre chez le personnage joué par Deneuve, propriétaire d’un manège d’équitation. Ailleurs, un autre groupe formé de jeunes djihadistes fervents tout vêtus de blanc écoute les discours enflammés d’un imam télévisuel, parmi ces jeunes gens le petit-fils de la propriétaire de manège, rôle tenu par Kacey Mottet-Klein, effrayant d’obstination butée. Les plans alternent d’une réunion à l’autre. Au manège, la joie de boire et manger à la française, les rigolades et les blagues familiales qui fusent et aussi une certaine vulgarité dans l’exhibition festive, deux filles qui se mettent à danser de façon désordonnée et provocante. Exactement tout de que déteste l’autre groupe, tout vêtu de blanc et de fanatisme candide, qui se gargarise de sa pureté, du sens de Dieu, de la vie et de la mort qu’il sait garder face à ces dégénérés d’Occidentaux. Cette double séquence géniale en dit plus long sur la fascination qu’exerce le djihad sur ces jeunes gens assoiffés d’absolu que des livres entiers d’explications.

Du calibre des Renoir, Demy, Chabrol 

Rien de manichéen là-dedans : les jouisseurs montrent les bornes d’une civilisation sans idéal, les islamistes sont terrifiants dans leur bonne conscience criminelle, mais on comprend l’attrait irrésistible qu’ils ressentent. C’est le match fanatisme islamiste contre hédonisme occidental, espérons que ce dernier en sorte vainqueur, mais ce n’est pas joué.

Grande nouvelle dans le cinéma français : un cinéaste sait penser avec des images !  Depuis quand cette merveille ne nous était pas arrivée : Renoir, Demy, Chabrol ? André Téchiné est-il au sommet de son Canigou artistique ou bien saura-t-il monter encore et nous émerveiller par d’autres chefs-d’œuvre ? Qui a dit que la vieillesse était un naufrage ? Elle peut être un accomplissement, souhaitons à Téchiné la longue carrière de Manoel de Oliveira.

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