Cologne: où sont les hommes?


Cologne: où sont les hommes?

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Le parti du déni s’est surpassé. Deux semaines après la nuit d’émeute sexuelle qu’a connue Cologne le soir de la Saint Sylvestre, branchez-vous sur Canal +, Arte (désopilant) ou France Inter : vous entendrez que le danger, c’est que cette nuit de cauchemar pourrait éveiller des sentiments anti-migrants – on voudrait certainement que les Allemands, conscients de leurs responsabilités historiques, se disent désolés d’avoir poussé des malheureux à la faute et qu’ils promettent d’en accueillir encore plus.

Face à un crime d’une telle ampleur et d’une portée symbolique aussi dévastatrice, il est difficile d’effacer les faits, on se contente donc de glisser dessus pour en venir à leurs déplorables conséquences sur les esprits déjà droitisés. Méthode illustrée, par exemple, par ce titre de l’AFP du 12 janvier: « Allemagne: crainte d’une vague xénophobe après les violences de Cologne ». Alain Finkielkraut a eu raison de rappeler sur RCJ, dimanche dernier, que le risque d’amalgame était bien réel. Tous les demandeurs d’asile ne sont pas des violeurs. Mais c’est en tentant de dissimuler la réalité qu’on nourrit les fantasmes. Et la répétition de mêmes scènes, de la place Tahrir au cœur de villes européennes, permet au moins de demander s’il n’y a pas un rapport entre ces déchainement pulsionnels et la vision que nombre d’hommes, dans les sociétés arabo-musulmanes, ont des femmes, et pire encore, des femmes infidèles.

On a pourtant dénoncé abondamment tous ceux qui pourraient établir un lien entre le crime et l’origine des agresseurs, c’est-à-dire peu ou prou tous ceux qui s’obstinent à voir ce qu’ils voient : des hommes de culture musulmane – qu’ils aient été saouls comme des barriques n’y change rien – ont agressé en horde des femmes occidentales. Et on se demande avec des mines désolées si tout cela va faire le jeu de l’extrême droite. Comme l’a candidement avoué un journaliste de France Inter, cette nuit de rapine ressemble sacrément à un fantasme d’extrême droite.

Dans la foulée on apprenait que la police suédoise a caché des agressions du même type il y a deux ans. Et on découvre  que, un peu partout en Europe, on préfère souvent détourner le regard ou minimiser quand des immigrés commettent des crimes, en particulier des crimes sexuels. Le plus sidérant est que ces manipulations elles-mêmes aient fait aussi peu de bruit. Imaginons qu’on ait dissimulé des crimes commis par des skinheads, vous seriez encore en train de défiler contre l’Europe policière.

Beaucoup de gens se sont émus par ailleurs de la faiblesse des protestations féministes. Pour celles que j’ai entendues , c’est plutôt leur condensé de sottise et de lâcheté qui m’a frappée. Quelques pleurnicheuses professionnelles sur le sort des femmes, dont l’ineffable Caroline de Haas, ont décidé que la cécité était un devoir moral. Le patriarcat n’a pas de couleur, nous disent ces bécasses. En fait, pour elles, il en a une et une seule parce que tout ça, d’une façon ou d’une autre, c’est la faute au mâle blanc. C’est ainsi qu’à France Culture, on traitera l’affaire de Cologne au cours d’une journée du harcèlement, enfin contre le harcèlement – en particulier dans le métro où il parait que toutes les filles sauf moi se font coller des mains aux fesses (bien sûr, je n’ai pas l’air commode, ça aide, je sais bien que ces choses existent et c’est dégueulasse, mais désolée, cela ne me semble pas aussi grave que des tournantes ethniques à ciel ouvert).

Bien sûr, on me dit que d’autres féministes n’ont pas tourné autour du pot. Certes, mais on a quand même senti chez beaucoup une sorte d’embarras comme si elles se retrouvaient soudainement dans le mauvais camp. De toute façon, moi, ce qui m’inquiète, c’est le silence des hommes. Où sont-ils, tous ceux qui chantent la Marseillaise quand on viole leurs filles et leurs compagnes ? Où sont-ils, tous les beaux parleurs qui devraient aujourd’hui jurer qu’ils défendront l’honneur et l’intégrité de leurs femmes ? Où sont les tribunes et les tweets pour dire « n’ayez pas peur les filles, on est là ! » ?  Ou alors, dira-t-on que ces amateurs de terreur sexuelle ont gagné, parce que l’an prochain, plus aucune femme n’ira festoyer dans les rues de nos villes ?

Demander la protection des hommes, c’est le cœur du patriarcat, ricaneront celles qui confondent hommage et insulte, galanterie et oppression. Tant pis, elles ne comprendront jamais pourquoi Hume appelait la France « la patrie des femmes », ni qu’on parle de « beau sexe ». Et après tout on leur laisse volontiers tous les hommes que l’égalité – à moins que ce soit la féminisation –  a rendus incapables de chasser le poulpe, réparer une douche ou faire le coup de poing.

Cet attentat à l’impudeur (qui commence pour ces abrutis avec une chevelure déployée), est une attaque contre nos mœurs. C’est en tant que femmes occidentales, c’est-à-dire libres, que des Allemandes ont été agressées. On attend que les hommes d’Occident, quelles que soient leurs origines et leurs préférences sexuelles, se lèvent en masse pour dire qu’ils ne transigeront pas avec la liberté et la sécurité des femmes. Ah, dernière précision : chez nous, on ne défend pas l’honneur des femmes en leur cousant l’entrejambe ou en le mettant sous clé, mais en les protégeant afin qu’elles puissent choisir librement ceux auxquels elles s’offrent. Avec, en prime, le droit d’aguicher tous les autres si ça leur chante.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21843556_000010.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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