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Volahiku à Matignon


Volahiku à Matignon

Ulrich Wickert, n’a pas encore ouvert son journal télévisé sur ce scoop. Der Spiegel n’a pas encore publié la nouvelle. Ni la Süddeustche Zeitung ni Die Welt n’ont consacré de longues et ennuyeuses pages à analyser et commenter l’information. Elle ne devrait pourtant pas tarder à se répandre et à révolutionner le monde : le coiffeur de François Fillon est allemand !

Lorsque de Gaulle se rendait en Allemagne, c’était pour rencontrer son homologue Konrad Adenauer et deviser avec lui de la marche du monde. Parfois, il lui arrivait bien de prendre l’hélico et d’aller se baigner aux merveilleux thermes de Baden-Baden. Mais c’était pour y laisser à la postérité reconnaissante des sentences mémorables : « Massu, ne jouez pas avec la savonnette. »

Cela restait grand, beau, généreux : c’était la France. Or, aujourd’hui, lorsque François Fillon passe le Rhin, c’est uniquement pour aller se faire couper les cheveux.

C’est, du moins, l’analyse toute personnelle de mon coiffeur, Markus Pftizer (Cannstatter Strasse 51, à Fellbach). Selon Markus, qui a regardé attentivement plusieurs portraits du Premier ministre français, seul un coiffeur allemand est capable de réussir une telle mèche. « Il faut maîtriser, dit-il, l’art de la volahiku, pour parvenir à un tel résultat. C’est un réel chef d’oeuvre. »

Pour ceux qui croient que l’Europe s’arrête au périphérique parisien, j’explique : la volahiku, c’est la vokuhila à l’envers. Clair, non ? Le gardien de but, Rudi Völler, avait popularisé la vokuhila (vorne kurz, hinten lang : court devant, long derrière) dans les années 1980. Le footballeur anglais de l’OM, Chris Waddle, ne tarda pas à l’introduire en France. En soi, c’est déjà assez surprenant qu’un Anglais introduise quelque chose quelque part. Le plus étonnant est que, dans le monde entier, les tribunes des stades se remplirent instantanément de coupes Waddle et de coupes Völler. Des millions de supporteurs oubliaient ainsi leur nationalité pour communier dans une même ferveur capillaire. On les voyait désormais trinquer avec les canettes de bière qu’autrefois ils se jetaient à la face.

Ne pensez pas que j’oublie le cas de votre Premier ministre, chers amis Français. La vohuhila (vorne kurz, hinten lang) avait sa contrepartie : la volahiku (vorne lang hinten kurz : long devant, court derrière). Markus m’a expliqué que la volahiku est l’exercice le plus délicat à réaliser en coiffure, puisqu’il s’agit de laisser pousser sur le front les cheveux qui poussent habituellement dans la nuque…

Cette coupe ne peut être réalisée que par un coiffeur allemand, puisqu’au moment où volahiku et vokuhila disparurent de la surface de la terre et des crânes masculins c’est en Allemagne qu’elle prospéra. Encore aujourd’hui, il est d’un raffinement extrême d’arborer une volahiku resplendissante. Les coiffeurs allemands n’ont pas fait que préserver un savoir-faire menacé, ils l’ont perfectionné.

Je ne sais pas si Markus a raison. Mais les éléments dont nous disposons sont trop troublants pour ne pas y prêter un peu de crédit. Ne trouvez-vous pas étrange que l’accession de François Fillon à Matignon coïncide avec l’apparition de simili volahiku sur la tête des danseurs de tecktonik ? Et ne me dites surtout pas que c’est tiré par les cheveux.

Traduit de l’allemand par l’auteur.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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