Accueil Brèves Chronique bête n°4 : la fable du poney et du hérisson

Chronique bête n°4 : la fable du poney et du hérisson


En liminaire, n’attendez de moi aucun commentaire sur Serge le lama – célèbre camélidé devenu multimillionnaire pour avoir pris le tramway bordelais avec des amis fêtards sans même demander l’autorisation d’Alain Juppé[1. Sont-ce les mêmes qui avaient volé, il y a quelques années, le légendaire canapé Chesterfield ?].

Pourtant l’heure est grave. Sachez que l’okapi se meurt. L’AFP nous apprend que « L’okapi ou « girafe des forêts » a rejoint la liste rouge des espèces menacées par l’Union internationale pour la conservation de la nature. L’okapi, animal mystérieux à la morphologie étrange évoquant à la fois le zèbre et la girafe, vit uniquement dans les forêts tropicales de la République démocratique du Congo dont il est le symbole national. » Dans le même temps, le méconnu ministre de l’écologie Philippe Martin (appartenant à la même équipe que Jean Dupont, secrétaire d’Etat au commerce participatif, Marcel Durand, ministre délégué à rien du tout et Albert Dugland, porte-parole) s’exprime dans les colonnes du quotidien La République des Pyrénées pour dire tout le bien qu’il pense des ours. Le ministre lâche : « Ma mission est de protéger la biodiversité et donc d’assurer la conservation de l’ours brun ». Le journal titre « Philippe Martin veut conserver l’ours ». Le gouvernement est au taquet. Cela fait plaisir.

Mais malgré cette attention portée aux animaux, les équidés sont dans la rue ! « Quelque 600 piétons et cavaliers de toute la Côte d’Azur, accompagnés de 170 chevaux et poneys selon la police (300 bêtes selon les organisateurs), ont marché dimanche sur la promenade des Anglais pour dire non à une hausse de la TVA sur les activités des centres équestres », rapportait récemment l’AFP. Parmi les slogans entonnés, retenons celui-ci, qui fera date : « Hollande t’es foutu, les poneys sont dans la rue ! » Faisons le pari que – cruellement – les historiens, dans deux cents ans, définiront ainsi le quinquennat hollandais : « Période trouble durant laquelle des ânes ont porté au pouvoir un homme plein d’humour, à cheval sur les bons mots, qui a réussi à faire l’unanimité contre lui, et même provoqué le courroux des poneys. » Dur.

Dans une précédente chronique bête, j’évoquais le porc-épic au travers de la prose de Pline l’ancien (voilà typiquement le genre de chose que Mediapart ne fait jamais). Posons ce principe : qu’importe la longueur des pics, l’important est l’ivresse… C’est pour cette raison qu’il ne faut nullement négliger le hérisson, qui – depuis toujours – fascine les naturalistes et fait rire les enfants. Le sympathique mammifère insectivore – qui prend les traits de « Sonic » dans l’univers des jeux vidéo – a fait une entrée fracassante dans l’actualité judiciaire , chez nos confrères de La Nouvelle République du Centre Ouest[2. Journal régional totalement punk qui nous avait déjà inspiré cette précédente brève.]. L’affaire pourrait sembler futile. Il s’agit du cambriolage d’un marchand de vins. Le journal titre pourtant son compte-rendu d’audience : « Chasse nocturne au hérisson ou rendez-vous coquin ? » Pourquoi ? Car la défense des prévenus – bras cassés et moi non plus – dépasse les attentes les plus folles des amateurs de faits divers… Ils ont pénétré de force dans l’échoppe pour se livrer à une partie de… « chasse » aux hérissons. « Leur seconde audition – nous apprend la NRCO – ne permet guère de progresser. Téo reste sur sa version : la chasse au hérisson, la cagoule contre le froid et les gants pour se prémunir des piquants de la bête ! ‘Alors, messieurs, aujourd’hui, qu’avez-vous à nous dire ? Avez-vous réfléchi à quelque chose de plus sérieux ?’ L’espace d’un instant, le tribunal semble y croire. Kévin prend la parole et promet de tout dire. La surprise est à la hauteur de l’espérance : ‘Si on ne voulait rien dire, c’est à cause de nos femmes ! On avait rendez-vous avec une demoiselle. C’était une soirée à thème dans le sauna !’ » Un sauna, voisin du marchand de vin, décrit dans cet article délectable comme « certes libertin, mais aussi citoyen » car ayant donné l’alerte. L’avenir est aux donneurs d’alertes…

Le gang des chasseurs poitevins de hérissons repart donc avec du sursis. Tout porte tragiquement à croire que leur aventure s’arrête là… Dommage. On aurait pourtant adoré rendre compte de la suite comique des péripéties de cette fine équipe. Les grandes associations criminelles portent quasiment toujours des noms d’animaux colorés. Le gang des « souris vertes » : celui des « panthères roses ». Il ne reste plus qu’à trouver la couleur du gang des hérissons…



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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