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L’imam qui croyait au Père Noël

Le vivre-ensemble version « sans l’Autre »


L’imam qui croyait au Père Noël
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Au Royaume-Uni, Umayr Mulla, l’imam d’une mosquée de Nottingham regrettera longtemps d’avoir répondu aux questions du militant identitaire Tommy Robinson et d’avoir dit du bien d’une éventuelle solution à deux États au Proche-Orient. Récit.


Au Royaume-Uni comme en France, prétendre qu’il n’y a aucun apartheid en Israël vous expose à l’exclusion sociale. Quand ce sont les principaux intéressés, les Israéliens, qui l’affirment, il suffit de les accuser, en plus, de mensonge. Mais quand c’est un imam britannique qui le prouve en se promenant à Jérusalem avec la même insouciance que n’importe quel pékin croyant ou incroyant, cela devient plus difficile.

– Bah ! Suffit de pas en parler, Coco ! Tu veux quand même pas faire le jeu des sionistes ?

Umayr Mulla, imam de la mosquée Masjid Khazra de Nottingham, s’est mordu les doigts de n’avoir pas suivi le sage conseil donné à certains journalistes débutants (syn. : « enclins à vérifier leurs sources ») par certains rédacteurs en chef de médias mainstream dans le monde (sans majuscule, Votre Honneur !)

Inclusion, diversité et équité dans une mosquée de Nottingham

L’imam a visité la vieille ville de Jérusalem en compagnie d’un suppôt de l’extrême droite, le journaliste militant Tommy Robinson. Pire qu’un délit d’opinion, c’est un péché mortel.

Tommy Robinson, qualifié de « visage de l’extrême-droite britannique qui attise la haine anti-musulmans » par France 24, a été accusé par icelle d’avoir organisé une marche pour la « liberté d’expression ». Les guillemets sont une circonstance aggravante ajoutée par le média étatique.

Ladite marche ayant rassemblé près de 150 000 personnes rien qu’à Londres, le 13 septembre 2025, il devenait impossible de la passer sous silence. Certains médias bienpensants ont simplement remplacé « liberté d’expression » par « islamophobie » et hop ! le tour était joué. D’autres y ont ajouté que la manifestation était violente, car 28 policiers ont été blessés et 25 personnes ont été arrêtées pour « troubles violents, agressions et dommages criminels », preuve irréfutable que les manifestants n’étaient pas des citoyens pacifiques mais des meurtriers de musulmans en puissance.

A relire, Jeremy Stubbs: La terre promise du frérisme en Europe

Le Monde a vu ce qu’il voulait y voir : « La police a déclaré que 26 agents avaient été blessés, dont quatre gravement, après avoir été confrontés à une « violence inacceptable » alors qu’ils tentaient de contrôler la foule, dont beaucoup étaient drapés de drapeaux anglais et britanniques, pendant plusieurs heures tendues en marge du rassemblement. » Associated Press y a regardé d’un peu plus près, ce qui lui a permis de séparer les bons manifestants de l’ivraie black-blockiste : « la manifestation a dégénéré samedi lorsqu’un petit groupe de ses partisans s’est affronté avec des policiers qui les séparaient des contre-manifestants. » Regarder des deux côtés de la lorgnette, ce n’est pas du journalisme, c’est de la provocation !

Quand on est un imam respectueux de ses ouailles, on évite soigneusement le risque de contagion avec des personnes infectées par le Covid, le sionisme ou l’extrême droitisme. Si Umayr Mulla n’a pas pris cette précaution, ce n’est pas par étourderie, c’est par idéalisme (syn. : « collusion avec l’ennemi »).

