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Pour le mariage avec tous


Pour le mariage avec tous

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Comme on est sommé de prendre position sur la question du mariage gay, je rappellerai que d’abord, il ne s’agit pas du mariage gay mais du « mariage pour tous ». Avec une telle appellation, il faut vraiment être de mauvaise foi pour ne pas voir l’effort du gouvernement  qui veut empêcher tout enfermement communautaire, comme cela avait été le cas au moment du Pacs. Alors, plutôt que de critiquer cette dénomination, de la refuser en bloc, cherchons à l’améliorer : ce sera une attitude positive, constructive, citoyenne comme il se doit dans une république moderne.

Ce qui me gêne, dans l’expression « mariage pour tous », ce n’est pas le  « tous », c’est la préposition. Je trouve qu’il faudrait remplacer « pour » par « avec ».
Le « mariage avec tous », je signe des deux mains. Je ne vois pas pourquoi le mâle blanc hétérosexuel que je suis ne pourrait pas se marier avec plusieurs femmes. Je sais, ça s’appelle la polygamie et c’est interdit. Eh bien, c’est un tort. C’est une revendication qui court dans l’Occident chrétien depuis un bon bout de temps et qui trouve par exemple son expression la plus franche dans le Dom Juan de Molière, car on sait qu’il n’y a pas plus chrétien que la figure de Dom Juan puisqu’il est pour l’amour universel et qu’il met à bas les hypocrisies de ce monde-ci pour finir emporté en Enfer. S’il n’avait pas été chrétien, il ne serait pas allé en Enfer, l’Enfer n’existant évidemment que pour ceux qui y croient.

Mais écoutons plutôt celui que le discours puritain a voulu limiter à être un vil séducteur : « Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J’ai beau être engagé, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point mon âme à faire injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu’il en soit, je ne puis refuser mon coeur à tout ce que je vois d’aimable ; et dès qu’un beau visage me le demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous » Parce qu’il se comporte mal avec sa femme Done Elvire, on a voulu voir dans ce passage un refus du mariage classique. C’est évidemment un contresens. Dom Juan est un pionnier non pas du mariage pour tous, mais du mariage avec tous, ou toutes, comme vous voudrez. Ce qui le déçoit dans le mariage, ce n’est pas le mariage en soi, ni l’institution, c’est que cela suppose la monogamie. Et donc l’adultère et l’hypocrisie qui l’accompagne.

On m’objectera que la polygamie existe déjà et se résume à un truc illégal pour Maliens plus ou moins clandestins qui gênent tout le monde avec le bruit et l’odeur. Je ferai remarquer deux choses à ce sujet.
Primo, ceux qui sont les plus virulents contre le malien polygame sont peu ou prou les mêmes qui ne voyaient pas d’objection à ce que les USA fussent dirigés par un Mormon, blanc, chrétien mais dont l’Eglise recommandait la polygamie jusqu’à la fin du XIXème siècle, avant de l’interdire dans un moment de faiblesse face au puissant lobby monogame.
Secundo, en votant un « mariage avec tous » qui supposerait des droits et des devoirs comme le mariage classique, nous ferions un pas vers l’intégration et même l’assimilation de ce Malien polygame. Il ne manquera plus que de le faire voter aux élections locales pour avoir enfin réussi une parfaite intégration républicaine.

Le mariage avec tous pourrait évidemment s’appliquer aux femmes hétérosexuelles, aux gays, aux bisexuels, aux lesbiennes, aux trans. Un panachage, comme sur jadis les listes électorales pour les élections municipales, serait possible. L’homme bisexuel pourrait avoir son épouse et son mari sous le même toit, y compris si l’épouse elle-même bisexuelle est de son côté mariée avec un homme banalement hétérosexuel et un trans brésilien en cours d’opération.

Cela supposerait évidemment une nouvelle politique du logement et de la petite enfance. Pour le logement, il faudrait demander à Cécile Duflot une loi prévoyant par communes 25% de logements prévus pour les « marié-e-s  avec tous », c’est-à-dire des logements avec une surface habitable proportionnelle aux nombres de personnes concernées car il est hors de question que le mariage avec tous soit l’occasion d’une promiscuité détestable et malsaine qui nous renverrait, justement, à notre travailleur malien.
Pour la petite enfance, c’est également tout bénef. On sait les dégâts psychologiques observés chez les enfants élevés dans des familles monoparentales, d’où a disparu toute référence masculine. On sait également la souffrance que représente pour eux, malgré la propagande médiatique, le divorce devenu hélas le destin de la moitié des couples en France avant même les fameux sept ans de réflexion.

Grâce au « mariage avec tous », il devient évident, par la multiplicité des combinaisons qu’il propose, que la famille monoparentale sera statistiquement très rare car il faudrait vraiment y mettre de la mauvaise volonté alors que vous pourriez désormais vous marier avec un ou plusieurs hommes et une ou plusieurs femmes. Quant aux traumatismes du divorce pour l’enfant, il sera fortement dilué dans la mesure où la procédure ne concernera, par exemple, qu’un ou deux de ses huit ou neufs parents.
On l’aura compris, je l’espère, que le « mariage avec tous » semble bien aujourd’hui la seule mesure possible pour épouser, c’est le cas de le dire, les métamorphoses de notre société de manière à la fois rationnelle et morale.

*Photo : Energético.



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