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Dans “le Monde”, un entretien d’une rare complaisance avec Elias Sanbar

Le Hamas est devenu le «porte-étendard de la résistance. Que cela plaise ou non, c’est la réalité». Et on doit trouver ça très bien?


Dans “le Monde”, un entretien d’une rare complaisance avec Elias Sanbar
Pixabay

Nouveau scandale journalistique au journal Le Monde. L’interview de l’écrivain palestinien, Elias Sanbar, réalisé par Benjamin Barthe, met très mal à l’aise.


C’est une faute majeure sur le plan de la déontologie journalistique que le journal Le Monde vient de commettre dans son édition datée du 13 octobre 2023. Et ceci, à deux niveaux. Je parle de l’interview d’Elias Sanbar, par Benjamin Barthe, sur une page entière du quotidien. 

D’une part la qualité ou le statut du journaliste interrogent, d’autre part la complaisance de l’intervieweur pour l’interviewé est manifeste. 

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Hamas et Israël renvoyés dos à dos

Comment Benjamin Barthe peut-il prétendre à une quelconque honnêteté intellectuelle, alors qu’il est partie prenante de ce conflit ? Marié à la militante palestinienne Muzna Shihabi, Benjamin Barthe, responsable adjoint du service étranger du Monde, n’interroge pas les paroles de M. Sanbar, ne met pas en cause le choix de ses mots, ne conteste pas la fausseté de ses propos. Tout l’article, sa mise en page, son titre, favorisent la mise en équivalence des crimes du Hamas avec la riposte d’Israël. 

« Ce conflit est ponctué d’actes intolérables », dit le titre. La généralisation du propos incite à penser que les horreurs sont équitablement partagées. « Toute attaque contre des civils est un crime de guerre », déclare l’ancien représentant de la Palestine à l’UNESCO, « mais s’attaquer à une armée d’occupation est parfaitement légitime ». Le journal du soir néglige de rétorquer que Gaza est libre de toute occupation israélienne depuis 2005, et que c’est le Hamas qui y a pris le pouvoir en liquidant dans le sang celui du Fatah. « Gaza serait un Soweto à ciel ouvert », lit-on ensuite, ce qui induit donc que l’apartheid est bien la politique d’Israël. Comment le mensonge par omission, ou bien l’affirmation que le Hamas est devenu le « porte-étendard de la résistance. Que cela plaise ou non, c’est la réalité » peuvent être ainsi avancés sans contradiction ? Et quelle est l’appréciation de Sanbar sur ce « porte-étendard » ? Sont-ils des héros, lavant l’éternelle humiliation arabe ? M. Sanbar ne porte aucun regard critique sur la responsabilité arabe devant le désastre arabe, sur l’incurie de ses leaders. Le malheur arabe n’aurait qu’un seul responsable : Israël. « Ce que la Palestine apporte au monde », était le titre de l’exposition organisée à l’Institut du Monde Arabe avant l’été. Était-ce une interrogation que présentait Sanbar ? Aujourd’hui la réponse tarde à venir. On attendait davantage d’esprit de finesse de la part d’un homme aussi instruit.

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Alain Frachon sauve l’honneur

Comment la rédaction du Monde (le quotidien de référence, dit-on) peut-elle tolérer un tel mélange des genres ? Comment peut-elle laisser publier ces articles militants soutenant ce que la cause palestinienne a de pire ? Clothilde Mraffko, dénonciatrice forcenée du « suprémacisme juif », ou Louis Imbert, distillent depuis des mois, au mieux, un regard compassionnel pour les jeunes de la « fosse aux lions » de Naplouse, au pire se font le relais zélé de la propagande palestinienne. M, le magazine radical chic du Monde, rapportait il y a quelques mois le récit de la randonnée pédestre que Louis Imbert avait effectuée à Gaza. Tel Stevenson sans son ânesse, il rendait compte de la misère des choses vues mais de l’amabilité des personnes rencontrées. Ce topo guide pittoresque ne disait rien de la haine dans les têtes, du fanatisme enseigné dans les écoles, ni des roquettes planquées sous terre. Sur le papier glacé, ce texte incitait à rendre une humanité aux Palestiniens. Souhait louable, hélas contredit par les crimes contre l’humanité qui viennent d’être commis par tous les Gavroche de Gaza. Et c’est d’ailleurs heureusement l’appréciation portée, dans cette même édition du Monde, par Alain Frachon, qui évoque justement un « djihadisme pogromiste(…) coupable de crimes contre l’humanité ». Que se racontent-ils devant la machine à café, Benjamin Barthe et Alain Frachon ?

La première émotion passée, voilà que les médias retombent déjà dans leur ornière idéologique préférée. Certes le Hamas a commis des horreurs, mais voilà qu’Israël en commet autant. Rony Brauman sur LCI ou Sylvain Cypel sur TV5 se sont acharnés à produire cette mise en équivalence. Il y a surement des comptes à régler en Israël. Et les gesticulations martiales de Bibi ne pourront réduire sa responsabilité dans ce fiasco sécuritaire. L’autisme d’une partie de la classe politique préférant l’incantation religieuse, aveugle devant la médiocrité croissante du leadership, sera dénoncé le moment venu. Après.

Jamais les mots de Hillel n’ont eu autant de pertinence :
« Si je ne prends pas garde à moi, qui le fera ?
« Si pas maintenant, quand
« mais si je ne prends garde qu’à moi- qui suis-je ? »



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Jacques Tarnero est essayiste et auteur des documentaires "Autopsie d'un mensonge : le négationnisme" (2001) et "Décryptage" (2003).

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