
Andreas Cellarius (1596-1665), originaire du palatinat rhénan, fut jusqu’à sa mort, à l’âge de 70 ans, recteur de l’école de latin de Hoorn, au nord-est de l’actuelle Hollande septentrionale. La Guerre de Trente ans le voit, semblerait-il, en quête de fortune dans les Pays-Bas protestants, à Amsterdam et ailleurs… Ingénieur militaire avant d’être maître d’école, il est aussi mathématicien. Il écrit des ouvrages savants sur les fortifications, mais son chef d’œuvre reste sans conteste l’Harmonia macrosima, atlas publié en 1660 par les soins d’un certain Johannes Janssonius, mais sur lequel il travaillait depuis 1647. L’opus magnus qui a fait la gloire de Cellarius présente des gravures des systèmes cosmologiques, corpus unique, d’une singularité sans exemple. Et pourtant, celui qui reste l’un des plus grands cartographes de tous les temps n’a même pas de tombe identifiable, pas plus qu’il n’a de monument pour commémorer sa mémoire à Hoorn. Cellarius aura tout de même donné son nom à l’astéroïde 12618 : consolation tardive.
Ainsi, entouré de mystère, cet illustre inconnu – demandez donc autour de vous qui est Andreas Cellarius – demeure-t-il tout de même l’auteur de la plus fantastique compilation des connaissances astrologiques au sortir de la Renaissance ! Outre les nombreux textes, le volume, enrichi de diagrammes sur les cartes célestes et les systèmes du monde, constitue pour nous la plus spectaculaire illustration existante, de l’histoire de l’astronomie.
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Introduit et richement commenté par Robert van Gent, émérite historien de l’astronomie, d’une extraordinaire érudition, cette cartographie du cosmos mérite d’être approchée en grand format, en sorte que l’œil en apprécie le détail. C’est à quoi nous convie à présent Taschen, éditeur allemand dès longtemps versé, non sans une certaine prédilection, dans le XXL pesant son poids… et son prix ! Le volume était paru en 2007. Voilà donc réédité sous ses auspices, à la veille de ce Noël 2025, dans un très beau papier mat, l’impérissable Harmonia macrosima. A l’aube de la conquête interstellaire que notre troisième millénaire met en œuvre, sinon tout à fait dans la réalité, à tout le moins par le vecteur de la SF, le livre donne, par comparaison, la mesure de la « carte du ciel » telle qu’elle était envisagée sous Ptolémée, lequel voit encore le monde tourner autour de la Terre, jusqu’à Copernic selon qui notre planète tourne définitivement autour sur soleil… Au croisement de l’imaginaire le plus débridé avec ce qui s’affirmait alors pour un travail scientifique, ces planches au chromatisme vif, chargées de chérubins et d’effigies, ensemencées de flores, emplies de toute une faune aquatique ou terrestre, tracées d’un dessin de haute tenue, plaquées de géométries impeccables, se signalent par une étrangeté qui, décidément, porte à la rêverie sur le fameux silence éternel de ces espaces infinis. Sans le moindre effroi, il faut donc bourse délier, et se féliciter d’une telle réédition : à l’évidence, elle s’impose au pied du sapin.
A lire : Cellarius, Harmonia macrosima. Textes de Robert van Gent. 248p, beau livre, format XXL. Edition trilingue français, anglais, allemand. Taschen, 2025.


