À Téhéran, les mollahs aux abois n’aiment pas les espions… ni les opposants, ni les trafiquants de drogue, ni les chansons tristes. Les religieux tentent de réactiver la fibre nationaliste et pendent à tour de bras dans les prisons.
Il y a tout juste un mois, le monde retenait son souffle alors que l’escalade entre Israël et l’Iran battait son plein. Au cours de ce que l’on peut appeler désormais la guerre des 12 jours, la République islamique a déploré la mort de mille de ses ressortissants, dont quelques figures majeures du régime.
Devant la Chine à la fin de l’année ?
À l’intérieur, la répression ne faiblit pas. Le 25 juillet dernier, Mehdi Hassani et Behrouz Ehsani ont été exécutés. Les deux hommes avaient été condamnés à mort en janvier pour « rébellion armée », « inimitié envers Dieu » et « corruption sur Terre », en lien avec leur appartenance supposée à l’organisation d’opposition des Moudjahidines du peuple (MeK), au terme d’un procès qui a duré cinq minutes. Ils s’ajoutent à la liste des 612 détenus exécutés au cours du premier semestre 2025.
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Le chiffre est deux fois plus élevé que pour le premier semestre 2024 (297 exécutions alors). De quoi écraser le rival saoudien dans ce macabre exercice, et égaler ou dépasser la Chine à la fin de l’année. L’agence Fars News, proche des Gardiens de la révolution, évoque le souvenir de l’été 1988, quand les opposants à l’ayatollah Khomeini, de la gauche aux royalistes en passant par les Moudjahidines du peuple, avaient été exécutés. En moins de trois semaines, entre 2 800 et 5 000 détenus avaient été abattus dans les geôles iraniennes.
Téhéran, nid d’espions
Plus de 40 % des personnes exécutées en 2025 l’ont été à cause d’activités liées à la drogue. Pour le reste des condamnés, il s’agit d’accusations « fourre-tout », comme celle d’« inimitié envers Dieu » ou de « corruption sur Terre », accusations tirées du droit islamique, bien utiles pour mener la guerre aux opposants politiques et aux minorités religieuses. La guerre des 12 jours n’a pas freiné la paranoïa au sein de la République islamique à l’égard de ceux qui collaborent « avec des États hostiles », bien au contraire : plus de 700 Iraniens et un nombre indéterminé de ressortissants étrangers ont été arrêtés, d’après les médias persans.
Les autorités iraniennes ont par exemple affirmé avoir démantelé un réseau d’espionnage lié au Mossad, qui aurait été impliqué dans des assassinats ciblés de scientifiques, des sabotages industriels et des infiltrations de sites militaires et nucléaires, avec des agents non pas iraniens ou israéliens… mais indiens, pour certains techniciens, logisticiens ou ingénieurs civils employés à Bahreïn, aux Émirats arabes unis ou à Oman, ayant un accès logistique, administratif ou informatique à des structures régionales stratégiques.
La mue nationaliste des mollahs
Il faut dire que même les paranoïaques ont de bonnes raisons d’être inquiets. Si l’objectif israélien de renverser le régime de Téhéran a échoué, l’opposition perse continue de réclamer des changements. L’opposant réformiste Mir Hossein Moussavi a publié, le 10 juillet, une déclaration appelant à la libération des prisonniers politiques et à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Il a été rejoint par 800 personnalités politiques. La déclaration se dissocie de toute allégeance à une puissance étrangère ennemie, proposant une troisième voie, « celle du peuple, qui trace une route indépendante, pour conjurer la répression et l’autoritarisme tout comme la guerre et l’agression extérieure ».
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En réaction, Téhéran semble « iraniser » sa propagande depuis la guerre des 12 jours, ajoutant aux références chiites d’autres plus nationalistes. C’est ainsi que des chants patriotiques datant de l’époque de l’invasion anglo-soviétique ressurgissent. « Aujourd’hui, Iran et islam ne font qu’un », a soutenu un clerc ultra-conservateur en marge des festivités de l’Achoura.
Face à la menace extérieure et aux dissensions internes, le régime doit activer la fibre nationale et encourager l’union sacrée.
Au lendemain de la guerre du Golfe, Saddam Hussein avait dû « réislamiser » le régime baasiste (ajoutant même les mots Allahu akbar sur le drapeau) pour tenir une nation rendue exsangue par les sanctions internationales ; trente-cinq ans plus tard, l’ennemi iranien doit faire le chemin inverse, pour résister à la double pression de l’extérieur et de l’intérieur.
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