Londres, 13 septembre 2025 © Vuk Valcic/ZUMA/SIPA

Interview offensante

La mosquée Masjid Khazra a publié un communiqué dans lequel elle présentait ses excuses pour les « opinions personnelles profondément offensantes et totalement incompatibles avec les valeurs de notre institution » de son imam. Quel crime de lèse-Allah Umayr Mulla avait-il commis pour que son employeur soit obligé de faire pénitence ? Il a accordé une interview au susnommé Tommy Robinson. Ce crime est inexcusable car, au lieu de critiquer l’intervieweur, il lui a donné des réponses iconoclastes, qui lui eussent peut-être valu la mort par lapidation, si sa paroisse avait été située à Gaza ou en Judée Samarie sous occupation palestinienne: « Je n’ai aucun problème avec Israël, tant que les gens vivent en paix, je pense que les deux parties devraient avoir leur propre pays. Les Palestiniens devraient avoir leur propre espace sûr, où ils peuvent vivre librement sans oppression ni injustice. Je pense que c’est la solution pour la paix au Moyen-Orient. »

Cette déclaration offensante a été mollifiée par la récitation de quelques versets anti-sataniques, expurgeant l’islam des principes et applications de la dhimmitude subie par les non musulmans en terre d’islam : tout était paradisiaque, « tant que [les non-musulmans] payaient la jizya, qui est une sorte de taxe de protection. Cela n’est pas différent des impôts que nous payons en Grande-Bretagne ». Certes, les dhimmis n’avaient pas le droit de construire des églises ou des synagogues, de prier à haute voix, de rire en public ou de marcher sur les trottoirs à l’égal des musulmans et ils subissaient d’innombrables persécutions quotidiennes actant de leur infériorité statutaire, mais « Si vous lisez l’histoire, il n’y avait ni oppression ni occupation. Ils payaient des impôts comme nous. Les musulmans, cependant, devaient payer la zakat, qui est une aumône. »

Ces figures imposées n’ont pas innocenté le coupable de la mécréance d’avoir reconnu le droit à l’existence d’Israël et, pire, d’avoir critiqué l’Autorité palestinienne, que l’opinion britanico-musulmane tient en sainteté : bien qu’il se réjouisse de la reconnaissance d’un État palestinien par son gouvernement, l’imam a déclaré s’opposer à la politique Pay-to-Slay, en vertu de laquelle l’Autorité palestinienne rémunère les meurtres de juifs. Il a également critiqué certaines actions commises au nom de l’islam par Daech et le Hamas. « Je peux affirmer sans crainte qu’ils ne sont pas du tout musulmans… Certains de leurs enseignements et de leurs actions vont à l’encontre des enseignements islamiques. » Ces blasphèmes contre les valeurs de la mosquée ont justifié les excuses faites aux croyants.

Le Newspeak (novlangue) comme vertu cardinale

« Notre institut est fondé sur un engagement en faveur de la diversité, de l’égalité et de l’inclusion. Nous apprécions et respectons toutes les composantes de la communauté musulmane et de la communauté au sens large que nous servons, et nous nous engageons à maintenir un environnement respectueux et solidaire pour les élèves, le personnel et les familles. »

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Ce n’est pas à proprement parler un mensonge : l’employeur de Umayr Mulla respecte toutes les diversités de la communauté MUSULMANE (sauf celles que Mahomet réprouve, notamment l’homosexualité, mais celles-ci sont haram, donc irrespectables). Quant à la communauté au sens large QUE NOUS SERVONS… Le sens large n’a pas le même sens en anglais et en taquiya[1] dans le texte : les anglophones entendent « en général » alors que l’islam veut dire « la oumma », la communauté des croyants sur toute la planète.

Heureusement pour l’imam Mulla, en Angleterre, les représailles contre la pensée se limitent à la mort sociale et professionnelle. Il a été suspendu, pas pendu, et il s’est platement excusé, écrivant regretter « profondément le tort que mes propos ont causé aux communautés cachemirie et pakistanaise, aux Palestiniens, à mes employeurs, à ma famille, à mes amis et à toute personne qui avait été offensée directement ou indirectement. Mes références à certaines communautés étaient totalement inacceptables. Je les retire sans équivoque et demande sincèrement pardon à ceux que j’ai offensés. Je m’engage à tirer les leçons de cette expérience. » Conclusion : Allah est le plus grand et le client est roi.


[1] Le mot Taquiya, littéralement « prudence » et « crainte », désigne, au sein de l’islam, une pratique de précaution consistant, sous la contrainte, à dissimuler ou à nier sa foi afin d’éviter la persécution. Par extension, il est utilisé pour tous les mensonges qui permettent à l’islamisme de gagner du terrain au sein des nations.




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essayiste, conférencière, traductrice, auteur de plus de 30 ouvrages, dont plusieurs sur les conflits du Moyen-Orient

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