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Les monstres sont parmi nous

Dahbia la meurtrière est une jeune femme ordinaire, son acte n’est pas celui d’une folle.


Les monstres sont parmi nous
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Peut-on encore juger un tueur irresponsable pour cause de déséquilibre mental, alors que l’ensauvagement de la société et le «mal» se répandent de plus en plus ? Chaque crime atroce est-il issu de la folie sombre de celui qui le commet ou préférons-nous croire que c’est ainsi ?


La meurtrière de Lola est-elle déséquilibrée ? Son discernement a-t-il été aboli au moment de l’acte abominable ? Quelle que soit la réponse donnée par les experts psychiatres, ils auront tort. La science a ses limites et les experts ne disent pas toute la science. Comme le disait Shakespeare : «Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie».

La notion d’abolition du discernement disparaît lorsque la folie devient collective. La haine raciale ou l’antisémitisme ne sont plus du domaine de folie telle qu’elle est définie dans les manuels de psychiatrie.

Attentat de Nice : des dizaines de morts. Des gamins filment avec leur smartphones l’agonie des blessés, fouillent les poches des cadavres, et clament : « On l’a fait, on l’a fait ! »

Ces enfants sont-ils déséquilibrés, leur discernement est-il aboli au moment de ces actes et de ces paroles ou sont-ils de futurs enfants-soldats comme en Palestine ?

Lorsque la folie devient collective, en temps de guerre civile par exemple, n’importe qui peut commettre l’acte le plus monstrueux. Les motivations importent peu alors : tout est bon pour nourrir la soif du mal.

Au Rwanda, pendant le génocide, des meurtres atroces ont été commis par des voisins sur des voisins, des enfants sur des parents, des enseignants sur leurs élèves, des prêtres sur leurs ouailles.

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En temps de guerre civile, on fracasse les bébés contre les murs, on brûle vivants des hommes, des femmes, des enfants dans des églises, des synagogues, on fait exploser en Afghanistan ou en Irak des mosquées ou des écoles en tuant, en mutilant des dizaines de compatriotes parce qu’ils sont chiites. Au Congo, des milices tuent sans pitié et violent des femmes, des enfants, et même des hommes devant leur famille. On mange le foie et le cœur de l’ennemi. On boit son sang. Au Rwanda, des voisins venaient égorger, éventrer la femme enceinte, arracher les entrailles d’une vieille grand-mère. Ces gens étaient-ils tous des déséquilibrés ?

La mort de Lola, comme l’égorgement dans son église du père Hamel, la décapitation dans la rue de Samuel Paty ou la balle dans la tête de Myriam Monsenego, l’enfant saisie par les cheveux à l’école Hazor Hatora sonnent le glas de notre confort de civilisés. Nous ne savions plus de quoi est capable l’être humain. Or, il va falloir le savoir très vite et ne pas se tromper de diagnostic, psychiatrique ou pas, faute de quoi nous revivrons l’horreur.

S’y habituer ? Personnellement, je ne m’y habituerai jamais, même si je connais par coeur cet abîme de sang et de larmes dans lequel j’ai été plongé dès ma petite enfance. Au Rwanda, j’ai parlé pendant des heures avec les planificateurs du génocide : des professeurs, psychologues, prêtres, tous gens fort civils, aimables, avenants. Au Rwanda, il y avait les théoriciens du génocide et les praticiens du génocide, ces exécutants qui partaient dans les marais et les collines chasser le tutsi avec leurs machettes. Des hommes ordinaires, paysans ou des commerçants, tout comme ces pères de familles de Hambourg dont parle Robert Browning dans son livre : «des hommes ordinaires». L’ennemi pour eux, ce sont des cloportes, des serpents, des rats, mais l’ennemi peut être aussi une petite fille blonde aux yeux bleus. Dans ce temps de folie collective, quand le respect de la vie humaine ne compte plus, Dahbia la meurtrière est une jeune femme ordinaire, qui s’exhibe sur TikTok. Son acte n’est pas celui d’une folle, même si les experts le décident, même si, comme le meurtrier de Sarah Halimi, elle est enfermée dans un établissement psychiatrique.

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Essayiste et fondateur d'une approche et d'une école de psychologie politique clinique, " la Thérapie sociale", exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.

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