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"L’Abîme" de Nicolas Chemla (Le Cherche Midi, 2023)


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Le romancier Nicolas Chemla © Cherche Midi

Le nouveau et singulier roman de Nicolas Chemla permet au lecteur de découvrir le journal intime d’un Américain installé à Paris, rue de Paradis, dans une capitale française en proie à la canicule, au chaos et à l’insurrection…


La vie n’est guère réjouissante en cette période. La morosité est en nette inflation. Il faut s’en échapper. La littérature s’y emploie, parfois. C’est le cas avec le roman L’Abîme, de Nicolas Chemla. C’est cru, noir, envoûtant, fantastique. Ça fissure la réalité et nous plongeons dans une sorte d’univers parallèle, un contre monde où les messes noires, les couloirs sombres, les cadavres en décomposition, les individus inquiétants et le chat Mouche nous permettent d’oublier la société du Spectacle qui nous conduit tout droit au bord du gouffre, bien réel celui-là.

Les humains n’étaient pas faits pour l’humanité

Un Américain vit dans un curieux immeuble parisien, à l’insolite façade. D’entrée de jeu, l’auteur nous indique que l’Américain en question finira mal. Mais avant, la folie le gagne, elle nous contamine et nous entraîne avec lui. Le rythme est rapide, l’atmosphère oppressante. On étouffe, car c’est un temps de canicule. La violence se fait entendre dans la rue, l’insurrection guette. Les Parisiens sont en colère, la frontière entre la civilisation et la barbarie est de plus en plus poreuse. Dans l’immeuble, il y a un vieillard étrange et maniéré. Il cache, entre ses mains, un secret. Mouche, le chat, sorti de nulle part, n’est pas seulement à la recherche de croquettes. Tout cela est volcanique, le feu couve, les fumerolles annoncent les fleuves de lave.

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Nicolas Chemla maîtrise son sujet. Son roman s’inscrit dans la lignée de ceux de Lovecraft, Huysmans, Mary Shelley, ou, plus près de nous, Bret Easton Ellis. Dans les dernières pages de ce magistral dérèglement occulte, le libraire, ami de l’Américain, qui met la clé sous la porte – fait hautement symbolique – admet : « Vous savez, à la fin des Mots et des choses, de Foucault : ce visage de l’homme, dessiné sur le sable, que les vagues effaceront, comme tout le reste. Ça y est, on y est. Les humains n’étaient pas faits pour l’humanité… »

Conseil d’écrivain

Une chose est certaine : Nicolas Chemla n’a pas pratiqué l’autocensure, comme il n’a pas eu recours à cette imposture qu’on nomme les sensitivity readers. C’est pour ça que son roman est si singulier. Et il donne un conseil pertinent : « Je crois que l’on devrait relire les livres que l’on a lus adolescent. Non qu’avec l’âge on devienne nécessairement plus intelligent, sûrement pas, mais il me paraît que l’on acquiert, avec l’expérience, un regard différent, plus riche, mieux à même de percevoir toutes les dimensions d’une œuvre – on la reçoit avec toute la richesse de nos propres histoires, aventures, découvertes et déceptions. »

Nicolas Chemla, L’Abîme, Le Cherche Midi.

L'Abîme

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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