Al-Qaïda is back!


Al-Qaïda is back!

Al Qaida Pakistan Afghanistan

Début mai 2012, pour marquer le premier anniversaire de l’élimination d’Oussama Ben Laden, Barack Obama avait effectué une visite surprise en Afghanistan afin de signer un accord stratégique entre Kaboul et Washington. « Le but que j’ai fixé de vaincre Al-Qaïda et de l’empêcher de se reconstituer est désormais à notre portée », avait-t-il alors déclaré. Moins de quatre ans plus tard, on peut dire en paraphrasant Mark Twain que les rumeurs sur la mort d’Al-Qaïda sont très exagérées.

Al-Qaïda n’a pas passé l’arme à gauche. Il semblerait même que l’organisation terroriste créée en 1987 par le Palestinien Abdallah Azzam, le mentor de Ben Laden, soit en pleine résurrection. Et cette résurrection, selon le New York Times, surprend et inquiète les Etats-Unis. D’après le quotidien américain, plusieurs camps d’entraînement de l’organisation ont été découverts ces derniers mois en Afghanistan. Des camps aussi grands que ceux de « l’époque Ben Laden », où l’organisation était à son apogée, peu avant les attaques du 11 septembre 2001 et l’invasion américaine qui a suivi. Concentrant leur attention sur l’Etat islamique et la SyRak (Syrie + l’Irak), les États-Unis ont négligé leur ancien ennemi et son vivier, « l’AfPak » (Afghanistan + Pakistan), découvrant ces camps avec retard.

Or, contrairement à Al-Qaïda « canal historique », la nouvelle réincarnation de l’organisation a (jusqu’ici) des visées plus régionales. Nommée AQIS (Al-Qaeda in the Indian Subcontinent), l’organisation vise clairement le Pakistan, l’Inde et les états d’Asie du sud. De toute manière, au Moyen-Orient, dans le monde arabe et en Europe, l’EI semble si bien ancré qu’il laisse peu d’espace à la concurrence. Mais si la (géo)stratégie d’Al-Qaïda s’est renouvelée, sa tactique reste conforme aux méthodes de Ben Laden : des opérations sophistiquées exigeant une capacité importante d’organisation.

Une opération – heureusement ratée et dont la presse française a peu parlé – donne ainsi la mesure des ambitions et du modus operandi d’AQSI. Le 6 septembre 2014, une frégate de la marine pakistanaise a été attaquée par un commando qui a tenté d’en prendre le contrôle. Les assaillants, tous des matelots et des sous-officiers radicalisés de la marine pakistanaise, voulaient utiliser ce navire (2500 tonnes, un équipage de 170 matelots et officiers) pour lancer une  attaque contre un bâtiment de guerre américain en mission dans l’Océan Indien. Si l’opération s’est soldée par un échec – l’équipage ayant opposé une résistance efficace –, elle révèle la capacité d’Al-Qaïda à mettre en place une opération d’envergure. Les retombées stratégiques d’une telle attaque auraient pu être extrêmement importantes.

Avec cet échec inquiétant des services de renseignements pakistanais, les Américains sont tombés de haut. C’est peut-être à la suite de cet incident qu’ils ont commencé à traquer les nouveaux camps d’entraînement d’Al-Qaïda en Afghanistan. Mais le retour de l’organisation islamiste met à mal la stratégie américaine dans la région. Les Etats-Unis, qui avaient déjà entamé leur désengagement dans ce pays, espéraient pouvoir compter sur un gentlemen’s agreement avec les Talibans – à la Maison Blanche, on sait que le gouvernement de Kaboul ne tiendrait pas seul. Washington comptait laisser les Talibans tranquilles (y compris s’ils s’en prenaient aux droits des femmes) aussi longtemps qu’ils n’offrent pas de sanctuaire à Al-Qaïda ou à d’autres organisations djihadistes visant les Etats-Unis et l’Occident.

Aujourd’hui, les Américains sont donc forcés de reconnaître que s’ils peuvent tourner le dos à l’Afghanistan, l’Afghanistan n’est sûrement pas en mesure de faire de même. Autrement dit, avec leur départ du pays, tout risque de redevenir comme avant septembre 2001, voire pire.

Si l’on prend les choses à la racine, le problème n’est ni Al-Qaïda ni l’Etat islamique. Sur le certificat de décès des personnes atteintes de Sida, on ne fait jamais mention de cette maladie, la cause indiquée de la mort est souvent une maladie opportuniste comme la pneumonie. De la même manière, le Sida de la géopolitique de notre époque est la faillite totale des Etats et des sociétés dont ils émanent, de l’Afghanistan au Soudan, en passant par la Libye, le Mali, le Yémen et bien sûr l’Irak et la Syrie. Aussi longtemps que ces corps politiques seront aussi affaiblis qu’aujourd’hui, le nom exact de la pathologie dont ils souffrent importe peu. Or, comme les Etats-Unis sont en train de le découvrir – et la France aussi au Mali et en Libye – un désengagement militaire est illusoire. L’avenir ressemble à un long plan Vigipirate à l’échelle mondiale.

*Photo : SIPA.AP21839989_000011.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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