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Passifs mais pas naïfs


Passifs mais pas naïfs

Ça n’en finit pas ! Grèves des transports contre la réforme des retraites, grèves des étudiants contre le financement privé des universités, grève des fonctionnaires pour leur fiche de paie, ce sont des bras de fer à qui mieux mieux.

Depuis plusieurs jours, des barrages de sécurité se dressent dans les rues du Quartier Latin, les CRS se déploient, certains étudiants défilent, on commence à se sentir en cage. Une clameur étudiante a appelé les lycéens à descendre dans la rue. Des organisations syndicales ont répondu présent. Mais la « base », comme on dit, ne suit pas vraiment. Mardi 20 novembre, les dirigeants de ces syndicats qui promettent une lutte acharnée contre la « ghettoïsation des facs » ont manifesté avec leurs professeurs – et le reste de la fonction publique. Pour le reste, s’il y a des lycéens dans les rues, c’est surtout faute de transports. Faut-il en conclure que la jeunesse a perdu sa verve politique ?

Le télescopage des mouvements sociaux tue l’action des étudiants. Dans les médias, les questions posées par la réforme des universités sont noyées, comme beaucoup d’autres sous les prévisions du trafic. Le ras-le-bol général rend les grèves peu populaires. Y compris chez les lycéens.

Il est certain qu’aujourd’hui les jeunes se mobilisent peu s’ils ne sont pas immédiatement et concrètement touchés. Ont-ils conscience de ce qui se passe ? Peut-être, même s’ils ne sont pas tous au clair sur les enjeux réels. L’action, elle, n’est pas au rendez-vous. La nouvelle génération consomme avec modération les idées politiques. Vous pourriez me dire : et les grands blocages du CPE, ce n’était pas de la mobilisation ? Si, c’était une réaction, mais pas toujours une conviction profonde. La preuve, lorsqu’il s’agit de manifester dans le froid, au mois de novembre, on « désinvestit » et on « défroque ».

Discutailler de politique, ça peut « le faire », mais en profondeur, on retrouve surtout les idées des parents ou de la presse. Le débat manque. L’action commune n’est pas en vogue. Cela signifierait-il que l’individualisme prime chez les jeunes étudiants ? « Trop compliqué » comme disent certains ? « On s’en fout », comme l’affirment les autres ?

Les préoccupations des étudiants ont tout simplement changé. L’université attire de moins en moins et même ceux qui projettent d’y étudier semblent peu s’inquiéter des réformes. La conception de la grève a évolué. Pour la plupart, c’est surtout une preuve de paresse et non un moyen d’agir et de s’opposer. Peut-être parce que les jeunes étudiants en ressentent moins le besoin et se sentent plus libres qu’avant. Peut-être aussi parce qu’ils ne veulent pas mener un combat qui n’est pas le leur. Est-ce condamnable ? La question est ouverte. Mais peut-être vaut-il mieux être passif que cabotin. Ceux qui se la jouent politicien ne savent pas forcément de quoi ils parlent. Ne nous méprenons donc pas. Beaucoup de jeunes sont peu actifs, mais pas naïfs. Leur désengagement est volontaire, peut-être parce qu’on ne leur laisse pas vraiment la parole non plus. Ne dramatisons pas la supposée inconscience d’une jeunesse désunie, en la blâmant de ne pas réagir. Pour une fois, c’est peut-être aux raisons de son silence qu’il faut s’intéresser. Il nous serait facile, à nous, lycéens, de crier, nous savons déjà blablater. Parlementer ? Pour l’instant, c’est un droit dont nous usons peu. A tort sans doute.



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Née en 1990 à Paris, Maïa Venturini est étudiante en Terminale L au Lycée Henri IV.

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